Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°599 Mai 1940  > Page 308 Tous droits réservés

Impôts

Limitation des bénéfices des entreprises en temps de guerre.

Un décret-loi du 29 juillet 1939 a établi un système de limitation des bénéfices à l’égard des entreprises travaillant pour la défense nationale. Deux décrets-lois des 1er et 9 septembre 1939 ont étendu ce système à toutes les entreprises travaillant pour les besoins du pays, et à toutes les autres entreprises industrielles et commerciales. Les difficultés soulevées par cette extension font l’objet d’un décret-loi du 29 novembre 1939, et enfin un décret-loi du lendemain règle les diverses modalités d’application et fixe les barèmes applicables aux diverses catégories d’entreprises.

Décret-loi du 30 novembre 1939.

— L’article premier précise que les dispositions relatives à la limitation des bénéfices en temps de guerre, contenues dans les décrets-lois des 1er et 9 septembre 1939 s’appliquent aux entreprises qui relèvent de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, dans les termes du titre premier du Code général des Contributions directes.

Indépendamment des organismes (art. 2), qui sont exemptés de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, par l’article 4 du Code général des impôts directs, sont exceptés de l’application des dispositions visées à l’article précédent :

    1° les sociétés par actions ou à responsabilité limitée qui n’effectuent que des opérations civiles ;

    2° les artisans et assimilés.

L’article 3 confirme la distraction des bénéfices des revenus fonciers et des revenus et capitaux mobiliers, comme il est procédé à l’heure actuelle, pour la détermination du bénéfice soumis à l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux.

L’article 4 affranchit de toute limitation de bénéfices :

    1° les affaires d’exportation réalisées par les entreprises, soit directement, soit par l’intermédiaire des groupements d’exportateurs agréés par l’État ;

    2° les exportations destinées à l’Algérie, aux colonies, aux pays de protectorat et aux territoires sous mandat ;

    3° sont assimilées aux affaires d’exportation les cessions ou concessions de licence d’exportation de brevets, marques de fabrique ou secrets de fabrication, consenties par des entreprises exploitées hors de France.

Les bénéfices sont divisés en deux catégories (art. 5) :

    1° ceux provenant de l’exécution de marchés passés pour la satisfaction des besoins du pays ;

    2° ceux provenant d’opérations du secteur normal, c’est-à-dire autres que celles visées au paragraphe 1er ci-dessus.

Rentrent dans la première catégorie : les marchés passés par l’Administration de l’État, les départements, les communes, les offices ou autres établissements publics personnalisés, y compris les commissions des ordinaires et la Société nationale des Chemins de fer français ; les marchés passés avec les administrations et services des gouvernements alliés (traitants et sous-traitants).

En principe, le bénéfice soumis à la limitation est déterminé comme en matière d’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux. Toutefois, sont admis en déduction :

    1° la rémunération normale du travail fourni pour l’exécution des marchés par le chef d’entreprise, exploitant à titre individuel, ou en qualité d’associé ; cette rémunération est évaluée d’après le salaire prévu dans les contrats collectifs pour les personnels de direction ou de maîtrise, ou, à défaut, par comparaison avec les salaires attribués aux mêmes personnels dans les entreprises similaires ;

    2° la rémunération des inventions réalisées par l’entreprise ;

    3° les primes qui pourront être attribuées en raison de la bonne exécution des commandes ;

    4° les provisions pour renouvellement de l’outillage et du matériel ;

    5° l’amortissement accéléré dont pourront être l’objet certains matériels spéciaux.

Sont exclus des charges déductibles :

    1° le prélèvement lui-même ;

    2° les versements faits à des sociétés apparentées à titre d’intérêts d’avances ou de prêts ou redevances ;

    3° les dépenses de publicité, les frais de représentation et les dépenses de prospection de la clientèle.

Barèmes : Première catégorie. Bénéfices provenant de l’exécution de marchés passés pour les besoins du pays.

Tranches de bénéfices.
———
Taux de prélèvement.
(p. 100.)
A. — Marchés de fournitures de travaux ou de transports.
  Jusqu’à 2 p. 100 du chiffre d’affaires résultant des marchés imposables 25  
  Entre 2 p. 100 et 6 p. 100. 50  
  Entre 6 p. 100 et 8 p. 100. 75  
  Au-dessus de 8 p. 100 100  
B. — Marchés à façon.
  Jusqu’à 4 p. 100 25  
  Entre 4 p. 100 et 12 p. 100 50  
  Entre 12 p. 100 et 16 p. 100 75  
  Au-dessus de 16 p. 100 100  
B. — Marchés d’achats à la Commission.
  Jusqu’à 8 p. 100 25  
  Entre 8 p. 100 et 24 p. 100 50  
  Entre 24 p. 100 et 32 p. 100 75  
  Au-dessus de 32 p. 100 100  
D. — Cessions ou apport en société de marchés ou sous commandes.
  Tranche de bénéfice de cession ou de l’apport jusqu’à 1 p. 100 du montant des marchés ou sous commandes 50  
  Au-dessus de 1 p. 100 100  

Ces barèmes sont applicables aux bénéfices réalisés à compter du premier jour de la mobilisation. Les bénéfices antérieurs restent soumis aux prélèvements, suivant le régime institué par le décret-loi du 29 juillet 1939, article 10.

