Lettres de mon perchoir

Les lapines pisseuses.

— La question des nids inondés d’urine faisant périr les lapereaux a été signalée à plusieurs reprises dans les « Lettres de mon perchoir ». La voici à nouveau sur le tapis. Il s’agit d’une étude très poussée, de la part de M^me Landour, de Chelles (Seine-et-Marne), qui attirera certainement l’attention de tous les éleveurs de lapins.

« Je vous fais part de mes observations au sujet des lapines pisseuses. Ayant constaté que les nids étaient surtout détruits pendant les cinq premiers jours, j’ai retiré mes lapines et, une fois par jour, à heure fixe, prenant chaque mère sur mes genoux, avec une croûte de pain, je faisais téter ses petits. Au bout de dix à douze jours, je remettais les femelles avec leurs lapereaux, afin qu’elles poursuivent leur engraissement libre. Pendant la séparation, les jeunes étaient placés dans une corbeille ouatée. Or, j’ai constaté que c’étaient eux, et non la mère, qui inondaient leur nid d’une urine visqueuse et prenante. J’ai dû, à plusieurs reprises, les laver, les essuyer et changer le nid pour les empêcher de crever. Je signale le fait aux lecteurs du Chasseur Français, parce que, les hivers précédents, je perdais plus de 200 lapereaux, les noyades étant plus fréquentes chez les Chinchillas et les Bouscats. Néanmoins, depuis que j’avais modifié la nourriture, en suivant vos instructions, j’avais constaté un mieux sensible ... »

Tout d’abord, je remercie bien sincèrement M^me Landour de son intéressante communication, car, jusqu’à ce jour, les débâcles uriniques étaient attribuées à la mère, non aux jeunes. Sans doute, le résultat de l’inondation reste le même ; mais, comme on ne peut l’attribuer qu’à l’action diurétique du lait, il convient d’en rechercher les causes.

Personnellement, j’ai toujours pensé que l’on empêcherait les noyades en surveillant la nourriture des lapines, en n’abusant pas des aliments concentrés, avoine et farineux, trop riches en protéine, ce qui rend le lait indigeste, parce que trop chargé en caséine et en graisse ; il en résulte une surabondance d’urates et d’autres dépôts que la vessie évacue avec peine, à l’état d’urine visqueuse, retenue par les poils du nid. Les petits se trouvent enrobés dans une sorte de cataplasme nauséabond, qui les fait périr en peu de jours.

C’est pourquoi — et je suis heureux de constater que M^me  Landour est de mon avis — les lapines nourrices devront recevoir une nourriture à base de fourrages verts et secs, complétés, suivant les saisons, par des betteraves, des carottes, des choux, des épluchures, en donnant très peu de provende ou de grains, et seulement à titre stimulant, pas plus du cinquième de la matière sèche contenue dans la ration.

Les cadres grillagés.

— Un abonné d’Octeville, dans la Manche, désirant garder l’anonymat, m’écrit en raccourci :

« Ayant souvent glané d’excellents conseils dans votre rubrique, je voudrais en échange apporter ma modeste contribution, en faisant connaître à vos lecteurs un agencement simple qui m’a très bien réussi. On sait, en effet, les difficultés qui surgissent quand on est limité par la place, pour élever des poussins, lesquels crèvent à qui mieux mieux lorsque leur étroit parcours est pollué. Or, l’an dernier, j’ai élevé, sans en perdre un seul, deux couvées de 20 et 21 poussins Sussex et Faverolles, en les installant sur un cadre grillagé et démontable, mesurant 3 mètres sur 1^m,50, surélevé de 10 centimètres au-dessus du sol. Les excréments passant au travers des mailles du grillage ne contaminent pas les poussins, qui ont toujours les pattes au sec, par n’importe quel temps. Comme nourriture, je donne de la pâtée du commerce, sèche la première semaine, humide ensuite. À deux mois et demi, mes Sussex pèsent 1^kg,250 de moyenne ; j’en ai même eu qui faisaient 1^kg,650 à cet âge ... »

Mon aimable correspondant a su appliquer, au plein air, d’une façon ingénieuse, le procédé des planchers perforés, en usage dans les batteries. Avec un couvert de 2 mètres carrés pour le placement de l’éleveuse artificielle et un parquet grillagé de 4 mètres, total 6 mètres carrés, on peut mener à bien, dans la même année, deux ou trois couvées de chacune un quarteron de poussins d’un jour, ainsi qu’on le fait plus en grand dans les casiers des batteries chaudes et froides. Cette installation sommaire est largement suffisante pour assurer l’approvisionnement familial en poulets hebdomadaires, et les risques de mortalité sont réduits au minimum.

Provende pour mère lapine.

