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La pêche à l’épervier

Description.

— La manœuvre de l’épervier exige à la fois du tact, du doigté, de l’adresse et de la force. C’est incontestablement l’engin le plus sportif qu’il existe. Il permet la capture des petits et des gros poissons, suivant que l’on emploie le goujonnier, à mailles de 10 millimètres, ou l’épervier ordinaire, à mailles de 27 millimètres. Il existe encore des filets intermédiaires, dits bâtards, à mailles non réglementaires de 15 millimètres, pour la pêche dans les étangs et les viviers particuliers.

Les éperviers ordinaires sont constitués par une coiffe, généralement en chanvre écru, retors au sec, complétée par un chapelet de balles ovoïdes en plomb, et d’une corde de jet. Les dimensions des grands filets varient entre 3m,60 et 6m,10 de diamètre de base, ce qui fait 300 à 900 mailles de 27, leurs poids respectifs étant de 5kg,600 à 9kg,200. Les goujonniers se font en coton jumel ou en lin écru ; ils sont beaucoup plus lourds que les premiers, à développement égal.

Préliminaires de la pêche.

— Le lancement de l’épervier peut se faire de pied ferme, c’est-à-dire en se tenant sur la berge, ou en pénétrant dans la rivière, si elle est en pente douce, jusqu’à ce qu’on arrive aux profondeurs les plus convenables. On peut aussi pêcher en se tenant sur l’avant-bec d’un bateau en station, ou en progression très lente. Dans tous les cas, il est nécessaire, d’abord pour éviter les accidents imputables à des accrochages de boutons, qui pourraient précipiter le pêcheur à l’eau, de porter des vêtements unis, en toile cirée ou caoutchoutée qui, en outre, s’opposeront à la pénétration de l’eau. Ces articles imperméables se trouvent dans le commerce.

Maintenant, pour capturer les poissons à l’épervier, il faut bien connaître les fonds de rivière, savoir où le poisson se tient habituellement, suivant la saison, en évitant les roches, les troncs d’arbres, les fagots d’épines, les pieux, les grands herbiers, etc., où l’on risquerait d’arracher le filet à la suite d’accrochages.

Enfin, il y a la question profondeur qui doit inspirer le pêcheur. On sait, en effet, que la surface enveloppante d’un filet se rétrécit, à mesure que les plombs descendent. Ceux-ci se rejoignant à 4 mètres, la nappe ne pêche plus au delà. C’est d’ailleurs entre 20 centimètres et 1 mètre que l’épervier est le plus prenant ; mais il faut que ce soit en eau trouble, afin que le poisson ne voie rien venir. Quand l’eau est claire, on pêche plutôt dans les fonds allant de 1 mètre à 1m,50. Pour éviter la fuite des poissons, on préconise le lancement simultané de plusieurs éperviers, au commandement du chef de manœuvre. En voulant fuir une nappe, le poisson se prend dans une autre. De toutes manières, il est instamment recommandé de se dissimuler le mieux possible, en marchant sans bruit, avec des espadrilles, car le poisson a l’ouïe fine.

Les plus belles captures se font sur les coups amorcés, soit au tourteau de chènevis, soit au blé cuit, au sang, au fromage blanc, au son, aux pelotes d’argile farcies de vers, etc., suivant qu’il s’agit de rivières ou d’étangs.

Manœuvre de l’épervier.

Premier temps.

— Commencer par fixer l’extrémité de la corde de jet, en faisant plusieurs tours après son poignet gauche. Replier ensuite, dans cette main, le reste de la corde et le dessus du filet, d’ailleurs peu étoffé dans le haut, de manière que 70 à 80 centimètres seulement de la nappe restent pendants ; puis démêler les plombs en les soulevant, à plusieurs reprises, de la main droite.

Deuxième temps.

— Avec la main droite, plisser environ le quart du filet, en le rejetant sur le coude gauche, jusqu’à l’épaule, l’avant-bras gauche relevé et en équerre. Saisir le reste de la nappe avec la main droite, à mi-hauteur, et fléchir légèrement les jambes, en se tenant prêt à fournir un gros effort.

Troisième temps.

— Balancer deux ou trois fois le corps, en s’arcboutant solidement sur les jambes infléchies. Détendre brusquement le corps, en projetant le filet en arc de cercle, le poids du corps portant sur la jambe droite, déportée d’un pas en avant. La manœuvre prescrite pour un droitier se fait dans un ordre inverse pour un gaucher.

Quatrième temps.

— Attendre que les plombs aient eu le temps de descendre au fond, avant de tirer sur la corde, retenue par le poignet gauche. Amener le filet à la rive et le soulever un peu pour le sortir de l’eau, afin de pouvoir s’emparer des poissons captifs dans les bourses.

L’opération terminée, on soumet l’épervier à une torsion modérée, afin de le débarrasser d’une partie de l’eau qui l’imprègne, puis on se remet en position d’attente, qui est celle du premier temps. On s’éloigne du premier coup, pour en rechercher un deuxième, et ainsi de suite.

J.-B. NICOLAS.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 274