Deuxième catégorie désignée sous la dénomination « secteur normal ».

— Sont considérées comme effectuées (art. 2) toutes opérations industrielles et commerciales autres que celles prévues dans la première catégorie. Sont rattachées à ce secteur, en vertu de l’article 2 du décret-loi du 29 novembre 1939, les fournitures et prestations qui sont exécutées pour le compte d’administrations publiques ou assimilées, soit sur simple facture, soit sur simple mémoire dans les conditions prévues par l’article 22 du décret du 18 novembre 1882, modifié par le décret-loi du 19 octobre 1939, soit en vertu de réquisitions.

Ces bénéfices sont déterminés suivant les règles tracées comme en matière d’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, par les articles 6 à 12 du Code général des Contributions directes, pour les entreprises imposables d’après le bénéfice réel, et par les articles 13 à 15 du même code pour celles qui bénéficient du régime forfaitaire. Les mêmes déductions ne sont admises dans les charges que pour la première catégorie. Rien de changé pour les Compagnies d’assurances et de réassurances.

Barèmes du prélèvement applicable aux bénéfices du secteur normal.

Tranches de bénéfices.
———
Taux de prélèvement.
(p. 100.)
A. — Entreprises de fabrication, d’extraction ou de ventes en gros.
  Jusqu’à 2 p. 100 du chiffre d’affaires 25  
  Entre 2 p. 100 et 6 p. 100. 50  
  Entre 6 p. 100 et 8 p. 100. 75  
  Au-dessus de 8 p. 100. 100  
B. — Détaillants, façonniers, banques et assurances
et autres entreprises n’entrant pas dans les catégories A et G.
  Jusqu’à 8 p. 100 du chiffre d’affaires 25  
  Entre 8 p. 100 et 12 p. 100 50  
  Entre 12 p. 100 et 20 p. 100 75  
  Au-dessus de 20 p. 100. 100  
C. — Courtiers, commissionnaires, loueurs de choses ou de services.
  Jusqu’à 16 p. 100 du chiffre d’affaires 25  
  Entre 16 p. 100 et 24 p. 100 50  
  Entre 24 p. 100 et 40 p. 100 75  
  Au-dessus de 40 p. 100. 100  

Comme pour la première catégorie, les barèmes ci-dessus sont applicables à compter du premier jour de la mobilisation. Toutefois, leur application ne peut, en aucun cas, avoir pour effet de réduire le bénéfice restant aux entreprises de ce secteur, avant perception des impôts de droit commun :

    1° à un chiffre inférieur aux trois quarts de la moyenne des bénéfices nets d’exploitation des trois derniers exercices, ou groupes annuels d’exercices, clos avant la mobilisation ;

    2° à une somme inférieure à celle obtenue en multipliant le chiffre d’affaires de chaque période de guerre retenue pour le calcul de la limitation, par le pourcentage moyen de bénéfice net des mêmes exercices (art. 16 du décret).

Les comparaisons prévues par l’article 16 s’opèrent sous les réserves suivantes (art. 17) :

    1° le bénéfice net restant aux entreprises après application des barèmes limitatifs, est augmenté, s’il y a lieu, des rémunérations distraites des bases du prélèvement, en vertu de l’avant-dernier alinéa de l’article 12, et des revenus fonciers et mobiliers ;

    2° les bénéfices nets de la période de comparaison sont établis suivant les principes applicables, pour la détermination des mêmes bénéfices en période de guerre ;

    3° si la période de comparaison comprend moins de trois exercices, il est fait état de la période comprise entre le début de l’exploitation et la date du dernier bilan arrêté avant la mobilisation ;

    4° si la période de comparaison comprend un exercice déficitaire, le bénéfice net de cet exercice est compté pour zéro ;

    5° le montant du bénéfice net de la période de comparaison est ajusté à la durée de la période de guerre aux résultats de laquelle il doit être comparé ;

    6° pour les entreprises effectuant à la fois des opérations dans le secteur normal et pour les besoins du pays, la comparaison s’effectue entre le total des bénéfices résiduels afférents à chacune des deux catégories d’opérations, augmentés, s’il y a lieu, comme il est dit au 1° ci-dessus, et le bénéfice net de temps de paix, y compris les revenus fonciers et mobiliers. S’il y a lieu à réduction du prélèvement, cette réduction ne porte que sur le prélèvement afférent au secteur normal.

Bien entendu, la taxe spéciale qui frappait les marchés ainsi que la contribution exceptionnelle qui frappait les accroissements de profits, résultant de l’exécution d’heures supplémentaires, ne sont plus applicables à compter du premier jour de la mobilisation.

Un décret déterminera les mesures d’application non prévues au décret du 30 novembre 1939, et notamment en ce qui concerne la tenue des comptabilités. À ce dernier sujet, l’article 18 du décret prévoit que les entreprises pourront dresser un inventaire spécial au 31 août 1939 et, qu’à défaut, les bénéfices de l’exercice en cours seront partagés au prorata des chiffres d’affaires réalisés avant et à compter de cette date.

Ernest MARILLER,

Expert en Comptabilité et Impôts.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 308