— « Je voudrais donner à mes mères portières, tous les deux jours, une petite quantité de provende susceptible de soutenir la lactation en cours, et de faciliter le sevrage des lapereaux entre 50 et 60 jours. Quelle formule recommandez-vous pour avoir une pouture bien appétée et économique ? »

Une provende rectificative et complémentaire pour lapines nourrices et lapereaux devra contenir, en plus du son et des farineux associés, les minéraux essentiels devant favoriser la formation des tissus osseux et viandeux, tout en jouant un rôle stimulant, tonique, désinfectant, légèrement laxatif et antiparasitaire. Je préconise le mélange ci-après :

Une bonne formule de minéraux pourra être constituée comme suit : poudre d’os, 3 ; craie phosphatée ou marne riche, 3 ; sel marin gris, 2 ; charbon de bois pilé, 1 ; sulfate de fer, 1/2 ; sulfate de magnésie, 1/2. Total, 10.

Le petit outillage.

— Un abonné du Lot-et-Garonne, M. de Ryck, écrit en substance :

« Vos études : Ajustement des cultures aux élevages et Productions vivrières, ont certainement intéressé nombre de lecteurs, possesseurs de petites fermes de 3 à 6 hectares qui, pour pouvoir vivre sur leur lopin, sont obligés de faire tout leur travail avec un outillage aussi peu coûteux que possible. Pouvez-vous dresser, sur le prochain numéro, la liste et le prix du cheptel nécessaire à l’exploitation des petites fermes, comme il y en a beaucoup dans le Sud-Ouest ? »

En m’excusant du retard apporté dans la parution de la réponse, je dirai que le Chasseur Français est une revue à grand tirage, qui s’occupe de tous les sports récréatifs et utilitaires, intéressant à la fois les propriétés d’agrément et celles de rapport. Toutes ses rubriques étant composées à l’avance, et l’ordre des insertions ne pouvant pas être modifié, il a été créé un service de renseignements directs, auprès des auteurs autorisés, qui répondent à toutes les demandes, à condition de se conformer aux indications stipulées au bas des articles.

D’autre part, pour répondre avec précision, en fournissant un bilan adéquat du cheptel vivant et mort, nécessaire à la mise en valeur des petites fermes, il faudrait connaître, au préalable, quel est le genre d’exploitation adopté, s’il sera avicole, apicole, cuniculicole, laitier, fromager, légumier, horticole, viticole, arboricole ou mixte, en spécifiant quelles sont les branches que l’on se propose plus particulièrement de développer pour en faire son métier.

Supposons que l’on veuille se spécialiser du côté de la production simultanée des légumes, des œufs, des poulets, des lapins et des porcs, il faudrait prévoir, comme première mise de fonds, l’achat de quelques reproducteurs, des semences, d’un matériel et d’un outillage permettant le travail de la terre et la bonne marche des élevages. En admettant que l’on puisse se charger de l’exécution des travaux d’aménagement, en ce qui concerne le logement des animaux, il faudrait néanmoins prévoir une certaine somme pour l’achat des matériaux (briques, ciment, bois, etc.), nécessaires à l’exécution des annexes rurales.

Les débours pour la mise en valeur de la propriété à exploiter d’une façon mixte pourraient être approximativement :

Les sommes ci-dessus ne représentent que le strict nécessaire pour s’implanter modestement, en faisant à peu près tout par soi-même. Il faudrait plus que doubler le total, si on avait recours à la main-d’œuvre étrangère, pour l’exécution des travaux de construction.

Colombier de rapport.

— « Je voudrais installer 100 couples de mondains au-dessus d’un clapier étagé et leur donner la clé des champs pour qu’ils coûtent moins cher à nourrir. Qu’en pensez-vous ? »

Vous allez vous attirer une foule d’ennuis de la part de vos voisins, qui n’hésiteront pas à fusiller vos pigeons lorsqu’ils les trouveront en maraude dans leurs champs, leurs jardins ou leurs basses-cours. D’autre part, vous devez observer les arrêtés relatifs à la fermeture obligatoire des colombiers, aux époques des semailles et de la moisson. Vous devez donc prévoir un système de claustration. En l’occurrence, le mieux serait de prolonger votre clapier en volière, avec du grillage à grandes mailles. Les pigeons feront très bon ménage avec les lapereaux en demi-liberté dans leurs parcs recouverts.

La mort des carpillons.

— « Dans une pièce d’eau de 10 ares environ, alimentée par une source vive et froide, j’ai mis 60 carpes et 30 tanches, pesant entre 100 et 200 grammes. Il y a de cela quatre ans. Sauf quelques carpes crevées, aperçues près de la vanne de décharge, je n’ai jamais revu de poissons. »

Pour les trois raisons ci-après, votre empoissonnement ne devait pas réussir :

1° Vous avez bien trop chargé votre vivier ; un quart de l’effectif aurait largement suffi ;

2° Il aurait fallu nourrir et transplanter des plantes aquatiques dans votre bassin ;

3° Les cyprins ne pouvant prospérer et aleviner que dans les eaux tempérées et mortes des mares ou des étangs, vous auriez dû les remplacer par des salmonidés.

Recommencez votre peuplement avec des truitelles ; créez une frayère obscure en amont. Enfin, jetez de temps en temps des substances animalisées en aval, pour nourrir.

Mondiage d’ARCHES.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 293