À propos du chien de montagne des Pyrénées.
— Le Chasseur Français a publié dans son numéro
de décembre 1939 un article fort intéressant sur le chien de montagne des
Pyrénées. Sera-t-il permis à un amateur de cette magnifique race spécifiquement
française de relever quelques indications à son sujet ?
Je ne parlerai pas du slogan généralement admis de l’origine
thibetaine de notre Grand Pyrénéen au sujet de laquelle je crois pouvoir
cependant émettre quelques doutes, car les caractères morphologiques de la race
du Dogue du Thibet et de celle du Chien de montagne des Pyrénées diffèrent
assez sensiblement, et les causes naturelles : action du milieu extérieur,
du sol, du climat, pas plus que les causes artificielles : alimentation,
gymnastique fonctionnelle, méthodes de reproduction, etc., ne suffisent pas à
expliquer ces différences.
Il faudrait alors supposer une variation brusque et
spontanée, irréversible, une « mutation » de la race, ce qui est biologiquement
improbable et scientifiquement peu admissible.
Mais le chien de montagne des Pyrénées n’a jamais été le
chien de berger des Pyrénées, qui constitue une race à part, différente même du
Labrit. M. Dhers de Save, dans un article paru en octobre dernier, dans le
Chasseur Français, a marqué précisément, avec sa grande autorité de
cynophile averti doublé de sa qualité de Pyrénéen d’origine, la différence qui
existe entre le Labrit et le Chien de berger des Pyrénées.
Ce que je voudrais préciser en outre, c’est qu’à mon avis,
le chien du Saint-Bernard, pas plus d’ailleurs que le chien de Terre-Neuve et
le Léonberg, n’ont comme ancêtre le Dogue du Thibet.
Le Saint-Bernard a été obtenu, vers 962, par le croisement
d’une chienne de montagne des Pyrénées et d’un quelconque dogue, pratiqué par
les moines de l’hospice qui ne l’ont d’ailleurs jamais contesté.
Le Terre-Neuve provient également du croisement d’une chienne
de montagne des Pyrénées importée dans l’île par les marins du golfe de
Gascogne vers 1622 et d’un retriever, ou plus probablement d’un chien Scandinave
laissé à Terre-Neuve par ses premiers conquérants.
Quant au Léonberg, qui a fait son apparition en 1846, il est
issu, lui aussi, d’un croisement de notre chienne de montagne des Pyrénées avec
le produit d’un Terre-Neuve (dont il a hérité la palmature) et d’une chienne du
Saint-Bernard.
Sous le bénéfice de ces quelques remarques utiles à faire
dans l’intérêt de notre belle race pyrénéenne, je ne puis que m’associer aux
conclusions de l’auteur de l’article, car je comprends comme lui et partage
« l’attachement indéfectible voué à ce fils de nos montagnes, d’une
noblesse d’âme et d’une distinction physique hors de pair ».
GROS DE SAINT-MARCEL.
Éleveurs et races.
— Les pedigrees sont indispensables pour justifier la
race des chiens et pour les faire inscrire au Livre des Origines français.
Aussi faut-il les établir dès la naissance des chiots, et le plus soigneusement
possible.
Afin de n’omettre aucun détail utile pour la validité de ces
pièces, il est préférable de se servir des formules imprimées toutes prêtes à
remplir, lesquelles sont établies pour recevoir la date de naissance, le
signalement, l’origine à trois générations, la liste des propriétaires
successifs. Aussi un éleveur prévoyant a-t-il toujours une petite provision de
ces précieux imprimés.
Le flair des Chiens.
— M. E. Pourésy nous cite le fait suivant, au
sujet de notre note, en bas de page 524 du Chasseur Français d’août
1939 : « Les chiens de Satan ».
Tout dernièrement, réglant une note à ma boulangère, je
remarque une très belle chienne faisant sa sieste quotidienne entre le magasin
et les appartements ; et, comme je complimentais la boulangère sur la finesse
de sa bête, elle ajouta : « Et combien intelligente, ». Elle
m’expliqua que son fils, soldat au Maroc depuis plus de six mois, venait de lui
écrire, qu’elle avait reçu sa lettre le matin même, et que, dès que la chienne
eût vu la lettre et senti son odeur, elle se dressa devant sa maîtresse pour
saisir l’enveloppe avec ses dents, dans un élan de caresses extraordinaires. Sa
joie était sans borne devant cet objet qui devait lui rappeler, par l’odeur,
celle de son jeune maître qu’elle n’avait pas revu depuis son départ pour le
Maroc.
