Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°599 Mai 1940  > Page 284 Tous droits réservés

Au jardin potager

Les plantes condimentaires

Une mise au point.

— Il ne faut pas confondre les plantes condimentaires indigènes avec les épices exotiques (poivre, clous de girofle, muscade, etc.) qui sont échauffantes, ni avec la moutarde, tandis que les aromates frais, fournis par le potager, sont toniques, dépuratifs, apéritifs, diurétiques et antiparasitaires. D’autre part, pour le bon renom de la cuisine française, celle de Brillat-Savarin, il est absolument nécessaire de faire un usage constant et opportun des plantes condimentaires, que l’on peut cueillir en tout temps au coin de la plate-bande, mi-ombragée ou ensoleillée, suivant les cas, ou simplement dans des terrines, des caissettes ou des godets, que l’on transporte dans la resserre ou à la cave pendant l’hiver. Comme certaines plantes condimentaires, telles que cerfeuil, persil, cresson, ont parfois une levée assez capricieuse, il est souvent plus facile de réussir leur culture dans des pots qu’en pleine terre. Au point de vue botanique, on pourrait les classer en trois catégories.

Plantes bulbeuses.

— Elles comprennent les ails, les échalotes et les oignons, dont il se fait une grande consommation, et que l’on cultive habituellement sur d’assez grandes surfaces, pour assurer son approvisionnement hivernal. La multiplication se fait par bulbes ou par caïeux, en pratiquant la sélection.

Pour obtenir des rendements satisfaisants avec ces plantes, qui sont assez exigeantes, on leur réservera une terre fertile et saine, ayant bénéficié d’une copieuse fumure organique, à la culture qui précède, d’abord parce que les fumiers frais empêchent les bulbes de « tourner », et parce qu’ils pourraient provoquer la pourriture des bulbes (graisse). En outre, tenant compte que ces plantes ont de grands besoins en principes assimilables (azote, acide phosphorique et potasse), il sera utile, avant la plantation, d’appliquer un bon engrais complet, à la dose de 100 grammes par mètre carré, que l’on enfouira par une façon superficielle d’ameublissement au râteau.

En ce qui concerne les oignons, on devra, tous les ans pour assurer son approvisionnement complet, effectuer les trois cultures ci-après :

    1° Un semis en ligne ou à la volée, au printemps, de graine d’oignon jaune paille des Vertus. Les plus petits bulbes, non utilisés pour la cuisine, serviront aux repiquages printaniers ; les plus gros, qui sont de très bonne garde, seront consommés après les bulbes de repiquage ;

    2° Repiquer les bulbilles (dits oignons de Mulhouse), d’assez bonne heure au printemps, pour la grosse production ;

    3° Semer des oignons blancs, vers le 15 août, pour les repiquer au début d’octobre, la récolte ayant lieu vers la fin du printemps, pour assurer la consommation d’été.

Les échalotes les plus cultivées sont l’échalote ordinaire et l’échalote de jersey. La mise en terre a généralement lieu en mars ; on récolte lorsque les feuilles commencent à sécher. Avec un litre de bulbes environ, on peut garnir une are de terrain, à l’espacement de 13 x 20 centimètres.

Les ails peuvent être plantés, partie en octobre et le reste au début du printemps, sans toutefois attendre trop longtemps, car, en cas de sécheresse prolongée, le développement en souffrirait. Les parcelles ayant porté des ails ou des échalotes sont libérées assez tôt pour qu’elles puissent fournir une deuxième récolte, salades, haricots, épinards, etc., à l’arrière-saison.

Plantes herbacées.

— Rentrent dans cette catégorie le poireau, l’oseille, la ciboule, le persil, le cerfeuil, le cresson alénois et le cresson de fontaine.

De toutes ces plantes condimentaires, c’est le poireau qui a le plus d’importance, car, non seulement, il est à la base de toutes les soupes émollientes, recommandées pour le bon fonctionnement des organes excréteurs et libérateurs, mais il fournit également un plat de résistance apprécié, présenté sous forme de gâteau, après séjour au four. Il s’agit donc d’un légume de valeur qui mérite les honneurs du bon jardinier, et que l’on cultivera en faisant deux saisons de poireaux. Le plant de la première, destiné à être repiqué de bonne heure au printemps, sera élevé sous couche chaude, et il assurera la consommation d’été et d’automne. Pour l’hiver et le printemps, on élèvera le plant en pleine terre et on repiquera en juillet les poireaux à fort rendement, gros de Rouen ou monstrueux de Carentan. Toutefois, comme ce légume feuillu est très avide d’engrais, on ne devra jamais le repiquer que dans une terre ayant reçu une forte application de fumier ou de gadoues bien décomposés, puis on lui dispensera de copieux arrosages. Les binages ne seront pas non plus négligés, pour éviter le fendillement du terrain.

