Encore le blé ! Il faut en produire pour subvenir à nos
besoins, il faut en produire suffisamment pour que les semaines de soudure ne
créent pas de l’angoisse ; il serait désirable qu’à l’époque des moissons
les travailleurs des champs aient leur ration élargie, car ils verraient dans
ce pain supplémentaire un soutien matériel et moral.
La question des surfaces à emblaver se pose la première. On
doit consacrer au blé tout ce qui est possible, alors que ce langage ne serait
peut-être pas de mise en conditions normales ; il est convenable
d’envisager l’ensemencement sur des terres qui ne porteront pas d’énormes
productions. Sur ces terrains de moindre qualité, on se gardera de distribuer
beaucoup d’engrais, car ce serait alimenter en pure perte les mauvaises herbes,
qui sont facilement abondantes dans les terres de ce genre. Même, on hésitera à
employer des semences de choix, le milieu ne convient pas à un tallage abondant
et les plantes qui effectueraient ces premiers stades de leur développement avec
des apparences favorables seraient arrêtées dans la suite.
C’est donc un programme restreint qu’il s’agit d’appliquer.
Soigner le mieux possible la préparation du terrain, se garer au maximum du
chiendent, que l’on ne pourrait plus atteindre ensuite, s’en remettre aux
hersages, même aux traitements chimiques, le printemps suivant, pour les
plantes adventices annuelles.
Au cours de la préparation, ne pas trop s’arrêter à un
raffinement en surface, mais se méfier de la terre creuse, surtout si le sol
renferme du calcaire, élément de soulèvement du terrain au cours de l’hiver.
Finir assez tôt, car, au milieu de qualité faible, la plante doit être solide
avant la période d’arrêt de la végétation, et le semis relativement hâtif est
nécessaire.
On pourra avoir l’intention de faire une recherche
aventureuse parmi les variétés de blés. Nous avons déjà dit de ne pas exagérer
la semence de choix, en tant que grosseur de grain ; pour la variété, il
est sage de s’en tenir aux types courants de la région ; aucun inconvénient,
au contraire, à utiliser un mélange de deux ou trois variétés dont l’évolution
se fera parallèlement, mais avec une nuance entre elles au point de vue des
exigences, de la rusticité. Semer de bonne heure, employer assez de semence
pour bien garnir, ne pas rechercher peut-être les semis en lignes, qui laissent
de la place pour les mauvaises herbes, alors que le binage ne sera pas
envisagé ; semis à la volée ou en lignes extrêmement rapprochées.
De ce programme pour les situations neuves, on s’éloigne peu
à peu, à mesure que l’on pénètre dans les secteurs meilleurs, de culture
ancienne ou de culture vraiment améliorée. Dans ce cas, c’est tout le programme
rationnel qu’il faut aborder en partant de la préparation du sol jusqu’à la semaille.
Pour résumer les données acquises, s’attacher au sol, le
nettoyer à fond, car il faut réserver au blé les ressources du terrain; c’est
surtout pour les blés suivant une plante fourragère que la rigueur
s’impose ; au contraire, après les plantes sarclées, l’effort a dû être
réalisé au cours de l’année agricole qui s’achève. Notons cependant que les
circonstances de l’année n’ont pas été favorables, et bien des plantes sarclées
laissent à désirer, sauf cependant les betteraves, dont l’entretien se termine
plus tard et se trouve d’ailleurs complété par la couverture des feuilles grâce
au feuillage.
S’il s’agit d’un fourrage, se méfier des graminées
adventives, façonner le terrain pour extirper un peu ces graminées salissantes.
Si toutes les façons exécutées se traduisent par un soulèvement intempestif du
sol, ne pas manquer de provoquer un rapprochement des particules par le passage
d’un rouleau, plus favorablement d’un cresskil ; le pulvérisateur joue un
rôle précieux dans la circonstance et l’on ne doit pas hésiter à renouveler
l’opération. Un inconvénient à retenir : la surface du sol se trouve trop
meuble, le piétin s’y installe facilement ; la terre se ferme pendant
l’hiver. Un travail supplémentaire intéressant serait représenté par un très
léger labour reconstituant un peu de petites mottes.
On veillera au chapitre des engrais, chapitre bien ardu,
puisque les quantités allouées sont restreintes et que leur équilibre est mal
assuré. Il est nécessaire d’apporter en automne une base phosphatée et
potassique. La première forme se présente mal, pas ou peu de superphosphate,
l’engrais par excellence pour le blé à l’automne ; pas beaucoup de scories
non plus. On va disposer de phosphates minéraux naturels, engrais dans lesquels
l’acide phosphorique est d’une activité souvent inexistante. Que faire ?
Sauf en terres calcaires ou plus ou moins apparentées, où cette forme d’engrais
phosphatée est inopérante, tenter tout de même un apport ; on saura
d’avance que l’effet sera presque nul, mais on augmentera la réserve phosphorée ;
pour peu que l’engrais soit extrêmement fin, que le sol ait une réaction à
tendance acide, on ira vers l’équilibre dans l’absorption, cela n’aura qu’un
temps ; tout de même essayer.
La potasse sera sans doute moins rare, en user le plus
rationnellement possible. À défaut, et pour combattre une carence éventuelle en
soufre, par suite du non-emploi des superphosphates qui apportent du sulfate de
chaux, essayer de mettre un peu de plâtre dans la fumure, bien que l’effet soit
moins net qu’avec les légumineuses et même les betteraves.
De l’azote, on devrait en recevoir suffisamment pour les cas
où cet élément est utile, terres fatiguées, engrais organiques insuffisants. Ne
pas craindre de jouer de cet engrais, les terres ne sont pas en ordre, on peut
prendre un peu d’avance sur le printemps en soignant le départ grâce à l’azote.
La terre est prête, il faut des semences, leur prix est
élevé, la circulation est ralentie, la sacherie fait défaut. Régler ce dernier
point en ne laissant pas indéfiniment le producteur, qui n’est pas plus heureux
de ce côté, lui fournir des sacs et employer si possible des variétés
appropriées, bonnes variétés, bonnes semences, mettre le maximum de chances de
son côté ; car il faut produire.
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole.
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