Un peu surpris par un tel « flair », à cette
distance et après une si longue séparation, je priai la boulangère de renouveler
en ma présence le manège de sa chienne. Elle reprit donc dans son tiroir la
lettre de son fils et appela Missette, qui dormait à trois mètres de là. Celle-ci
s’approcha aussitôt de sa maîtresse qui lui présenta l’enveloppe dans laquelle
se trouvait la lettre du soldat. La chienne, de nouveau, voulut se saisir de
l’objet avec sa gueule, mais on ne le lui permit pas. Elle retourna continuer
son somme que j’avais fait interrompre pour m’assurer de son instinct. Mais,
tenant à posséder une preuve plus grande encore de son flair, je demandai à la
boulangère de prendre deux enveloppes, dont l’une serait celle de son fils et
l’autre, même format et de même couleur, et de les présenter à Missette pour
voir sur laquelle son instinct se dirigerait. Sans hésitation, la chienne
voulut saisir son enveloppe, celle de son maître du Maroc. Nouvelle
épreuve : les deux enveloppes furent tournées et retournées pour que
Missette ne puisse reconnaître sa préférée. Sans la moindre recherche, elle se
jeta sur celle du soldat.
L’épreuve était concluante, mais tout de même étonnante.
Oui, le chien a le sens de la direction.
— Il y a de cela une quinzaine d’années, j’avais un
garde-chasse, en Vendée, qui, outre ses qualités exceptionnelles de garde,
était un veneur remarquable et se livrait à l’élevage de nos braves compagnons
de chasse. Pour les vendre, il faisait paraître des annonces dans le Chasseur
Français et, un beau jour, il reçut une lettre de la Sarthe, lui demandant
de lui expédier, après le prix convenu, le chien Carillon, Vendéen ayant
beaucoup de sang griffon.
Ce chien, enfermé dans une caisse en bois, percée au
préalable pour l’aération, fut mis en gare de Fontenay-le-Comte, un soir
d’octobre, à la nuit. Le train quitta la gare à 22 heures. Après arrêts et
transbordements sans doute, toujours est-il que le chien arriva à destination
le lendemain soir. Son futur patron, prévenu, attendait à la gare. Carillon fut
gardé à l’attache pendant cinq ou six jours pour se familiariser avec son
maître ainsi qu’avec les aîtres de sa nouvelle demeure, puis laissé libre dans
la cour close et, enfin, emmené à la chasse un beau matin, tenu en laisse.
Arrivé au bois. Carillon fut détaché et rentra sous la futaie avec ses
congénères ; à partir de ce moment, son maître ne l’a plus revu. Il faut
ajouter, entre parenthèse, qu’il ne manifestait aucune sympathie pour ce
dernier ; cependant Carillon était affectueux et capable d’un grand
attachement.
Appels, sifflements, coups de corne, pas de Carillon. « Bah !
dit le chasseur, il sera rentré à la maison ! » Mais il n’y était
pas ; il en fut de même le lendemain et jours suivants. Il l’écrivit à mon
garde et le signala également dans deux journaux de la région, mais il n’obtint
aucune réponse. Neuf jours après exactement, Carillon arrivait chez mon garde,
exténué, fourbu, efflanqué, ayant perdu graisse, collier, mais combien content
de se retrouver là.
La distance en ligne droite est d’environ trois cents
kilomètres ; mais probablement en a-t-il fait le double pour trouver sa
route, c’est-à-dire le sens de la direction. A-t-il mangé en cours de route,
mais quoi ? car je doute qu’un chien fournissant un tel effort puisse
rester dix jours sans nourriture. Il est vrai qu’il a trouvé à boire, puisqu’il
a sûrement traversé la Loire, mais où, nul ne le saura.
Devant ce fait assez rare, inutile de dire qu’il n’a pas été
remis en vente. Il fut un favorisé, qui eut sa place au coin du feu.
Commandant NOCQUET, abonné.
Une chienne phénomène.
— Phénomène ou chanceuse, comme vous voudrez, jugez
plutôt.
La chienne groenendael Alba de Mornex, âgée de neuf mois,
accompagne son maître en visite. Elle a les pattes sales, et naturellement elle
est dirigée sur un balcon pour éviter de salir l’appartement. Ce balcon est au
troisième étage (sur le rez-de-chaussée) ; son garde-fou est un mur, en
sorte que la chienne ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Elle
interprète mal l’ordre reçu et, d’un seul bond, franchit le garde-fou. Moment
d’émotion du maître qui dégringole les étages, dans l’intention bien arrêtée de
la tuer, pour abréger ses souffrances. Mais quelle ne fut pas sa stupéfaction,
en arrivant dans la cour, de rencontrer sa chienne prenant tout simplement le
chemin des escaliers. Blessée ? aucunement, si ce n’est une très légère
blessure sous la mâchoire inférieure. Croyez-vous peut-être qu’après cette
expérience elle eut peur du saut ! Nullement ; le dimanche suivant, à
l’entraînement, elle passait sans hésitation l’escalade dressée sur le terrain.
Après cela, vous n’avez qu’à tirer les conclusions : cette chienne
est-elle chanceuse ou phénomène ? Et que dire de son caractère, car il est
certain que de nombreux chiens auraient pris le saut en aversion pour
longtemps.
(Le Chien, Lausanne.)
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