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Au jardin d’agrément

Pour avoir de beaux chrysanthèmes

Le chrysanthème est la fleur par excellence de l’automne. Originaire de la Chine, il y était, s’il faut en croire les plus anciens écrivains, cultivé déjà beaucoup quelque cinq ou six siècles avant l’ère chrétienne.

Bien plus tard, les Japonais empruntèrent à la Chine cette jolie fleur, la perfectionnèrent et en obtinrent bientôt une diversité de formes et une ampleur inconnues chez leurs méthodiques, mais plus routiniers voisins de l’Empire du Milieu.

Chez nous, le chrysanthème n’a pas, au même degré, le prestige de l’antiquité. C’est, paraît-il, seulement en 1789 qu’un négociant de Marseille, ayant découvert en Extrême-Orient, au cours d’un voyage, cette fleur merveilleuse, résolut d’en embellir son jardin. Sur trois exemplaires rapportés par lui, un seul résista au voyage et s’acclimata fort bien. L’année suivante, un botaniste, l’abbé Rabatuel, transporta de Marseille à Paris la fleur nouvelle qui fut plantée dans le Jardin du Roi. En 1793, il la décrivait avec beaucoup de soin, dans le Magasin botanique, cependant que la Terreur sévissait et que les têtes tombaient, aussi nombreuses que les feuilles mortes.

Le calme revenu, le chrysanthème se propage rapidement en France et, dès 1808, l’impératrice Joséphine lui fait les honneurs de la Malmaison. Peu de temps après, il est dans toutes les propriétés.

Ce n’est pas sans étonnement que l’on en considère aujourd’hui les innombrables variétés, aussi exquises de couleurs qu’imposantes de formes et de dimensions, si l’on songe que le point de départ en fut une modeste herbe sauvage, à fleur jaune, poussant dans les champs de l’Extrême-Orient.

Fleurissant à l’arrière-saison, le chrysanthème devient roi quand toutes les autres fleurs ont disparu. Il est devenu fleur de deuil, non pas parce que ses nuances, faites de tons atténués, sont tristes, mais bien plutôt parce qu’il apparaît au moment où sonne partout le glas de la fête des Morts ...

Quel que soit, d’ailleurs, le nombre de variétés existant actuellement, le chrysanthème n’a pas dit son dernier mot. Chaque année, les semeurs en obtiennent plusieurs centaines de nouvelles parmi lesquelles quelques-unes seulement se distinguent par une particularité bien nette : coloris, tenue, dimension de fleurs, floribondité, etc., sont retenues et viennent enrichir des collections déjà fort nombreuses.

La culture du chrysanthème est assez simple, ce qui la met à la portée de nombreux amateurs. La rusticité de la plante est, d’ailleurs, très grande et permet de la cultiver à peu près dans toutes les sortes de terrains et à toutes les expositions. Cependant, la terre qui lui convient le mieux est une terre argilo-calcaire bien fumée. Généralement, on la prépare d’avance, lorsque l’on doit cultiver les plantes en pots, ce à quoi le chrysanthème se prête à merveille.

Si l’on cherche à obtenir des pieds bien fournis, il faut, dès la fin de février, placer sur couche tiède les vieux pieds des variétés que l’on veut propager, vieux pieds que l’on a maintenus sous châssis à froid pendant la période hivernale. La végétation reprend avec une grande vigueur et, dès que les nouvelles pousses ont quatre ou cinq feuilles, on doit les bouturer. Les boutures faites sous châssis ou sous cloche, sur une couche tiède, émettent des racines avec facilité. Dès qu’elles en ont quelques-unes, on les met en godets de 7 ou 8 centimètres de diamètre que l’on enterre sur la même couche tiède, où ils restent jusqu’en mai. Ils sont, dans l’intervalle, habitués progressivement à l’air.

On peut alors, soit en faire la culture en pleine terre, soit continuer à cultiver les plantes en pots et en plein air.

Dans le premier cas, on dépote les jeunes plantes et on les place en pépinière d’attente, dans un terrain meuble et assez riche, vers la mi-mai, en les espaçant de 40 à 50 centimètres en tous sens.

Quinze jours à trois semaines après plantation, on pince l’extrémité de la tige pour en provoquer la ramification. On obtient ainsi trois ou quatre branches. Un deuxième pincement, appliqué vers fin juin à chacune de ces branches, les oblige de nouveau à se ramifier. Un troisième pincement en juillet et un quatrième en août permettent d’obtenir des touffes relativement basses, présentant de très nombreuses branches qui, à l’automne, se couvrirons de fleurs.

Il est utile de terminer les pincements en août, car, si l’on pinçait plus tard, on risquerait de nuire à la floraison, ou tout au moins de la retarder. Cet inconvénient devient d’ailleurs un avantage, lorsque l’on a des abris vitrés pour y placer les plantes, car on peut ainsi avoir des fleurs en serre pendant une notable partie de l’hiver.

En cours de végétation, et lorsque le temps est sec et chaud, il est nécessaire d’arroser les chrysanthèmes. On pourra supprimer une partie de ces arrosages en recouvrant le sol, après en avoir ameubli la surface, d’un paillis de quelques centimètres de fumier demi-décomposé qui, en outre du rôle favorable qu’il jouera dans la conservation des réserves d’eau du sol, apportera également des éléments fertilisants dont l’utilité n’est pas contestable.

Un des plus grands avantages que présentent les chrysanthèmes, c’est de pouvoir être élevés dans un emplacement provisoire, sorte de pépinière, et transportés dans les plates-bandes ou dans les corbeilles du jardin d’agrément, seulement quelques jours avant leur pleine floraison. Leurs racines très nombreuses retiennent, en effet, entre elles de la terre, constituant une motte qui leur permet de ne pas souffrir de la transplantation, surtout si l’on fait suivre celle-ci d’un arrosage très copieux.

Les chrysanthèmes peuvent, non seulement garnir les corbeilles et les plates-bandes du jardin, mais encore concourir à l’ornementation des jardinières d’appartement, des balcons et des fenêtres.

Les fleurs coupées en sont aussi fort convenables pour la confection de bouquets et pour la garniture des vases.

Enfin, ce sont, par excellence, les fleurs du souvenir, celles dont, chaque année, vers la Toussaint, chacun pare les tombes de ses chers disparus et qui restent belles assez longtemps, surtout si les grands froids tardent quelque peu à venir ...

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 417