Pourquoi les villageois se construisent-ils généralement des
habitations incommodes, si peu en rapport avec leurs besoins ?
Pourquoi l’architecture de leurs constructions est-elle si
souvent une désagréable et mauvaise copie des habitations urbaines, alors que
leur façon de vivre est essentiellement différente de celle des citadins !
Pourquoi négligent-ils les règles de l’hygiène
indispensables à la prospérité familiale ?
C’est parce qu’ils hésitent à demander l’avis d’un
professionnel dont ils craignent les conseils, en les estimant de nature à
augmenter le coût de leur bâtisse.
Ils s’imaginent, ces braves gens, que l’on ne saurait
concevoir une œuvre, aussi modeste soit-elle, qu’à grands frais et que
l’application des principes élémentaires d’hygiène amènera un surcroît énorme
de dépenses qu’ils préfèrent éviter.
Ne voient-ils pas que leurs ancêtres n’avaient pas plus
qu’eux l’illusoire ambition d’habiter de faux palais, mais que leurs demeures,
si simples, dont on retrouve encore d’heureux vestiges, étaient vraiment le
home reflétant à l’extérieur la vie calme et paisible des champs.
Combien il est agréable de retrouver encore, dans nos
campagnes, ces petites fermes et habitations rurales dont la silhouette
agrémente gentiment le paysage.
Suivant les régions, la tradition locale imposait les
matériaux du pays et l’ensemble offrait toute une poésie que l’on semble
s’efforcer, de nos jours, à faire disparaître.
Et a-t-on remplacé ces éléments caractéristiques par
d’autres plus heureux, ce dont on féliciterait l’innovateur ?
Nullement ; la banalité règne en maîtresse et plus que jamais l’on
s’ingénie à renverser ces belles et toujours raisonnables traditions du passé.
Nous soumettons aujourd’hui à nos lecteurs le croquis d’une
habitation rurale qui ne réalise peut-être pas encore le type idéal, mais elle
s’inspire de l’esprit ancien sur un plan moderne.
D’une note simple, elle nous semble mériter l’attention de
ceux qui se trouveraient dans le cas de bâtir un logis campagnard.
Élevée en un petit domaine, à distance de la route, cette
habitation serait construite en pierre du pays, le soubassement apparent
jointoyé en creux.
L’élévation, mouchetée en blanc, ferait ressortir la couleur
imprégnant les boiseries et le ton de la couverture sur un fond de verdure.
Un porche couvert au moyen de la toiture qui le surplombe
donne accès au vestibule ; au fond, se dégage l’escalier du comble. À
gauche, chambre, salle de bains et privé. À droite, grande salle commune. Entre
refends, cuisine et chambre de bonne, garage sur pignon.
La disposition des combles permet deux chambres et un cabinet de toilette.
Sauf le garage, l’ensemble du bâtiment peut être excavé avec
passage extérieur réservé sous l’une des baies de la façade postérieure. Le
soubassement serait posé en rustique et aurait 0m,45 d’épaisseur. Plancher du rez-de-chaussée
en béton armé, table nervurée. Gros murs en 0m,40 mouchetés gros grain, à la truelle.
Plancher haut en bois, solives apparentes dans la salle commune. Couverture en
tuiles plates vieillies, genre Beauvais. Entrée, bains, cuisine, toilette et
privé, dallés en céramique. Dallage ciment dans le sous-sol et le garage.
Parquet en chêne, deuxième choix, dans les pièces. Mosaïque de hasard ou
cubique dans la salle commune. Chauffage central et service d’eau chaude. En
cave, réservoir d’eau sous pression par l’air comprimé. Éclairage électrique.
Fosse septique réglementaire. Évacuation des eaux vannes au puisard. Charpente
en sapin. Refends intérieurs en briques pleines et cloisons en briques creuses.
Linteaux, filets et poitrails en béton armé. Enduits en plâtre. Plafonds des
combles en lattis cloué sur bastings. Dans la grande salle, cheminée en
briquettes apparentes. Conduits de fumée en poterie de 0m,05 ou en briques. Perron
en béton de ciment enduit, non lissé. Escalier en chêne. Menuiserie extérieure
en chêne, intérieure en sapin. Évier et lavabo en grès cérame. Verres
cathédrale et clairs en deuxième choix. Les baies extérieures seront vernies,
les ferrures en noir. Boiseries intérieures imprimées, rebouchées et huile deux
couches, deux tons. Cuisine, salle de bains, toilette et privé en peinture
vernissée. Peinture plastique dans la grande salle et papier moderne dans les
chambres. Plafonds à la colle, deux couches.
Le bâtiment principal occupe une surface de
quatre-vingt-quinze mètres, et le garage, dix-huit mètres. Suivant les régions,
le prix de revient peut s’estimer à la moyenne de cent cinquante mille francs.
M. DELAFOSSE.
Architecte.
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