L’oseille possède une sapidité oxalique assez flatteuse pour le palais. On l’utilise comme condiment dans les soupes, et on l’accommode également au beurre, à la viande, au jus ou en association avec les épinards, les salades, etc., dont elle relève la fadeur naturelle. Pour éviter son excès d’acidité, on la cultive de préférence à l’ombre, le long des allées exposées au Nord, ou sous les arbres à haute tige. L’oseille se multiplie par éclats de souche, ou par repiquage de jeunes plants provenant de semis en pépinière. La variété de Belleville, à larges feuilles, est très recommandée.

La ciboule et la ciboulette servent surtout à l’assaisonnement des salades, du fromage blanc et de certains mets. Ces plantes, étant épuisantes, doivent être changées de place assez souvent, en procédant par division de touffes, vers le mois de mars, ou par semis en avril-mai.

Le persil, qu’il soit frisé ou simple, constitue une garniture de plat dont on ne peut guère se passer. En terre fertile, il peut fournir trois coupes et plus dans la même année. On le sème habituellement en avril, dans une terre meuble. Comme la levée est longue et parfois capricieuse, en période de sécheresse, il convient de le pailler finement, avec du crottin de cheval, et de l’arroser souvent pour hâter la germination de la graine. Enfin, pour la production d’hiver, il est recommandé de faire un semis en terrine, vers le mois de juillet, celle-ci étant remplie d’un mélange de terreau et de terre de jardin ; puis on la place à l’ombre, en humidifiant souvent. À l’approche des froids, la terrine est mise sous cloche ou sous châssis, ou bien on la rentre en cave ou en cellier.

Le cerfeuil se sème de mars à octobre ; comme cette plante monte rapidement à graine, surtout en été, on devra échelonner les semis, en choisissant des endroits ombragés, et en pratiquant le paillage. De même que le persil, le cerfeuil gagne à être cultivé en pots, afin de pouvoir le soustraire facultativement aux influences contrariantes du froid, de la chaleur et de la grande sécheresse.

Le cresson alénois est une crucifère à saveur piquante, à croissance rapide, lorsque les conditions agrologiques sont favorables. Cette plante se reproduit par graines à partir d’avril jusqu’en août, en échelonnant les semis. Il faut la semer de préférence à l’ombre et la défendre des attaques de l’altise par des arrosages et des saupoudrages fréquents. Les terres fraîches et riches lui conviennent plus particulièrement, car cela ralentit sa montée à graine.

À défaut d’une source d’eau vive, que l’on croit nécessaire à la création d’une cressonnière, on peut toujours produire, dans toutes les situations, du cresson de fontaine, cette fameuse « santé du corps » que l’on recherche tant. Pour la production familiale, il y a le procédé Avignon, qui consiste à couper un tonneau par la bonde, pour avoir deux baquets que l’on remplit d’eau ammoniaquée et sulfatée et, sur une claie en osier, on place des boutures d’osier qui fournissent rapidement du cresson bon à couper. Il y a le système Tillier, le truc à M. Rivoire, dit aux « culs de bouteilles », la manière de M. Anthonis et celle de M. Potrat, que nous avons décrits en novembre 1928 sur le Chasseur Français.

Le basilic possède une saveur anisée plaisante, qui le fait beaucoup apprécier comme condiment. Il en existe deux variétés, le grand et le petit basilic, qui ne se différencient que par la taille. Cette plante condimentaire se multiplie par semis effectué sur couche en mars-avril. On repique quand il y a deux feuilles, soit en pépinière, soit en place, dans le courant de mai. Les arrosages doivent être copieux pendant l’été.

Plantes Vivaces.

— Le thym est une plante aromatique, utilisée pour relever le fumet des sauces. Il contient un principe pharmaceutique, appelé thymol, dont les propriétés antiparasitaires sont très appréciées.

Aussi sa culture dans les jardins devrait-elle se propager sur une certaine échelle, afin que l’on puisse en distribuer aux lapereaux, pour combattre la maladie du « gros ventre », due à la présence des coccidies dans le foie et l’intestin. On devra donc cultiver du thym, de préférence en bordure, par division des touffes, ou par semis de graines en mars-avril. Il suffira de changer le thym de place tous les quatre ou cinq ans, pour avoir une production soutenue.

L’estragon ne donnant pas de graine se reproduit exclusivement par division de touffes, de préférence en août. À l’approche du froid, on coupe les tiges à la faucille, puis on étend un peu de fumier sur les pieds. Pour avoir de l’estragon frais, tout l’hiver, comme assaisonnement, il suffira de mettre quelques pieds en pots que l’on transportera sous châssis froid ou dans une resserre.

Le pourpier est surtout utilisé comme garniture de salade. Il se multiplie par graine, de mai à juillet, sur parcelle terreautée. On l’enterre au râteau, puis on arrose pour activer la levée et la croissance. Le pourpier se reproduit de lui-même ; il n’est pas nécessaire de le multiplier tous les ans.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 284