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Les succédanés européens du café

En raison de la situation actuelle, le café, si abondant dans les pays de production, au Brésil notamment, nous fait défaut. Et cependant, il était prévu qu’à partir de 1941, la production de nos colonies en café dépasserait notre consommation métropolitaine.

Ce breuvage est entré à un tel degré dans nos habitudes alimentaires qu’il a fallu, pour compenser sa rareté, avoir recours à des « succédanés » issus en grande majorité de notre sol. Dans les lignes qui suivent, nous nous proposons d’énumérer ceux d’entre eux qui, préparés de façon convenable, peuvent donner organoleptiquement un « café » de quelque saveur.

Chicorée à café ou chicorée à grosse racine. — Tribu des Chicoracées et famille des Composées. Dérive de l’espèce sauvage, Cichorium intybus. Produit une racine charnue vivace. Cultivée dans le Nord, région de Cambrai principalement, Belgique et Allemagne. La racine est découpée en tranches minces, torréfiée, puis broyée. Elle contient de l’inuline, des principes amers, du sucre, du tanin. La torréfaction développe bien l’arôme en transformant le sucre en caramel, mais conserve malheureusement intacts les principes amers. La chicorée commerciale contient 25 à 40 p. 100 de sucre.

La chicorée peut être falsifiée à l’aide de betteraves, carottes, pissenlits, blé, orge, malt, résidus de brasseries ou de distilleries, etc.

Pure, la poudre de chicorée, donne une infusion amère, éloignée des propriétés recherchées dans le café. On la mélange donc dans le Nord à ce dernier, pour le colorer principalement et par raison d’économie, dans des proportions variables. Par contre, elle rend plus agréable le café au lait.

La chicorée semoule à gros grains est de qualité supérieure à la chicorée en poudre qui en représente le rejet du blutage.

La chicorée a une valeur alimentaire plus grande que celle du café ; elle donne une infusion colorée et jouit de propriétés laxatives. Elle permet d’éviter l’intoxication caféinique qui serait plus fréquente si l’on abusait du café pur correctement préparé.

Céréales seules ou imprégnées, de bière, eau-de-vie ou rhum : blé, riz, orge, seigle, avoine, maïs, etc.

Le malt est une préparation qui désigne diverses céréales : avoine, blé, maïs, seigle et plus particulièrement l’orge, germées artificiellement. La composition du malt d’orge est la suivante :

Amidon et matières saccharifiables 50 à 52 p. 100
Matières azotées 6
Matières grasses 2,37
Cellulose 12 à 14
Cendres 2 à 2,5

Torréfié, le malt dégage une agréable odeur de café et peut être employé en infusion comme excellent succédané du café dont il évoque le goût, sans aucunement contenir de principes excitants. Il renferme, d’ailleurs, une diastase, la maltine, qui, comme le ferment de la salive, transforme l’amidon en sucre. Son absorption est recommandée après les repas, pour les personnes chez lesquelles le suc gastrique est trop acide.

Graines diverses : châtaignes, marrons, haricots, pois, fèves, sarrazin, amandes, buis, etc. Tous ces produits servent surtout pour sophistiquer le café en poudre.

Châtaignes et marrons ont une haute valeur alimentaire. Il en est de même du marron d’Inde, mais des principes amers le font écarter de l’alimentation humaine, à moins d’effectuer des lavages répétés.

La composition chimique de la châtaigne grillée est la suivante :

Eau 42,0 p. 100
Matières azotées 3,8
Matières grasses 1,6
Matières hydrocarbonées 51,0

Arachide. — C’est la cacahuète grillée vendue aux terrasses de café, qui peut servir à la confection d’une infusion caféiforme. Valeur alimentaire considérable :

Matières azotées 28,37 p. 100
Matières grasses 51,75
Hydrate de carbone 17,66

Signalons que l’arachide pourrait être avantageusement cultivée en France dans toute la zone sud de culture du maïs.

Grateron, Gaillet ou Caille-lait, Gallium aparine L. — Famille des Rubiacées. Infusion antispasmodique et calmante.

Fougère mâle, Polypodium filix mas L. — Tiges récentes comestibles. Le rhizome contient de nombreuses substances : filicine, acide filicique, huile grasse, douées de propriétés ténifuges.

7° Iris faux-acore, Iris pseudo-acorus L. — Iridée. Plante spontanée rhizomateuse, croissant sur le bord des cours d’eau.

Houx, famille, des Ilicinées, Ilex aquifolium L. — Arbrisseau sauvage poussant dans les forêts. Feuilles coriaces, ovales, aiguës et épineuses, vert luisant, persistantes. Planté serré et taillé bas, il peut former des haies vives impénétrables. Croît dans tous les terrains, mais se plaît surtout dans les sols siliceux et vient bien à l’ombre des grands arbres. Se reproduit facilement par semis, mais croît avec une extrême lenteur. Dans la médecine ancienne, on recommandait les baies en décoction comme purgatif, excitant aux vomissements : 30 à 60 grammes par litre.

Les semences du houx, torréfiées et réduites en poudre, sont employées pour faire une boisson jouissant des propriétés du café.

Le houx est surtout abondant dans l’ouest et le centre de la France et dans les forêts de cèdres de l’Algérie.

L’infusion de semences des houx torréfiés est principalement consommée en Corse.

Les feuilles fraîches sont utilisées comme sudorifique, tonique et fébrifuge. C’est une infusion qui rappelle celle du maté, plante sœur du Paraguay.

Gombo ou Ketmie comestible, Hibiscus esculentus L. — Malvacée cosmopolite cultivée pour ses fruits mucilagineux comestibles. Belle plante à jolie fleur de passerose. Originaire d’Afrique mais répandue dans toute la zone à climat tropical et tempéré chaud, voire en Afrique du Nord, Europe méditerranéenne et Midi de la France où sa culture réussit bien.

Ses fruits, commencent à être appréciés sur le marché parisien, car c’est véritablement un bon légume que nous avons personnellement toujours recherché lors de nos séjours dans les pays chauds. Ce fruit sert à faire des ragoûts visqueux et possède un goût agréable qu’il faut savoir relever par des épices. Plusieurs variétés : ordinaire à fruits longs, gombo sultan plus productif, sultan tardif très recherché.

Les graines de gombo, de la grosseur de la vesce, sont torréfiées pour la confection d’une infusion très agréable.

(À suivre.)

R. Louis JOLY,

Ingénieur d’agronomie coloniale.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 423