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Le chien

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Nous en avons fini avec les chiens de chasse de France. Les trois chiens dont il nous reste à parler maintenant appartiennent : deux au neuvième groupe (chiens d’agrément), un au dixième groupe (Lévriers).

Petit chien très français, de nom et de caractère, le Bouledogue français nous laisse assez indécis sur ses origines. La race remonterait à une cinquantaine d’années environ. Les uns voient, à l’origine, le Perro de Presa español ; d’autres, de petits Bulls (quels bulls ? ...) importés ; d’autres enfin, plus simplement, une sélection sur une race imprécise déjà existante.

Quoi qu’il en soit, le Bouledogue français est un anormal, On a fait passer chez lui au caractère de signe, de caractéristique de race, une simple malformation, on a sélectionné sur un défaut physique.

Certes, il ne faudrait pas mettre notre Bouledogue français sur le même pied que le Bull-dog anglais. Celui-ci est anormal de partout ; c’est réellement un chien contre nature, une caricature ; notre Bouledogue, lui, n’est irrégulier que dans ses mâchoires inégales, l’inférieure dépassant très légèrement la supérieure. Ce défaut est, du reste, assez fréquent dans la gent animale ; il n’est nullement spécial aux canidés, on le rencontre assez fréquemment chez les bovidés et je l’ai moi-même constaté chez un poulain. On en a fait un signe de race chez le Bouledogue français. Encore y a-t-il des limites : pas de projection exagérée, chez lui, de la mâchoire inférieure, car, dans ce cas, les dents du bas deviendraient apparentes, ce qui est interdit. Cependant, dans son ensemble, on peut parfaitement dire que la tête du Bouledogue est anormale. Elle est, avant tout, volumineuse, ce qui n’est pas sans mettre à mal nombre de chiennes au moment de la mise bas. La peau du crâne et de la face est formée de rides et de plis. Et j’ai même ouï dire que, il y a quelques années, un modeste savetier de Paris, passionné de cette race, savait parfaitement rendre typiques le crâne et surtout la face de ses chiots, par l’application d’un masque spécial de sa fabrication ! La mode, voyez-vous ? a vraiment des exigences terribles ... ou tout au moins fort gênantes. N’est-il pas vrai, mesdames ? Eh bien, donc, consolez-vous, martyres de la beauté, ou plutôt de la mode et d’un entrepreneur de façades truquées, vous n’êtes pas les seules à souffrir.

Conventionnellement, le Bouledogue est un chien d’agrément. Certes il l’est, c’est incontestable : il est gentil, propre, a une silhouette athlétique fort plaisante ; il se plaît à la vie sédentaire ; il n’est pas encombrant, ne vous saute pas constamment sur les genoux et sait marcher dans la rue sans réclamer le secours de vos bras. Cependant, il a aussi des qualités beaucoup plus sérieuses et je l’eusse cru plus parfaitement à sa place dans la catégorie des chiens de garde. Car le Bouledogue est réellement un chien d’utilité : il est intelligent, vigilant et courageux. Il sait garder une cour et la maison de son maître, il aboie et, au besoin, car il apprécie parfaitement le danger, il sait faire autre chose, il sait agir intelligemment, c’est-à-dire défendre et mordre à bon escient. Son cousin, le Bull-dog anglais, n’est-il pas lui-même catalogué parmi les chiens de garde !

Le Caniche, qui a beaucoup d’affinités avec le chien de chasse, est-il un chien français ? Les meilleurs auteurs et M. Mégnin lui-même sont très nettement pour l’affirmative. Cela n’empêche cependant que les Allemands l’affirment leur ! Nous sommes payés pour savoir ce que valent les affirmations allemandes. Ce qui est certain, c’est que ces messieurs de la trans-Siegfried se sont approprié ce chien, comme bien d’autres êtres ou choses et qu’ils l’ont modifié à leur manière. Ceci n’est pas d’ailleurs à l’avantage du chien qui, selon la mode teutonique, est devenu droit et raide sur ses antérieurs, têtu et méchant. Ce caniche doit être traité à la schlague ! Deutschland über alles ! Chez nous, le Caniche est un chien très doux et remarquablement intelligent ; on en fait tout ce qu’on veut : un compagnon idéal, un chien de cirque extraordinaire, un conducteur d’aveugle plein de précautions et d’initiative. Ce chien est, chez nous, très connu du public, malgré les éclipses de la mode. Lorsque j’étais enfant, on voyait des caniches partout. Puis, petit à petit, ils disparurent complètement. Aujourd’hui, la mode les sort de l’oubli. Mais les aveugles et les dresseurs de cirque sont toujours restés fidèles au Caniche, et ce n’est pas sans raisons.

Je n’ai qu’un seul reproche à faire au Caniche : la toilette qu’il exige. C’est là, du reste, ce qui fait sa beauté toute de convention, disons plus exactement son originalité. C’est là certainement un assujettissement pénible pour les petites bourses.

La texture du poil chez ce chien est tout à fait particulière : c’est de la laine, en apparence tout au moins. Un Caniche nature, sans la moindre toilette, n’est pas beau, j’en conviens.

On en connaît deux variétés : le frisé et le cordé, celui-ci d’ailleurs très rare. Le premier, c’est le chien-mouton, vous le connaissez tous. Le second : Caniche cordé, royal, est le même, si ce n’est que son poil, au lieu d’être bouclé, forme des cadenettes.

Plusieurs tailles sont admises : grands Caniches, au-dessus de 0m,50 ; moyens, de 0m,40 à 0m,50 ; nains, au-dessous de 0m,37.

La couleur est noire, marron ou blanche. La robe blanche tachée de noir ou de marron n’est pas admise ; elle existe cependant et j’ai vu de fort jolis chiens ainsi vêtus.

J’ai toujours regretté de voir le Caniche figurer dans le neuvième groupe, car c’est, à mon avis, un chien d’utilité. Dans certaines régions de l’Angleterre, il est même utilisé comme chercheur de truffes.

Certaines personnes donnent au Lévrier Mayorquais le nom de Lévrier français. C’est là une grosse erreur. Le Lévrier Mayorquais, cà Eivissenc, Lévrier d’Ibiza ou des Baléares, est absolument un chien espagnol.

Le seul chien que, depuis la conquête de l’Algérie, du Maroc et depuis notre protectorat sur la Tunisie, nous puissions considérer comme français est le Sloughi ou Lévrier arabe.

Il est moins allongé que le Greyhound ; c’est un chien solide, fortement charpenté et cependant excessivement élégant. Les Arabes qui font mépris du chien font une exception en sa faveur et le considèrent comme un animal noble qu’ils traitent à l’égal de leur cheval et qui a les honneurs de la tente. Ils s’en servent surtout pour chasser la gazelle, mais aussi pour le lièvre et même pour la gerboise. Les plus beaux viennent du Sud du Maroc et du Sud tunisien. Il en est de diverses couleurs : sable à manteau noir, noirs, gris fer marqués de feu, blancs, bringés. Mais la couleur sable à masque noir est la plus estimée.

On considère le Sloughi comme moins rapide que le Greyhound, mais on oublie trop souvent de dire qu’il a beaucoup plus de fond que celui-ci.

C’est sur ce splendide animal, de beaucoup le plus intelligent des Lévriers, que nous terminons la nomenclature des chiens français.

J. DHERS.

(1) Voir nos 588 et suivants.

Le Chasseur Français N°600 Juin 1940 Page 334