L’acidité du moût au moment de la récolte est constituée par
les acides tartrique, malique et citrique, libres et combinés. D’après les
travaux de Dupont, l’acide citrique existe dans le raisin mûr à l’état de
traces ; l’acide malique plus important est rarement envisagé seul ;
l’acide tartrique, par contre, est de beaucoup le plus important. Il existe
dans le raisin, à l’état libre et combiné ; à l’état combiné, il est
associé à la potasse et à la chaux pour former des tartrates, dont le plus
important est le tartrate acide de potasse ou bitartrate de potasse qui
constitue à lui seul la presque totalité de l’acidité du moût.
Pendant la fermentation, ce facteur acidité joue un rôle
capital : il constitue l’agent le plus important de sélection des levures.
À ce moment, une acidité normale du moût assure une fermentation pure, exempte
de tous mauvais ferments. La matière colorante de la pellicule, dissoute par
l’alcool, est avivée par l’acidité. Quand la fermentation prend fin, une
certaine quantité de bitartrate de potasse est insolubilisée par la présence
d’alcool et par l’abaissement de température. Une partie se précipite dans les
lies ; une autre se fixe aux parois des récipients vinaires et constitue
les dépôts tartriques que l’on doit périodiquement faire enlever par d’habiles
spécialistes « détartreurs ». La précipitation des petits cristaux de
bitartrate dans les lies est facilitée par la floculation des matières
colloïdales au moment de la clarification.
Pendant la plus ou moins longue conservation que l’on fait
subir au vin, l’acidité joue encore un rôle important. Elle s’oppose au
développement des mauvais ferments, toujours présents et dangereux.
Pendant le vieillissement, les acides se combinent
partiellement à l’alcool pour donner des éthers sels qui forment avec les
aldéhydes le bouquet et donnent ainsi au vin certains caractères
organoleptiques recherchés.
Nous venons de voir que, pendant et après la fermentation,
l’acide tartrique (puisque c’est lui qui constitue la majeure partie de
l’acidité du moût et du vin) joue un rôle capital. Sa présence dans la récolte,
en quantité suffisante, est donc nécessaire. Pendant la période qui va de la
véraison à la maturité, l’acide tartrique diminue progressivement dans le grain
de raisin ; une partie subit l’oxydation intracellulaire et est brûlée par
les rayons solaires. Ceci explique que, dans les pays chauds, où le soleil est
ardent, les vendanges sont le plus souvent insuffisamment acides. La loi, assez
bonne fille en certaines occasions, autorise l’addition d’acide tartrique, à la
vendange, pendant la période de vinification. Cette opération porte le nom de
« tartricage ». Mais la loi interdit en même temps l’addition de
sucre.
L’acidité du moût s’exprime en grammes d’acide sulfurique ou
tartrique. Pratiquement un moût doit renfermer 9 à 12 grammes d’acide
tartrique par litre ; si les quantités données par le dosage sont
inférieures, le tartricage s’impose. Cette détermination de l’acidité du moût
peut être faite à la propriété ; elle nécessite un matériel simple et,
avec un peu d’habitude, on y parvient parfaitement ; néanmoins, comme une
erreur pourrait conduire à de graves mécomptes, il est préférable de confier, à
deux ou trois reprises pendant le cours des vendange, un petit échantillon de
moût à un chimiste œnologue qui fixe exactement la quantité d’acide tartrique à
ajouter.
L’acide tartrique commercial se présente sous la forme de
gros cristaux incolores, translucides, solubles dans l’eau froide, très
solubles dans l’eau chaude, pouvant se conserver indéfiniment. Projeté dans une
flamme ou sur une plaque métallique fortement chauffée, il dégage une odeur
caractéristique de pain brûlé. Les fruits contiennent d’autant plus d’acide
tartrique qu’ils sont plus verts. Cette propriété peut être mise à profit par
les viticulteurs qui ont à leur disposition les grappillons verts contenant
jusqu’à 10 p. 100 de leur poids d’acide tartrique : 7 kilogrammes
de grappillons augmentent l’acidité de 1.000 kilogrammes de vendange de 1 gramme
en acide tartrique. Malgré cette source d’acide tartrique à bon marché, le
viticulteur préfère souvent l’emploi de l’acide tartrique du commerce.
Cet acide commercial est d’ailleurs un sous-produit de la
fabrication du vin ; on le retire des lies et des tartres.
Comme l’acide tartrique, l’acide citrique peut servir à
corriger les défauts des vendanges insuffisamment acides. Néanmoins, comme il
est plus coûteux, on l’utilise uniquement pour acidifier les vins, car, tandis
que la loi interdit l’addition d’acide tartrique aux vins faits, elle autorise
celle d’acide citrique aux doses telles que le vin une fois acidifié ne
renferme pas plus de 0gr,50 d’acide citrique par litre. Il sera donc
prudent de ne jamais dépasser la dose de 0gr,45 par litre, soit 45 grammes
par hectolitre. À poids égal, l’acide tartrique est moins actif que l’acide
citrique : 1gr,4 d’acide citrique équivaut à 1gr,53
d’acide tartrique et à 1 gramme d’acide sulfurique.
L’acide citrique a une action plus efficace sur la matière
colorante que l’acide tartrique ; il sert également à prévenir certaines
maladies des vins nommées casses.
Il est facile de déterminer la quantité de cet acide
nécessaire à un vin ; on opère par tâtonnements en ajoutant à des
échantillons de volume connu des doses croissantes de cet acide : 0gr,1,
0gr,2, 0gr,3, 0gr,4, 0gr,5 par
litre. Au bout de quelques jours, on déguste et on observe la tenue du vin. On
opère ensuite sur la totalité du vin à traiter, selon l’échantillon traité qui
a donné le meilleur résultat.
H. PAU,
Ingénieur agricole (M.), Professeur d’agriculture, Expert des tribunaux.
|