En présentant cette étude aux lecteurs, nous n’avons pas la
prétention de leur donner une analyse de tous les textes relatifs à cette
matière si importante des baux et locations verbales.
Nous voulons seulement leur indiquer en quelques lignes,
suivant la catégorie des baux et locataires qui les intéressent (baux à loyer
d’habitation, baux industriels et commerciaux, baux ruraux) et suivant le cas
dans lequel ils se trouvent, les différentes lois de droit commun ou
d’exception qui régissent ces catégories de baux et ces diverses situations
afin de leur permettre de s’en prévaloir, s’ils le désirent.
I. Baux à loyer d’habitation.
1° Législation d’exception issue de la guerre 1914-1918.
— Jusqu’à la veille de la guerre actuelle, les lois du
1er avril 1926, 29 juin 1929 et 31 décembre 1937,
conséquences de la guerre précédente, ont constitué un régime d’exception en
matière de loyers d’habitation. Elles sont toujours en vigueur.
Ce régime d’exception est seulement applicable ; à
Paris, dans le département de la Seine, dans un rayon de 50 kilomètres des
fortifications de Paris, dans les communes de plus de 4.000 habitants, dans les
communes situées à moins de 5 kilomètres d’une ville de 10.000 habitants
et plus, dans les communes dont la population a augmenté d’au moins 5
p. 100 au dernier recensement par rapport au recensement précédent.
Il a été institué en faveur des locataires et les protège
sur deux points : impossibilité temporaire de renvoi par le
propriétaire ; taxation du prix du loyer.
L’impossibilité temporaire de renvoi par le propriétaire,
autrement dit la prorogation, consiste en ce que le locataire a le droit de
rester dans les locaux qu’il occupe pendant une durée d’autant plus longue que
le prix de location de ces locaux était plus faible en 1914, sans que la date
extrême de ces jouissances puisse dépasser le 1er juillet 1943.
Afin d’éviter des abus, le législateur oblige les
propriétaires à ne pas dépasser un certain pourcentage pour les prix de
location : ce prix ne peut excéder la valeur locative du loyer en 1914
majorée de 180 p. 100 du 1er janvier 1933 au 1er juillet
1938, de 190 p. 100 du 1er juillet 1938 au 1er juillet
1939, et ainsi de suite en majorant chaque année de 10 p. 100 à partir de
cette dernière date jusqu’à la fin des prorogations.
Il y a des restrictions et des dérogations à cette
législation d’exception.
2° Régime de droit commun.
Ce régime de droit commun existe dans les communes qui ne
figurent pas dans les catégories précitées soumises au régime d’exception dont
il vient d’être question.
Dans ces communes, les baux et locations verbales sont régis
uniquement par la libre volonté des parties contractantes et, à défaut de
contrat ou en cas d’insuffisance de la convention, par les dispositions du Code
civil et les usages locaux.
À son tour, ce régime de droit commun a été affecté par
diverses dispositions d’exception dues à la guerre actuelle.
3° Dispositions d’exception dues à la guerre actuelle.
a) Le décret-loi du 1er juillet 1929
accorde aux locataires mobilisés un moratoire de plein droit pour le payement
de leurs loyers pendant la durée de leur mobilisation et six mois après leur
libération.
b) Un autre décret du 1er septembre
1939, qui a un champ d’application plus général, en suspendant pour les
locataires mobilisés les effets des contrats, l’exercice des actions en justice
et l’exécution des décisions judiciaires, leur accorde en somme un moratoire
pour le payement de leurs loyers. Ces détails sont laissés à l’appréciation des
juges.
c) Le décret-loi du 26 septembre 1939 prévoit un
certain nombre d’avantages pour les locataires ; possibilité de résilier
le bail, réductions du prix du loyer, prorogation, délais de payement. Ce
décret-loi a fait tout récemment, dans le Chasseur Français, l’objet de
plusieurs articles auxquels nous renvoyons les lecteurs.
d) Le décret-loi du 1er juillet 1939
a reporté du 1er juillet au 1er octobre 1939
l’augmentation de 10 p. 100 du prix du loyer de 1914 qui avait été prévue
pour cette date par la loi du 31 décembre 1937, et a aussi retardé d’autant
l’expiration des prorogations de jouissance fixée pour cette même date du 1er juillet
1939 par la même loi du 31 décembre 1937.
e) Le décret-loi du 13 octobre 1939 a reporté du
1er octobre 1939 au 1er avril 1940 cette
augmentation de 10 p. 100 qui avait été prévue à partir du 1er juillet
1939.
f) De son côté, un décret-loi du 26 septembre
1939 a retardé au 1er avril 1940 l’expiration de prorogation de
jouissance fixée pour le 1er juillet 1939 et reportée au 1er octobre
1939 par le décret-loi du 1er juillet 1939.
g) Un décret-loi du 29 novembre 1939 autorise
les locataires à demander la révision du prix des locations qu’ils ont conclues
indépendamment de leur habitation principale, en prévision ou en raison des
événements de guerre.
h) Enfin un décret-loi du 1er juillet
1939 proroge jusqu’au 1er juillet 1943 les dispositions,
arrivées à expiration le 1er juillet 1939, de la loi du 20 juillet
1924 prohibant le changement de destination des locaux affectés à l’habitation
et réglementant les locations en meublé.
