Le fumier est rare, pourtant il est indispensable, et, coûte
que coûte, il en faut, si nous voulons récolter de beaux légumes ;
peut-être ignorez-vous que, sans fumier, vous pouvez doubler certaines
récoltes.
Il s’agit, en la circonstance, d’une simple opération, nous
pourrions dire chirurgicale, puisqu’il faut se munir d’une serpette ou d’un bon
couteau et trancher dans le vif.
Lorsque, par exemple, une tête de chou-fleur atteint la
grosseur du poing, vous faites sur le sujet, immédiatement au-dessous des feuilles,
une incision qui traverse le tronc de part en part ; dans l’ouverture,
introduisez une branchette de la grosseur d’un crayon, destinée à maintenir
l’écartement de cette plaie. Attendez quelque temps et vous serez surpris de
constater que cette tête de chou-fleur est devenue le double de sa voisine.
Vous pouvez répéter la même opération avec les choux cabus
et de Milan ; les résultats seront aussi probants. Nous avons fait souvent
expérimenter par nos amis des jardins ouvriers ce petit truc du métier, qui est
maintenant couramment pratiqué.
Essayez-les sur les artichauts, à cette différence près que
vous faites deux incisions superposées en croisillon ; ce n’est pas un
gros travail, mais il vaut la peine d’être fait.
Passant à un autre ordre d’idées, ne vous trompez pas en
semant vos graines ; vous avez des variétés pour le printemps, l’été et
l’hiver : ainsi, des choux-fleurs d’été, que vous devez semer en
septembre, ou en février, sous châssis, pour les repiquer et les mettre en
place en avril ; ils fourniront la consommation de l’été et jusqu’aux
gelées ; et vous avez des choux brocoli, qui sont des choux-fleurs
d’hiver, que l’on consommera vers Pâques et après ; ceux-là se sèment au
moins en juin, pour pouvoir être repiqués et plantés à demeure à la fin de
juillet. Ne confondez donc pas les races et, toujours, repiquez vos plants.
Pour avoir en outre des pommes bien blanches, rabattez dessus quelques feuilles
du cœur.
N’attendez pas que les têtes soient arrivées à leur complet
développement pour les couper ; elles s’écartent et deviennent
dures ; mieux vaut les récolter alors qu’elles sont encore jeunes et bien
serrées.
Sachez bien aussi que, lorsque vous récoltez vos choux, il
faut arracher et brûler les pieds. Vous évitez ainsi la propagation du champignon
qui produit le gros pied, ou pied de poule, ou hernie (Plasmodiophora brassicæ).
En jetant ces pieds dans l’allée ou sur le compost, vous contribuez à la
propagation de cette infection. De plus, ne replantez pas de crucifères dans un
terrain contaminé et désinfectez le sol au calcium ou au sulfure de carbone.
Prévenez les chenilles de la piéride du chou, papillon blanc
avec points noirs, en plaçant de petites baguettes de 40 centimètres dans
vos carrés et les surmontant de coquilles d’œufs. Ces coquilles attirent les
papillons, qui y pondent et dont les œufs sont perdus. Mais, pour les chenilles
vertes qui dévorent l’intérieur des pommes, il n’y a que le ramassage
d’efficace.
Me confondez pas les choux-raves et les choux-navets ;
ces derniers sont blancs ou jaunes et la racine renflée se développe en
terre ; cet hiver, nous en avons consommé sous le nom de rutabaga ;
ce n’est pas un légume nouveau, et la variété Champion est la meilleure.
Le chou-rave se développe au-dessus de la terre ; il exige d’être consommé
jeune et il est alors délicieux ; Délicatesse est la meilleure
variété.
Pour récolter des choux de Bruxelles dès octobre, étêtez
quelques beaux sujets ; les petites pommes se développeront plus tôt,
surtout si vous avez planté la variété Spirale, dont les pommes serrées
entourent littéralement le pied. Nous reparlerons un jour des choux et de leur
culture.
Marcel EBEL.
Meilleur ouvrier de France Horticulture, Paris 1933.
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