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Les vaches beurrières

Influences raciques et individuelles.

— On entend souvent dire : « Je peuple mon étable avec des vaches de telle ou telle race, parce qu’elles sont réputées comme ayant un lait riche en graisse et, comme je fabrique du beurre, c’est mon intérêt de ne pas en avoir d’autres, dont le lait serait moins crémeux. »

Ce raisonnement est apparemment juste, car, dans l’ensemble, il est prouvé qu’un troupeau de vaches normandes, par exemple, d’un rendement global de x litres de lait, fournira davantage de beurre que le même nombre de litres de lait provenant de vaches hollandaises ou flamandes, dont le lait est réputé moins riche.

La différence serait encore plus sensible, si on comparait ces grandes laitières du Nord à des vaches jersiaises ou bretonnes, qui donnent un lait extrêmement butyreux, 5 à 6p. 100 de matière grasse, alors que la teneur en graisse des fortes laitières dépasse rarement 3 p. 100.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue que le facteur originel n’est pas seul à jouer sur la valeur beurrière du lait des vaches, le facteur individuel ayant tout autant d’influence, sinon plus que la race. En effet, si on soumet à un examen butyrométrique un échantillon de chacun des laits fournis par les vaches d’une même étable, lesquelles peuvent être de même race, ou des métisses de diverses provenances, on constatera des différences tellement grandes, allant du simple au double et davantage, que l’on sera naturellement porté à attribuer plus d’importance aux aptitudes individuelles qu’à l’atavisme racique.

Une sélection s’impose.

— Comparons deux laitières, A et B, ayant une production annuelle équivalente en lait, que nous supposerons être de 4.000 kilogrammes. Si le lait de la première contient seulement 2,5 p. 100 de matière grasse, et celui de la deuxième accuse une richesse de 4,5 p. 100, il n’y aura rien de plus facile que d’établir une comparaison quantitative entre les deux vaches, en consultant le tableau des rendements établi par Dornic :

Richesse en graisse.   Rendement en beurre de 100 kg. de lait.
Un lait titrant 2,5 % donnera : 2kg,625 de beurre.
—— 3,0 % —— 3kg,250 ——
—— 3,5 % —— 3kg,850 ——
—— 4,0 % —— 4kg,440 ——
—— 4,5 % —— 5kg,040 ——
—— 5,0 % —— 5kg,560 ——

Il suffira d’appliquer en multipliant la production laitière par les facteurs de rendement, pour connaître globalement quelle sera la production annuelle en beurre :

Vache A : 4 000 litres de lait à 2,5 = 105 kilogrammes de beurre.
Vache B : 4 000 litres de lait à 4.5 % = 201kg,600.
Différence : 201kg,600 - 105 = 96kg,600.

Un simple coup d’œil sur ces chiffres fait comprendre le bien fondé du contrôle, et pourquoi la sélection des laitières doit se faire d’une façon continue dans toutes les vacheries, en ne conservant pour la reproduction que les sujets issus des souches réputées pour l’abondance et la qualité de leur lait.

Influence de la nourriture.

— Si la race, le climat et surtout les aptitudes individuelles jouent un rôle très important sur la richesse des laits en matières grasses, et sur la lactation, on ne perdra pas de vue que l’alimentation a également une action marquée sur les rendements qualitatifs et quantitatifs du lait.

On sait déjà que l’élaboration du lait ne peut se produire activement que si le sang, chargé d’alimenter le système galactagogue, est capable de lui fournir tous les principes exportés par cette sécrétion, savoir : la protéine de la caséine, les hydrates de carbone de la lactose, la matière grasse du beurre et les sels minéraux associés.

Si l’un des principes manque, que ce soit l’azote ou les hydrates de carbone, il se produit un déséquilibre entre la caséine, le sucre et la graisse ; il en résulte des troubles de lactation ayant une répercussion fâcheuse sur le rendement et la composition centésimale du lait. Il faut donc admettre qu’une nourriture pauvre ou insuffisante, outre qu’elle entraînera l’amaigrissement progressif des vaches, provoquera toujours un ralentissement marqué de la lactation, et des anomalies entre les divers constituants du lait, principalement la matière grasse.

Besoins des laitières.

— Les Danois, passés maîtres dans l’art de soigner les vaches, ainsi que sur la technique des industries laitières, ont établi dans leurs stations expérimentales qu’une vache adulte, du poids de 500 kilogrammes, devait recevoir journellement 4 unités fourragères (U. F.), comme ration d’entretien, laquelle doit être accompagnée de 250 grammes environ de matières azotées (M. Az.), plus une ration de production sur la base de 0,4 U. F. et 60 grammes de matières azotées par litre de lait fourni à 4 p. 100 de graisse.

