Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°599 Mai 1940  > Page 269 Tous droits réservés

Le chien

Il nous reste à parler, sur les Épagneuls, de deux races, l’une de l’Ouest, l’autre du Nord de la France. Je me permets de répéter encore une fois dans cette causerie que je m’occupe uniquement, en cette étude, des chiens de France, sans distinction d’utilisation, d’ailleurs ; mais, qu’ils soient gardiens, bergers, courants, d’arrêt ou d’agrément, tous sont de France. On peut dire, sans risquer la contradiction, que de tous les chiens d’arrêt continentaux, le plus à la mode est l’Épagneul breton. Au demeurant, je me demande, si c’est bien le mot « mode » qui doit être employé en l’occurrence. La mode est frivole, passagère, sans motif. Elle est souvent ridicule et parfois insensée. Elle n’invente rien, se contentant de présenter à l’émerveillement des gogos mâles et femelles le vestiaire déjà en usage en 1830 ou en 1873, quitte à changer l’année prochaine évidemment. En définitive, c’est une roue qui tourne, sans plus. Le mot « mode » à l’adresse de l’Épagneul breton est donc inexact.

Disons, pour être dans le vrai, que l’usage de l’Épagneul breton se répand de plus en plus, dans la plupart des régions, depuis une quinzaine d’années environ. Et ceci est parfaitement justifié, car le Breton est un excellent chien à tout faire et un camarade peu encombrant, ce qui est tout particulièrement apprécié des chasseurs de la ville.

L’Épagneul breton est une création française ou du moins réalisée par des Français, et postérieure à 1900. La reconnaissance officielle de la race date de 1907. Le premier chien de cette race primé en exposition, en 1904, fut Max de Callac qui appartenait alors à M. Patin. La concurrence dans les rings fut, dans les débuts, particulièrement dure pour ces chiens, car on commettait l’erreur lourde de les juger avec les Épagneuls français.

Quand je dis la race postérieure à 1900, c’est de la race telle qu’elle nous paraît actuellement que je parle. Le type a d’ailleurs évolué depuis cette époque. Mais, à vrai dire, la souche existait bien avant. Inutile de dire qu’elle ne brillait pas par l’homogénéité.

Commines, dans ses mémoires, nous apprend que le roi Louis XI faisait venir ses Épagneuls de Bretagne où l’on en élevait beaucoup.

Il existait donc déjà, en Armorique, des chiens de chasse particulièrement appréciés ? Évidemment, et bien antérieurement même, puisque Oppien nous parle « d’une race de chiens fort vaillants, petits, à long poil, suivant les lièvres en sourdine et les rapportant joyeux à leur maître, dès qu’i s avaient pris ». La description, le tempérament chasseur et la manière de faire s’appliquent bien à l’Épagneul breton de ce temps, alors qu’il n’avait encore été modifié ni par l’élevage, ni par le dressage.

Passons à des époques plus récentes et arrêtons-nous surtout au rapprochement que mon très honorable confrère et ami M. de Kermadec fait entre Spaniels et Épagneuls bretons. Très juste. Si nous en exceptons l’arrêt, la manière de chasser est la même.

Avant 1900, plus rarement un peu après, les Épagneuls bretons manquaient d’homogénéité. Il en était de petits, de moyens, de grands même, les uns marqués de marron, d’autres de noir, certains même tricolores, les ergotés n’étaient pas rares. Je me souviens avoir acheté moi-même, un Breton à tête typique : il toisait 0m,58, était ergoté et tricolore. Il est possible que les chiens de cette robe aient eu une infusion de sang Gordon. À partir de 1900, la couleur la plus fréquente était le blanc marron lavé. Cette robe, aujourd’hui, peut être qualifiée de rare. On voit surtout des sujets blanc-orange. L’influence des chiens anglais paraît incontestable.

Tel qu’il est aujourd’hui, ce petit chien intelligent, actif, roublard et endurant, est un chien de chasse à tout faire, vraiment très pratique sur la majeure partie des terrains de France.

Je me suis souvent demandé si l’Épagneul bleu de Picardie est bien réellement un Épagneul, au sens français du mot. Ce chien est, lui aussi, de création française-récente, et les opinions sont partagées quant à ses origines. Les regrettés MM. Cuvelier, Pascal, Verrier, cynophiles notoires, le qualifiaient de demi-sang, expression d’ailleurs assez impropre, mais qui signifiait, dans leur esprit, que ce chien est moitié anglais, moitié français. Ils pensaient, sans doute, au croisement du Setter noir et feu avec un Épagneul de pays. Ils avaient très probablement basé leur opinion sur l’extérieur du chien et sur sa manière de chasser. Quant aux marques de feu, ce n’est peut-être pas une raison. Cette opinion est certainement la plus vraisemblable. Qu’il en soit ainsi ou autrement, il est certain qu’il y a une formule susceptible de donner les mêmes résultats ailleurs même qu’en Picardie, car j’ai vu des chiens absolument semblables dans l’Aude et dans les Pyrénées centrales qui ne venaient sûrement pas des régions de la Somme, bien que ce soit en ce pays qu’on les trouve en plus grand nombre.

(À suivre.)

J. DHERS.

(1) Voir numéros 588 et suivants.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 269