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Afrique équatoriale française et belge

(Impressions agro-économiques d’un voyage d’études.)

Voie fluviale Congo-Oubangui.

— La longue voie d’eau que représente le Congo-Oubangui mesure plus de 2.000 kilomètres, de l’océan à Bangui. Le Congo n’est accessible aux vapeurs de haute mer que dans son cours inférieur, ou plutôt dans son embouchure, c’est-à-dire, de Banane à Matadi, soit sur environ 300 kilomètres seulement.

À partir de Matadi, le fleuve se resserre considérablement devient torrentueux et est encombré de rapides infranchissables. La région est d’ailleurs montagneuse et fort pittoresque. La longueur de ce trajet inaccessible est d’environ 400 à 450 kilomètres. Mais, s’il existe en cela un inconvénient réel pour la navigation, les Belges prévoient, par contre, l’utilisation de la force hydro-électrique, en vue de l’actionnement des usines de Kinshassa, et de l’irrigation des régions avoisinantes. Ce n’est ensuite qu’à partir de Léopoldville et passées les chutes du Djoué, affluent rive droite, que la navigabilité du fleuve reprend.

Le Congo devient alors une surprenante voie d’eau, accessible en toute saison à des vapeurs de 500, 800 et même 1.000 tonneaux, jusqu’à Stanleyville, soit sur 2.000 kilomètres. La navigation sur le Congo est, d’ailleurs, fort bien organisée, et j’ai pu dénombrer, entre Kinshassa et Gombé, une circulation quotidienne de 5 à 8 bateaux.

Le réseau Congo-Oubangui, navigable entre Kinshassa et Bangui, représente environ 1.200 kilomètres, et se divise à peu près par moitié ; Congo et Oubangui, au niveau de Liranga. L’Oubangui est une rivière navigable en toute saison, pour des bateaux de 100, 150 tonneaux, jusqu’à Zinga, et de 200 tonneaux jusqu’à Mongoumba, le lit de cette rivière étant encombré de bancs de sable au moment des basses eaux. La meilleure preuve est la suivante :

Mon voyage Bangui-Brazzaville, que j’avais le plaisir d’effectuer en compagnie de M. G.-R. Manue, journaliste bien connu, et R.-P. Tisserand, botaniste distingué, du 5 au 15 avril 1929, a été ainsi divisé :

    1° Petit vapeur Bonga, de Bangui à l’île Beauséjour, un peu au Sud de la rivière Lessé ;
    2° Baleinière à rames de l’île Beauséjour (ainsi appelée sans doute en raison de la chaleur humide et des moustiques abondants) à Zinga, pour la traversée des rapides ;
    3° Vapeur Kobb, plus important, de Zinga à Mongoumba ;
    4° Vapeur Largeau, 200 tonneaux, de Mongoumba à Brazzaville.

Mon voyage Kinshassa-Bangui, du 23 novembre au 15 décembre 1929, sur vapeur Oubangui chargé à 85 tonnes, a pu se produire sans rupture de charge, grâce à une crue exceptionnelle d’ailleurs générale. C’est le dernier voyage de la saison effectué directement jusqu’à Bangui où la date limite 1929 a été le 17 décembre, et encore par exception.

Mon voyage Brazzaville-Bangui, du 22 novembre au 8 décembre 1927, sur vapeur Dolisie, avait représenté le dernier trajet direct pour la navigation à vapeur jusqu’à Bangui.

Les époques de navigation sur l’Oubangui sont donc à peu près les suivantes : eaux montantes et hautes du 8-25 juin au 8-20 décembre permettant aux vapeurs de 100 à 200 tonneaux, voire 500 tonneaux aux époques favorables de remonter jusqu’à Bangui ; décrue et eaux basses du 8-20 décembre au 8-25 juin, les vapeurs ne pouvant plus remonter que jusqu’à Zinga tout d’abord, puis Mongoumba et même Dongou certaines années. À cette époque, la navigation sur les biefs navigables est assurée par des vapeurs de faible tonnage, sauf pour la traversée des seuils de Zinga, que la baleinière peut seule franchir.

Pour tenter de prolonger la navigation jusqu’à Bangui, l’Administration a entrepris le creusement d’un chenal dans les rochers de Zinga ; mais, comme les travaux ne peuvent être effectués qu’au moment de l’étiage, ils demanderont vraisemblablement un certain nombre d’années. On ne peut, en outre, prévoir ce que deviendra le régime du bief amont après l’achèvement du canal. Enfin, pour pallier encore à cette difficulté actuelle, l’Administration a construit une route latérale qui permettra de transporter par camions, en évitant la traversée des rapides en baleinière.

(À suivre.)

R.-L. JOLY,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°599 Mai 1940 Page 312