II. Baux industriels, commerciaux et à usage artisanal.
1° La propriété commerciale.
— Les preneurs de ces baux bénéficient de la propriété
commerciale (lois du 30 juin 1926 et 13 juillet 1933), lorsqu’ils
justifient d’un bail écrit conclu pour une durée de trois ans au moins ou d’une
location verbale durant déjà depuis six ans.
Ce bénéfice de la propriété commerciale consiste notamment
en ce que le commerçant ou l’industriel a droit en principe au renouvellement
de son bail, chaque fois que celui-ci arrive à expiration.
Cet avantage ne lui est pas accordé de plein droit. Le
preneur doit solliciter le renouvellement du bail. C’est ainsi, par exemple,
que, pour un bail écrit, la demande doit être faite par exploit d’huissier deux
ans au plus tôt ou dix-huit mois au plus tard avant la fin du bail.
Le propriétaire et le locataire peuvent être d’accord sur le
renouvellement du bail et sur les conditions de ce renouvellement.
Lorsque les parties sont d’accord sur le principe du
renouvellement du bail, mais non sur les conditions, alors le président du
tribunal civil statue : par exemple, il fixe le prix du nouveau bail sur
rapports d’experts.
Au cas où le propriétaire refuse le renouvellement du bail
et que ce refus n’est pas justifié, le tribunal civil alloue au locataire au
moins une indemnité, souvent importante, dite d’éviction, et qui est égale en
principe au préjudice que lui cause le non-renouvellement du bail.
2° Le droit commun.
Sont régis par le droit commun c’est-à-dire par la seule
volonté des parties contractantes, les baux écrits de moins de trois ans et les
locations verbales datant de moins de six ans.
3° Dispositions d’exception résultant surtout de la
guerre actuelle.
a) Le décret-loi du 1er septembre
1939 accordant en somme un moratoire aux mobilisés, et dont il a été question
ci-dessus pour les loyers d’habitation, s’applique également aux baux
industriels et commerciaux.
b) Il en est de même du décret-loi du 26 septembre
1939 également sus mentionné à propos des loyers d’habitation.
c) Le décret-loi du 29 novembre 1939 sur la
révision des prix de location, dont il a été question plus haut, leur est aussi
applicable.
d) Même remarque pour le décret-loi du 1er juillet
1939 sur le changement des locaux affectés à l’habitation.
e) Enfin les commerçants, industriels et artisans
bénéficient spécialement d’un autre texte : un décret du 1er juillet
1939 les autorise à introduire une action en révision du prix de leur loyer
lorsque, par le jeu d’une clause d’échelle mobile, ce prix se trouve modifié de
plus d’un quart.
III. Baux ruraux.
— Jusqu’à la guerre actuelle, les baux ruraux étaient
régis par la seule volonté des parties contractantes et, en cas de défaut ou
d’insuffisance de convention, par les dispositions de Code civil et les usages
locaux. Toutes les lois résultant de la guerre 1914-1918 avaient cessé d’être
appliquées.
Les dispositions d’exception actuellement en vigueur par
suite des hostilités comprennent : le décret-loi du 1er septembre
1939 sur le moratoire ; le décret-loi du 26 septembre 1939 prévoyant
le bénéfice de la résiliation du bail, de la réduction du prix de location, de
la prorogation, etc., et complété par le décret-loi du 29 novembre 1939 en
ce qui concerne les mitoyens.
Ces deux décrets du 1er et du 26 septembre
1939 ont été signalés ci-dessus à propos des loyers d’habitation et ont
d’ailleurs fait l’objet de plusieurs et récents articles dans le Chasseur Français.
Au moment où ces lignes sont écrites, un projet de loi
modifiant le décret-loi du 26 septembre 1939 en ce qui concerne les baux à
ferme, à métayage, de chasse et de pêche, est sur le point d’être déposé devant
le Parlement.
IV. Décrets financiers intéressant les propriétaires.
— Pour compenser, dans une certaine mesure, le
préjudice causé aux propriétaires par l’application des dispositions
d’exception, en faveur des locataires, du décret-loi du 26 septembre 1939,
il a été prévu dans ce texte même que ces bailleurs pourraient bénéficier, sous
certaines conditions, de réductions d’impôts et de délais pour le payement de
ces impôts.
L’application de ces mesures a provoqué la publication de
quatre décrets-lois : celui du 29 novembre 1939, deux du 30 novembre
1939, un du 28 février 1940 qui a notamment modifié l’article 8 de la
loi du 31 décembre 1939.
CROUZATIER.
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