Les discussions et encore plus les réclamations, concernant
ces deux catégories d’animaux, se poursuivent, voire en s’accentuant, dans la
plupart des journaux s’intéressant aux choses de l’agriculture et ont aussi
trouvé leur écho à la tribune de la Chambre des Députés. L’honorable
M. Chouffet, lors de la discussion publique du cahier de crédits, proposés
par M. Bardoul, rapporteur, a dit notamment : « Des véhicules
automobiles et des chevaux ont été requis à des prix dérisoires. La loi de 1877
indiquait une procédure normale pour le recours. Le Gouvernement l’a hachée en
morceaux par quatre ou cinq décrets qui se contredisent. On n’y comprend
plus rien ! Or, dernièrement, les tribunaux se sont mis à débouter les
demandeurs pour cause de forclusion ...
« Des milliers de cultivateurs ont été littéralement
spoliés et dépouillés de leur bien. Ne leur opposez pas une forclusion ! »
(Applaudissements.)
Nous constaterons, en passant, que cette opinion, partagée
par la quasi-unanimité de la Chambre, était aussi prise en considération dans
le rapport de M. Bardoul, exprimant qu’en prolongeant le délai de
réclamation (fixé à la date du 30 janvier 1940 par la loi des Finances du
31 décembre 1935), la Chambre « prendrait une mesure d’autant plus
équitable qu’elle bénéficierait notamment aux populations rurales, connaissant
toujours très tardivement les textes publiés ».
À la demande générale des intéressés et des milieux
parlementaires, où se trouvent les meilleurs avocats de leur bonne cause, il
serait désirable et équitable, ainsi que le rapporteur l’a signalé, que le
délai de forclusion soit reporté aussi tardivement que possible, et
conformément à la circulaire en date du 13 octobre 1939, imposant la
révision d’office des indemnités évaluées sur des bases périmées, principalement
pour les chevaux de première et deuxième catégories, qui se sont trouvées les
plus défavorisées. Pour faire patienter ou complètement rassurer les
propriétaires, ayant eu des chevaux réquisitionnés, nous publions ci-dessous,
la circulaire parue au Bulletin officiel, du 18 mars dernier :
« En vue de réduire au minimum le nombre des recours
contentieux, la circulaire no 1614 bis 212P, du 2 janvier
1940, vous autorise à accorder, après avis des Commissions régionales,
des majorations de prix dans la limite maximum de 25 p. 100 des prix
moyens de base des indemnités de réquisition, intéressant les chevaux de la
première série (moins de dix ans).
« Il est apparu, à l’expérience, que cette majoration
ne permettait pas, dans un certain nombre de cas intéressant les chevaux et
autres animaux des première et deuxième séries, de donner satisfaction à des
réclamations justifiées portées par les intéressés devant les tribunaux
judiciaires.
« En conséquence, je vous autorise, par modification de
la circulaire 1614 bis, à homologuer toutes les propositions de
majorations faites par les Commissions régionales instituées par la circulaire no 2827
du 25 janvier 1940 dans les limites maxima fixées pour chaque catégorie
d’animaux par le barème du 28 août
1939.
« Dans le même esprit, j’autorise les intendants,
appelés en conciliation devant les juges de paix pour la fixation du montant
d’indemnités de réquisition de chevaux, à conclure, dans les mêmes limites, les
transactions, chaque fois qu’ils le jugeront opportun et conforme aux intérêts
de l’État. »
Tout cela est fort bien et dénote, de la part du Ministre,
les meilleures intentions du monde ... pour l’avenir (?) ; mais
tous ceux — et ils sont nombreux — qui ont été lésés dans le passé
voudraient bien ne pas être seuls à faire les frais de la forclusion arbitraire
qui leur a été imposée, pour leurs animaux réquisitionnés. Au fur et à mesure
que les chevaux deviennent plus rares, leurs prix augmentent dans des
proportions considérables, au point que, ces jours derniers, nous avons vu
vendre un cheval de service, 15.000 francs, un cheval pour la boucherie 10.000 francs
et des chevaux de réforme de 10.000 à 13.000 francs. Évidemment, c’est là
la conséquence inévitable de la loi de l’offre et de la demande, qui
régit toutes les transactions ; mais il n’en faut pas moins surveiller et
se méfier des procédés de certains commerçants ou courtiers, plus soucieux des
bonnes affaires, que de bonne justice.
À ce propos, la note ci-dessous, régissant la vente des
chevaux réformés de l’armée, fixe les droits de chacun.
« Dans une première phase, l’adjudication, par unité
vendue, ne sera ouverte qu’aux personnes frappées par la réquisition et en
possession de certificats délivrés une fois pour toutes par le maire du siège
de leur exploitation et faisant connaître :
« 1° La qualité du porteur : agriculteur, éleveur,
marinier, entrepreneur de batellerie, etc. ;
« 2° Le nombre de chevaux dont la réquisition l’a
privé ;
« 3° Dans la mesure du possible, le nombre de chevaux
qu’il a dû acheter.
« Les porteurs de certificats ainsi libellés ne seront
admis à participer aux enchères et éventuellement déclarés adjudicataires, que
dans la limite des remplois qu’ils n’auraient pas encore réalisés à la suite
des opérations de réquisition. L’adjudication ne pourra toutefois être
prononcée que si le prix limite, fixé de concert par l’autorité militaire et
les services des domaines d’après les barèmes de réquisition, est atteint ou
dépassé par les enchères.
« Dans ce cas, le certificat dont l’adjudicataire sera
porteur devra être émargé, séance tenante, par le Receveur des Domaines,
préposé à la vente, d’une mention constatant l’achat.
« Dans une deuxième phase, soit qu’aucune enchère n’ait
été portée par les détenteurs de certificats, soit que le prix limite n’ait pas
été atteint au cours de la première phase, les chevaux à vendre seront alors
offerts à tous les amateurs présents et adjugés à celui d’entre eux qui aura
porté l’enchère la plus élevée, sous réserve qu’elle soit égale ou supérieure
au prix limite déterminé comme il est dit plus haut.
Contrairement à ce qui a eu lieu lors de l’autre guerre, les
acquéreurs ne seront pas tenus de conserver pendant une durée indéterminée les
animaux acquis pour le service de leurs exploitations.
J.-H. BERNARD.
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