On ajoute ou on retranche, suivant le poids de l’animal, puis l’on tient compte des autres besoins : de la ration embryogénique, si la vache est en gestation, et de la ration d’accroissement, si elle n’est pas encore adulte.

C’est ainsi que les besoins alimentaires d’une vache, âgée de trois ans et demi, qui pèserait 600 kilogrammes et fournirait 14 litres de lait à 4 p. 100 de graisse, en entrant dans son quatrième mois de veau, seraient approximativement les suivants :

Rationnement.
——
U. F.
——
Matières azotées.
——
Ration d’entretien 4,50 300 grammes.
de production 5,60 840
embryogénique 0,25 75
d'accroissement 0,50 250
   
Totaux
——
10,85
——
1.465
 
grammes.

Mise en équilibre d’une ration.

— Au régime de la stabulation, la ration d’une laitière se calcule au moyen d’un Memento agricole, qui indique la richesse des différentes denrées en unités fourragères (U. F.) et en matières azotées (M. Az.) ; puis l’on procède par tâtonnement, pour établir une ration appropriée aux besoins de la lactation. C’est ainsi que la ration ci-après satisfera à peu près aux exigences d’une vache du poids de 600 kilogrammes, remplissant les conditions du problème posé ci-dessus :

Denrées.
——
Quantités.
——
U. F.
——
Matières azotées.
——
Foin mélangé 6kg,000 2,40 380 grammes.
Mêlée : betteraves 35kg,000 3,55 350
Baies de blé 3kg,500 0,97 50
Tourteau de colza 1kg,250 1,50 520
Son de froment 1kg,250 1,00 125
Paille d’avoine 3kg,000 1,00 55
 
Totaux.
——
50kg,000
——
10,42
——
1.480
 
grammes.

Des rectifications s’imposent.

— Pendant toute la période de stabulation à l’étable, où la nourriture des vaches est à base de fourrages secs et de betteraves en cossettes, le beurre a une tendance naturelle au durcissement, à cause de sa teneur élevée en graisses solides (stéarine et palmitine), alors que la proportion des graisses fluides et demi-molles (oléine et margarine) diminue sensiblement.

Pour y remédier, il suffira de remplacer une partie du tourteau de soya par du tourteau de lin, qui est rafraîchissant. D’ailleurs, le son combat lui aussi l’atonie du tube digestif ; aussi est-il bon d’en introduire toujours une certaine dose dans le rationnement des vaches à l’étable.

Au contraire, pendant toute la saison de l’herbe, le beurre a une tendance au ramollissement et au rancissement. Pour atténuer ces anomalies, on donnera aux vaches, en supplément, comme correctif, un mélange de tourteau de coprah et de palmiste, avec de la farine de féverole, 1kg,500 environ par tête et par jour. Ce mélange apportant avec lui beaucoup de protéine, la lactation se trouvera stimulée au maximum.

La technique d’été.

— Pour compléter l’action atténuante de la nourriture sur le ramollissement du beurre, lorsque les vaches vont au pâturage, on réduira à 50° ou 55° Dornic la limite de l’acidification, au lieu de 65° à 70° pour les fabrications d’hiver. On aura soin, en outre, de turbiner les crèmes beaucoup plus épaisses que pendant la saison froide, de manière à réduire le nombre des ferments lactiques, qui sont les agents de la maturation.

Pour le barattage, on se placera dans un local frais, et l’on aura soin de rincer la baratte à l’eau aussi fraîche que possible, avant d’y verser la crème, dont la température ne dépassera pas 12°, s’il s’agit de crèmes douces, et 13° à 14° si elles sont fermentées. Le récipient ayant été rempli à moitié de sa capacité, la prise se fera en trente-cinq minutes environ. Aussitôt que le grain se forme, on ajoute un peu d’eau froide, et l’on continue le barattage, mais très lentement, de manière à laver le beurre. Après le premier soutirage, on remet une quantité d’eau froide équivalente au volume du babeurre extrait, puis l’on continue lavages et soutirages jusqu’à ce que l’eau sorte absolument claire.

Il n’y a plus qu’à porter le beurre à la cave où, après qu’il se sera raffermi, on le fera passer deux fois sous le rouleau du malaxeur, qui devra tourner très lentement. On laisse encore raffermir avant de mettre en pain, puis on effectue le transport chez les dépositaires, en le faisant voyager de préférence pendant la nuit.

C. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°600 Juin 1940 Page 358