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Nos oiseaux de cage

Oiseaux de pays (1).

Les Accenteurs sont des oiseaux plutôt communs, en montagne du moins, et cependant assez peu connus.

On distingue : le Mouchet chanteur ou Accenteur mouchet (Tharraleus modulans B., ou Prunella modularis L.), le Mouchet montagnard (Tharraleus montanellus), l’Accenteur des Alpes (Accentor alpinus) et le Mouchet d’Harper (Prunella modularis mablotti).

Le Mouchet chanteur, appelé aussi Accenteur mouchet, Traîne-Buisson, Fauvette d’hiver, possède bien d’autres appellations encore, selon les pays qu’il habite. C’est ainsi qu’en Savoie on le nomme Pique-Rave ; en Normandie, Brunette, Paisse buissonnière, Rousselette ; en Bretagne, Rouzie ; dans d’autres régions, Gratte-Paille, Verdasse. En Angleterre, c’est le Moineau des Haies ; en Allemagne, le Rossignol d’hiver. Presque tous ces noms ont leur raison d’être. Ce charmant petit oiseau fréquente surtout, en effet, les buissons, les haies, les sous-bois de pins et les fossés des routes : tout cela surtout en pays de montagne. Cet oiseau chante l’hiver et ressemble assez à une fauvette qui aurait pris la livrée du moineau friquet. Voilà donc expliqués les termes de Traîne-Buisson, de Fauvette d’hiver, de Paisse buissonnière et de Moineau des Haies. Pique-Rave lui est donné, parce que cet oiseau vit beaucoup sur le sol et vole souvent à ras de terre, de même Gratte-Paille ; les noms de Brunette, Rousselette et Rouzie, à cause de sa couleur ; Rossignol d’hiver, parce que c’est le seul oiseau sauvage qui chante en cette saison. Le nom de Verdasse est le seul que je ne m’explique pas.

Son chant est très doux, harmonieux, un peu monotone peut-être, mais nullement criard et, à mon avis, agréable à entendre. J’en possède un actuellement pris en temps de neige, sous les sapins qui entourent ma maison. Comme tous ses congénères, il se montra tout de suite très confiant, se fit immédiatement à la captivité et chanta quarante-huit heures après sa mise en cage.

On peut considérer l’Accenteur mouchet, comme tous les Accentoridés du reste, comme oiseaux intermédiaires entre les granivores et les insectivores. En hiver, le Mouchet se contente de petites graines ; mais, dès le mois de mai, il lui faut des insectes, mouches et surtout coléoptères, œufs de fourmis et de la pâtée pour insectivores.

Le Mouchet montagnard est un oiseau asiatique. On le trouve cependant assez fréquemment en Italie. Je n’ai jamais eu connaissance qu’il ait été rencontré en France.

Le Mouchet de Harper est une sous-variété d’Accenteur mouchet que l’ornithologiste américain Harper découvrit en 1919 dans les Pyrénées-Orientales. Il est plus grand et de couleur plus claire que le Mouchet accenteur type. On a aussi constaté la présence de cet oiseau en Ariège.

Parmi les embérizidés, la nombreuse famille des Bruants nous fournit d’intéressants oiseaux de cage. Comme oiseaux français, nous citerons : le Bruant jaune (Emberiza citrinella), le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), le Bruant fou (Emberiza cia), le Bruant à tête noire ou Passérine mélanocéphale (Passerina melanocephala), le Bruant des roseaux ou Cynchrame des roseaux (Cynchramus schœnicolus), le Bruant doré (Emberiza aureola), le Bruant zizi (Emberiza cirlus), le Bruant à tête rousse (Emberiza tuteola), le Bruant cendrillard (Emberiza cœsia), le Bruant familier (Emberiza saharæ).

Citons aussi un oiseau très voisin des Bruants, le Proyer d’Europe (Miliaria europea).

Le Bruant jaune est connu de tous sous le nom populaire de Verdière (ne pas confondre avec le Verdier dont j’ai déjà parlé et qui est un oiseau très différent). Le Bruant jaune mâle est un très bel oiseau aux vives et multiples couleurs. En France, on ne le trouve que bien rarement dans les régions méridionales. Il se nourrit de graines, mais mange aussi des insectes à la belle saison. Son plumage seul est intéressant, car son chant est fort médiocre. De plus, c’est un très gros mangeur ; aussi le garde-t-on assez rarement en captivité.

Le Bruant ortolan est surtout cher aux gastronomes.

Cet oiseau au plumage insignifiant se trouve dans toute la France, et peut-être plus spécialement dans le Sud-Ouest, les vallées des Pyrénées et le Midi. L’ortolan est plus insectivore que granivore ; il peut donc être considéré comme un oiseau utile. Toutefois son utilité, au point de vue agricole, est généralement d’assez courte durée, car la chair de cet oiseau est tout particulièrement estimée. Et cela ne date pas d’hier, les Romains l’appréciaient eux-mêmes hautement. Ces oiseaux sont donc pourchassés à outrance. Généralement on cherche à les prendre vivants pour pouvoir les engraisser, car ils ont une aptitude toute spéciale à prendre un embonpoint excessif. On procède à cet engraissement de deux façons bien différentes, soit qu’on place les oiseaux dans l’obscurité, soit, au contraire, qu’on les éclaire de nuit, de façon à ce qu’ils mangent jour et nuit. Cet excès de graisse fait, en grande partie, la haute qualité de l’oiseau, et cependant j’ai constaté souventes fois que les ortolans tués à la carabine sont presque toujours très suffisamment gras ; ils ont même un fumet spécial de gibier que l’engraissement en captivité leur fait perdre. Tous les ortolans que j’ai tués au passage d’été portaient sur la face inférieure (ventre et plastron) un carré où la peau est d’une couleur nettement spéciale, ceci étant dû à la graisse qu’elle recouvre. Certes les ortolans achetés au marché offrent l’aspect de véritables boules de beurre et, par cela même, tentent l’acheteur, mais je ne les trouve pas supérieurs, comme goût, à ceux tués à la carabine, donc non artificiellement engraissés.

Comme caractère, l’ortolan ferait un assez bon oiseau de cage, car il s’habitue très ben à la captivité et se montre très doux vis-à-vis de ses camarades de cage ; mais sa livrée modeste et son chant, plus harmonieux cependant que celui du Bruant jaune, n’ont rien qui puisse tenter l’amateur d’oiseaux.

Le Bruant fou, au gris strié de noir en tête et à la poitrine, ne se voit guère non plus en captivité. C’est un oiseau de montagne qui ne descend en plaine qu’en mauvaise saison.

Le Bruant à tête noire, de son vrai nom la Passérine mélanocéphale, a le bec un peu plus allongé que les autres Bruants. Elles font du reste partie du genre Passerina ; leur livrée est, dans l’ensemble, moins bigarrée que celle des Bruants, et celle de la femelle beaucoup plus modeste que celle du mâle. Celui-ci seul a la tête noire, le dos et les ailes d’un brun rouille, la face inférieure jaune doré. La femelle a la tête grise, une bande plus sombre allant du bec à l’œil, le dessus du corps brun roux, le dessous jaune. Cet oiseau est encore appelé Bruant à capuchon et Roi des Ortolans. Son chant, quoique très simple, est assez agréable.

(À suive.)

J. DHERS.

(l) Voir numéro d’avril 1940 et suivants.

Le Chasseur Français N°601 Septembre 1941 Page 447