Une récente chronique, publiée ici, mettait à l’honneur les
résultats obtenus dans divers domaines par la méthode Hébert.
La question se pose, pour certains, de savoir comment cette
méthode peut être appliquée de façon pratique aux enfants.
La première préoccupation des adultes, des pères de famille,
des éducateurs de tout rang doit être en effet aujourd’hui de songer à la
préparation d’une race solide, saine, bien équilibrée tant au point de vue
physique qu’au point de vue moral.
Si la méthode Hébert séduit les personnes raisonnables qui
veulent se donner la peine de réfléchir au pourquoi et au comment, aux causes
et aux effets, c’est que cette méthode convient à tous, c’est qu’elle n’exige
aucune installation difficile et coûteuse, c’est qu’elle n’est ni aride ni
rebutante, mais au contraire dispensatrice de joie en même temps que de santé.
Elle n’a point été imaginée dans le silence du cabinet, ni
déduite d’expériences de laboratoire. Elle est née de l’observation même de la
vie, c’est-à-dire de la réalité. Elle est le fruit de remarques concordantes
que fit au cours de ses nombreux voyages le lieutenant de vaisseau Georges
Hébert, notamment sur des peuplades dites sauvages, où l’on rencontre les plus
beaux spécimens humains, peuplades que la civilisation n’a pas encore
influencées ni affaiblies. Ces études furent ensuite complétées sur les
enfants, autres « primitifs ».
La méthode Hébert n’apporte pas de mouvements nouveaux,
compliqués, souvent antinaturels et sans lien entre eux. Elle consiste
simplement à faire exécuter à l’homme « ce pour quoi il est fait ».
Elle ne prescrit que les gestes familiers, simples, utiles : marcher,
courir, sauter, grimper, lutter, porter, lancer, nager. Elle les dose et les
coordonne, s’attachant surtout, selon le mot du philosophe, à suivre et à aider
la nature.
La méthode naturelle convient à tous les sujets
« normaux » sans exception, à l’enfant comme à l’adulte, à l’homme
comme à la femme ; mais si les exercices sont les mêmes pour tous, la
manière de les appliquer et de les doser diffère pour chacun. Ainsi, dans une
école Hébert, chaque enfant travaille selon ses forces, sans se préoccuper des
performances du voisin ; on ne recherche pas d’abord une perfection
impossible, mais on s’attache à produire du travail. L’éducateur établit les
exercices selon les possibilités de chacun et observe les alternances d’effort
et de détente, sans rompre jamais le rythme de la leçon.
Par la méthode naturelle, on acquiert, avec un développement
physique complet, de précieuses qualités viriles : énergie, courage,
sang-froid, et on cultive les qualités morales les plus nobles :
bienfaisance, dévouement, solidarité, par la soumission à des idées directrices
dont la principale que le maître doit constamment rappeler et exalter est
celle-ci : devenir fort pour être utile aux autres.
Voilà pour l’ensemble. Du côté purement pratique, la méthode
naturelle a cet avantage considérable, c’est de pouvoir être appliquée
n’importe où.
Et puis, la méthode naturelle est joyeuse.
Comparez une leçon d’éducation physique ordinaire avec une
leçon Hébert. J’ai vu, pour la première, des enfants entassés dans une classe,
complètement vêtus, étirer bras et jambes sans conviction, en comptant une,
deux, trois, et en réprimant à grand’peine un bâillement. J’en ai vu d’autres
défiler automatiquement sous un préau, mais manquant d’entrain, et attendant
impatiemment le coup de sifflet final, pour pouvoir « s’amuser ».
Pour l’enfant, en effet, tout est là. Il veut vivre, crier, courir, chanter, se
livrer au soleil, à l’eau, à l’air, à la nature en un mot.
Regardez les enfants hébertistes. En tenue légère, par tous
les temps, ils courent, ils sautent, ils crient, sans perdre haleine, sans
éprouver de lassitude. On sent, pendant le cours, l’animation, la vivacité, la
belle humeur. On arrive à considérer la leçon comme le plus amusant des jeux.
Témoin ce mot d’enfant recueilli par un moniteur : « Monsieur, quand
est-ce qu’on va jouer à l’éducation physique ? »
Oui, la méthode naturelle est joyeuse, vivante. L’enfant la
préfère à toute autre, parce qu’elle correspond à ses besoins instinctifs et
qu’il peut se rendre compte lui-même de ses progrès. Le sportif la pratique
avec enthousiasme, parce qu’elle est, en somme, un amalgame de tous les sports
et parce qu’elle lui assure des qualités de résistance à toute épreuve.
Ce qui est curieux, c’est que la méthode naturelle qui
reproduit les gestes cent fois séculaires qui sont ceux de notre espèce, a
marqué une véritable rénovation dans les idées sur l’éducation physique. On
fait presque toujours figure d’original quand on reprend des principes vieux
comme le monde. Mais, qu’on le veuille ou non, un jour ou l’autre, on est bien
obligé de revenir à la normale.
Tous nos maux : les maladies modernes, la neurasthénie,
la nervosité, la faiblesse, l’angoisse philosophique, tous nos maux, y compris
la guerre, ne sont-ils pas venus de ce que nous avons transgressé les lois
naturelles ?
Nous n’étions pas faits, après-tout, pour vivre entre quatre
murs, jouer à la belotte, nous déplacer en autocar ou en ascenseur, nous
nourrir de produits chimiques, nous faire broyer par des machines et des lois.
Je ne veux pas nier la valeur du progrès, tant que ce
progrès sert à adoucir certains efforts, à augmenter certain bien-être. Mais si
ce progrès, au lieu de nous rendre meilleurs, nous appauvrit physiquement et
nous affole moralement, que faut-il en penser ?
La nature, notre mère, ne s’est jamais trompée. Quand nous
sommes inquiets, observons-la, interrogeons-la ; elle nous répondra
toujours. Georges Hébert a puisé les idées directrices de sa méthode dans la
seule nature, et c’est pourquoi il reste et restera le plus grand éducateur
physique de notre époque. Il ne faut pas craindre de le proclamer.
Amoros et Démeny sont morts de désespoir de n’avoir pu être
utiles à leur pays, d’avoir été méconnus, dédaignés, déchirés. Hébert, rejeté
peut-être par quelques jaloux, a mené sans défaillance une tâche lourde et
bienfaisante dans les œuvres privées. L’ensemble de la France le connaît et
l’aime. La preuve, c’est que nos lecteurs eux-mêmes m’encouragent à parler de
sa méthode.
Voici maintenant les règles fondamentales de travail :
1° La leçon est un déplacement continuel pendant lequel on
marche, on court, on saute, on grimpe, on lance, on porte, on lutte et, chaque
fois qu’il est possible, on nage. Le tout exécuté de préférence au grand air,
en pleine nature, dans une tenue se rapprochant de la nudité, mais compatible
avec la décence et l’état atmosphérique ;
2° Le travail est soutenu et continu ;
3° Les efforts sont alternés ;
4° L’individualisation de l’effort est respectée par la
liberté d’action de chaque sujet, dans le travail dit « en vagues »
sur le plateau d’entraînement ;
5° Le travail est toujours exécuté en souplesse ;
6° L’entraînement est complété, en dehors des leçons, par
des jeux, des sports, des travaux manuels, jardinage, etc.
Ennemonde DIARD.
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