L’effraie (Strix flammea) est le plus beau de nos
nocturnes. Elle n’est pas de grande taille, à peine celle d’un hibou moyen-duc,
mais sa physionomie est singulière et son plumage particulièrement beau. Elle
n’a pas de cornes, comme le hibou, mais elle porte un disque facial plus large
que les autres nocturnes. Ce disque est blanc pur et formé de plumes fines et
raides. Son bec en sort brusquement, plus long que celui du hibou, et deux
beaux yeux y brillent, deux yeux bruns que la lumière du jour fait clignoter.
Comme pour tous les nocturnes, le plumage de
l’effraie est composé de plumes fines, soyeuses et lustrées ; les couleurs
en sont très tendres. Il est en général fauve très clair, tirant sur le jaune,
et varié sur le derrière de la tête, le dos et les parties supérieures de
petites lignes grises et parsemé de petits points blancs. La gorge, la
poitrine, le ventre, l’abdomen sont blancs. Le plumage varie un peu d’un
individu à l’autre ; il est souvent très clair, et nous connaissons dans
certaine collection un individu complètement blanc.
Malgré la beauté de sa livrée, son aspect placide et rêveur,
l’effraie a joui de tout temps d’une mauvaise réputation. Le préjugé vulgaire
lui a donné un rôle funèbre et, pour certaines gens, avoir un nid d’effraie
dans un trou de la maison est chose particulièrement néfaste. Entendre son cri,
c’est être près de la mort ; on dit qu’en criant elle appelle les vivants
au cimetière.
Dans le Midi, on l’accuse de pénétrer dans les chapelles
pour y boire l’huile des lampes, ce qui lui a fait donner en provençal le nom
de Buou-l’Holi (Boit-l’huile). Ces croyances sont fort anciennes. Buffon
ne manque pas de les signaler, et, aujourd’hui encore, dans les campagnes,
elles ne sont pas encore abandonnées.
Il est inutile de dire que l’effraie est un oiseau pacifique
qu’il est au contraire nécessaire de protéger, car c’est un des plus grands
destructeurs de rats, souris, mulots et petits reptiles. D’ailleurs, on ne la
rencontre pas souvent, car c’est le plus nocturne de tous les rapaces, et il
est bien rare de la surprendre hors de chez elle pendant le jour. C’est ce qui
fait que les captures en sont peu fréquentes. Et cependant elle est très
commune en France et dans l’Europe entière, même en Algérie. Une des causes de
sa rareté, c’est qu’elle s’établit sur des points assez élevés, et souvent
inaccessibles, tels que les tours d’un vieux château ou de hautes cheminées.
D’autres fois, elle s’établit dans nos maisons même, au milieu des villes et
des endroits très fréquentés. C’est dans un trou de mur qu’elle établit sa
nichée ; elle pond trois ou quatre œufs arrondis, comme tous ceux des
nocturnes, et d’un blanc pur.
Son nom d’effraie lui vient, dit-on, de l’effroi qu’elle
inspirait, dit Buffon, par son soufflement : che, chei, cheu,
chiiou, par ses cris acres et lugubres, gru, grei, grei,
qu’elle fait souvent retentir dans le silence de la nuit. Pauvre effraie, si
calomniée et si belle ... et si utile ! Soyons-lui cléments, car nous
n’ajoutons aucune foi à tout ce qu’on raconte sur elle.
J.-B. S.
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