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Sylviculture

La carbonisation des bois.

Nous ne nous occuperons ici que des appareils qui remplacent la meule aujourd’hui délaissée.

On peut déplacer ces appareils facilement d’un point à un autre ; ils sont très faciles à conduire et on peut les transporter sur des coupes en pente. Ils peuvent fonctionner par la pluie, la neige, le vent ; ils fabriquent du très bon charbon dont la vente est facile.

Il existe de nombreux appareils qui ont fait leurs preuves ; ils sont automatiques et peuvent être conduits par n’importe qui. Les fours sont composés de six panneaux verticaux de 1m,80 de haut et de 1m,20 de large qui pèsent chacun environ 80 kilogrammes. Ces panneaux se posent debout sur le sol, de façon à former un prisme hexagonal, et se joignent hermétiquement les uns aux autres à l’aide de couvre-joints munis d’écrous à oreilles. Une cheminée se pose sur le sol au centre et soutient le tout, fait de deux parties qui s’emboîtent en haut des panneaux dans un point de sable.

Pour le remplissage, on ouvre l’un des panneaux, ce qui facilite l’emplissage des bois très facilement.

Aussitôt la mise à feu, on referme le panneau qui porte un orifice d’allumage. La température des fours est automatiquement régularisée.

L’air atmosphérique a dû, pour parvenir aux orifices inférieurs, descendre tout en se réchauffant ; il pénètre dans la masse de bois au ras du sol, par des orifices inférieurs des panneaux. Cet air a été, au préalable, réchauffé par son passage dans la double paroi qui constitue ces panneaux.

L’air chaud généralement monte, par le jeu des densités ; l’air destiné à la combustion ne descend plus, du moment que les parois seront trop chaudes ; aussi, quand la température convenable aura été obtenue, la combustion diminuera d’elle-même et restera continue aux environs de 250 degrés.

La température sera plus élevée au voisinage de l’une des six parois, et l’arrivée d’air diminuera dans la paroi trop chaude, et non pas dans les autres.

C’est automatiquement que la température est régularisée ; le travail consiste uniquement à remplir le four sans souci d’empiler régulièrement, le clore et mettre le feu au bois.

On peut alors, pendant vingt-quatre heures, ne plus s’occuper du four. Aux approches de la fin de la cuisson, la fumée d’abord blanchâtre, puis jaunâtre, devient blanche et reste finalement transparente, lorsque la quantité de bois est transformée en charbon ; à cette période, on ferme les orifices d’entrée d’air et on enlève la cheminée, la combustion est arrêtée et on laisse le four qui se refroidit en quatre ou cinq heures.

Il faut donc un maximum de quarante-huit heures pour accomplir l’opération.

Chaque cuisson peut rendre de 300 à 500 kilogrammes de charbon, suivant la nature des bois employés : 65 à 95 kilogrammes au stère et en plus de la charbonnette.

Un ouvrier peut facilement conduire quatre fours ; il aura à chaque demi-journée à vider le charbon d’un four, le remplir à nouveau et l’allumer, sans travail de nuit ; ce surveillant des fours peut produire 600 à 800 kilogrammes de charbon par journée de huit heures.

Le bon charbon de bois doit être dur, résonner quand on le remue et ne pas tomber en poussier. On peut convertir en charbon toute espèce de bois, d’après les procédés que nous venons d’indiquer ; mais on donne ordinairement la préférence aux bois qui ne peuvent être employés comme bois de chauffage et qui sont à meilleur marché, à moins que, comme dans les pays riches en forêts où les débouchés de bois sous forme de friches ou de bois d’œuvre sont peu étendus, les transports difficiles et où le bois a peu de valeur, on ne trouve plus avantageux de convertir en charbon tous les produits de la forêt.

Tous les bois ne donnent pas la même quantité de charbon, ni des charbons de la même qualité. Les qualités du charbon dépendent à peu près de celles des bois qui les produisent. Pour apprécier en outre la qualité des charbons qu’on obtiendra, il faut avoir égard à l’âge du bois, à son état de conservation, ses dimensions, la saison dans laquelle il a été abattu, son état de dessiccation et d’humidité.

Les diverses espèces de bois n’exigent pas non plus le même espace de temps et la même température pour être converties en charbon de bonne qualité. Le mode de carbonisation exerce aussi une grande influence ; aussi l’ancien carbonisateur en forêt donne non seulement un charbon moins abondant qu’avec les appareils modernes de carbonisation, mais encore sa qualité est d’un tiers environ moindre que celle des charbons produits par ces appareils.

Dans les forges et grandes usines, on distingue les charbons en deux classes :

    1° les charbons durs et pesants, tels que ceux de chêne, épine et hêtre, charme, orme, érable, cornouiller, alizier, pommier ;

    2° les charbons de bois doux et légers, savoir : ceux de tilleul, tremble, aune, coudrier, pin, sapin, bouleau.

Dans quelques arts, on recherche les charbons de plusieurs espèces particulières de bois.

Autrefois, pour la fabrication de la poudre, on donnait la préférence aux charbons d’aune, de bouleau, de saule et surtout de bourgène. On se sert de charbon de saule et de bouleau pour la fabrication des crayons, de celui de fusain pour dessiner.

Le meilleur charbon se prépare avec de jeunes rondins de 16 à 32 centimètres de circonférence, provenant des taillis de 16 à 20 ans. Quand on veut convertir du bois plus gros, bois de feu, en charbon, il faut le refendre en quatre.

Dans les taillis exploités en bois de feu ou en boiserie charpente, on destine ordinairement au charbon tous les bois de branchage et les brins qui ne peuvent fournir du bois de corde et qui ont au moins 2 centimètres de diamètre. Avec les appareils qui remplacent la meule, il vaut mieux rejeter tous les brins tortueux qui ont l’inconvénient de laisser des vides dans l’intérieur des fourneaux de charbonnage.

Les bois coupés hors série donnent un meilleur charbon que ceux coupés en temps de série. Les bois trop verts donnent à bois égal une quantité moindre de charbon et de plus mauvaise qualité que les bois secs ; mais les bois trop secs se consument trop facilement et se réduisent souvent en braise, sorte de charbon auquel le contact de l’air a enlevé en grande partie ses propriétés combustibles et qui ne donne plus qu’une faible chaleur.

La saison la plus favorable pour transformer les bois en charbon est, pour ceux abattus en hiver, les mois d’août, septembre, octobre et suivants.

Les charbons de bois doivent être rangés dans l’ordre suivant : frêne, érable champêtre, pin sylvestre, érable, sycomore, charme, hêtre, orme, alizier, chêne pédoncule, bouleau, merisier, épicéa, saule marceau, sapin, tilleul, saule blanc, tremble et aune.

Ce n’est pas le charbon de bois d’âge moyen qui donne le plus haut degré de chaleur ; celui qui provient de bois altéré par le flottage est généralement supérieur.

Un bon charbon doit être bien cuit et présenter la forme du végétal qui l’a produit ; il est noir, brillant, dur, pesant, sonore, solide et se cassant difficilement ; salissant faiblement les doigts, ne présentant pas de fentes considérables et d’autant plus compact qu’il provient d’un bois plus dur et que la carbonisation a été opérée graduellement et d’une manière lente. Il s’allume facilement, brûle avec vivacité et sans répandre d’odeur désagréable.

La quantité de charbon que donne le bois varie, non seulement avec l’espèce, mais encore avec l’âge et la qualité des bois ; bien plus, elle n’est pas la même suivant que l’opération du charbonnage est bien dirigée.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 292