Il nous reste à parler, sur les Épagneuls, de deux races,
l’une de l’Ouest, l’autre du Nord de la France. Je me permets de répéter encore
une fois dans cette causerie que je m’occupe uniquement, en cette étude, des
chiens de France, sans distinction d’utilisation, d’ailleurs ;
mais, qu’ils soient gardiens, bergers, courants, d’arrêt ou d’agrément, tous
sont de France. On peut dire, sans risquer la contradiction, que de tous
les chiens d’arrêt continentaux, le plus à la mode est l’Épagneul breton. Au
demeurant, je me demande, si c’est bien le mot « mode » qui doit être
employé en l’occurrence. La mode est frivole, passagère, sans motif. Elle est
souvent ridicule et parfois insensée. Elle n’invente rien, se contentant de
présenter à l’émerveillement des gogos mâles et femelles le vestiaire déjà en
usage en 1830 ou en 1873, quitte à changer l’année prochaine évidemment. En
définitive, c’est une roue qui tourne, sans plus. Le mot « mode » à
l’adresse de l’Épagneul breton est donc inexact.
Disons, pour être dans le vrai, que l’usage de l’Épagneul
breton se répand de plus en plus, dans la plupart des régions, depuis une
quinzaine d’années environ. Et ceci est parfaitement justifié, car le Breton
est un excellent chien à tout faire et un camarade peu encombrant, ce qui est
tout particulièrement apprécié des chasseurs de la ville.
L’Épagneul breton est une création française ou du moins
réalisée par des Français, et postérieure à 1900. La reconnaissance officielle
de la race date de 1907. Le premier chien de cette race primé en exposition, en
1904, fut Max de Callac qui appartenait alors à M. Patin. La concurrence
dans les rings fut, dans les débuts, particulièrement dure pour ces chiens, car
on commettait l’erreur lourde de les juger avec les Épagneuls français.
Quand je dis la race postérieure à 1900, c’est de la race
telle qu’elle nous paraît actuellement que je parle. Le type a d’ailleurs
évolué depuis cette époque. Mais, à vrai dire, la souche existait bien avant.
Inutile de dire qu’elle ne brillait pas par l’homogénéité.
Commines, dans ses mémoires, nous apprend que le roi Louis XI
faisait venir ses Épagneuls de Bretagne où l’on en élevait beaucoup.
Il existait donc déjà, en Armorique, des chiens de chasse
particulièrement appréciés ? Évidemment, et bien antérieurement même,
puisque Oppien nous parle « d’une race de chiens fort vaillants, petits, à
long poil, suivant les lièvres en sourdine et les rapportant joyeux à leur
maître, dès qu’i s avaient pris ». La description, le tempérament
chasseur et la manière de faire s’appliquent bien à l’Épagneul breton de ce
temps, alors qu’il n’avait encore été modifié ni par l’élevage, ni par le
dressage.
Passons à des époques plus récentes et arrêtons-nous surtout
au rapprochement que mon très honorable confrère et ami M. de Kermadec
fait entre Spaniels et Épagneuls bretons. Très juste. Si nous en exceptons
l’arrêt, la manière de chasser est la même.
Avant 1900, plus rarement un peu après, les Épagneuls
bretons manquaient d’homogénéité. Il en était de petits, de moyens, de grands
même, les uns marqués de marron, d’autres de noir, certains même tricolores,
les ergotés n’étaient pas rares. Je me souviens avoir acheté moi-même, un
Breton à tête typique : il toisait 0m,58, était ergoté et
tricolore. Il est possible que les chiens de cette robe aient eu une infusion
de sang Gordon. À partir de 1900, la couleur la plus fréquente était le blanc
marron lavé. Cette robe, aujourd’hui, peut être qualifiée de rare. On voit
surtout des sujets blanc-orange. L’influence des chiens anglais paraît incontestable.
Tel qu’il est aujourd’hui, ce petit chien intelligent,
actif, roublard et endurant, est un chien de chasse à tout faire, vraiment très
pratique sur la majeure partie des terrains de France.
Je me suis souvent demandé si l’Épagneul bleu de Picardie
est bien réellement un Épagneul, au sens français du mot. Ce chien est, lui
aussi, de création française-récente, et les opinions sont partagées quant à
ses origines. Les regrettés MM. Cuvelier, Pascal, Verrier, cynophiles
notoires, le qualifiaient de demi-sang, expression d’ailleurs assez impropre,
mais qui signifiait, dans leur esprit, que ce chien est moitié anglais, moitié
français. Ils pensaient, sans doute, au croisement du Setter noir et feu avec
un Épagneul de pays. Ils avaient très probablement basé leur opinion sur
l’extérieur du chien et sur sa manière de chasser. Quant aux marques de feu, ce
n’est peut-être pas une raison. Cette opinion est certainement la plus
vraisemblable. Qu’il en soit ainsi ou autrement, il est certain qu’il y a une formule
susceptible de donner les mêmes résultats ailleurs même qu’en Picardie, car
j’ai vu des chiens absolument semblables dans l’Aude et dans les Pyrénées
centrales qui ne venaient sûrement pas des régions de la Somme, bien que ce
soit en ce pays qu’on les trouve en plus grand nombre.
(À suivre.)
J. DHERS.
(1) Voir numéros 588 et suivants.
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