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La mode de Paris

Vivant une époque particulièrement compliquée à cause des restrictions, et aussi des difficultés que nous rencontrons lorsque nous voulons nous procurer les matériaux permis, il nous faut, avant tout, nous adapter aux circonstances, sans pour cela renoncer à notre vieille réputation d’élégance.

Les couturiers parisiens l’ont, dès le premier jour de la reprise des affaires, excellemment compris et nous ont offert des modèles à la fois pratiques, confortables et d’un chic bien français. Leurs collections d’automne 1941 continuent la bonne tradition.

À gauche :

Marcelle THIZEAU : Ensemble robe et manteau en lainage tottaz beige, garni de bandes de tricot du ton. Capuchon terminé par deux pans servant de col au manteau, ceinture de cuir brun.

À droite :

Martial O. ARMAND : Robe simulant devant seulement un effet de deux pièces, plastron et poches à soufflets garnis de nervures, en lainage marine ceinturé de cuir rouge à motif acier.

LEGROU Sœurs : Un feutre d’automne à la fois moderne et seyant, car, très petit, il repose sur un serre-tête emboîtant bien la nuque, il est marron, garni d’un couteau naturel d’outarde.

Nous ne trouverons peut-être pas toujours le tissu que nous rêvions pour exécuter le modèle choisi ni la nuance exacte, mais, avec un petit effort d’imagination, et en nous donnant un peu de mal, nous trouverons certainement quelque chose de très bien. Déjà les tissus et les matières de remplacement ont fait leurs preuves, nous avons pu le constater dans les diverses expositions qui nous ont été ouvertes jusqu’à ce jour.

Pour la demi-saison, nous porterons sur un tailleur classique l’ample manteau genre sport, largement épaulé droit, ou en forme, trois quarts, sept huitièmes ou longs, cette dernière façon est la plus nouvelle, quoique de grands tailleurs comme Greed ou O’Rosen restent encore fidèles aux deux autres ; le manteau long a également l’avantage de pouvoir se porter sur tout, alors que le manteau écourté peut être très laid sur la base d’une jupe mal assortie. La grande cape bien ajustée aux épaules, en forme légère, est également très élégante, mais n’est seyante qu’aux femmes grandes ou très minces, ayant une belle allure.

Capes ou manteaux peuvent être strictement assortis aux tailleurs ou bien nettement opposés de ton, le lainage fantaisie à carreaux ou à rayures peut également taire opposition avec le lainage uni. Je vous conseillerai de les choisir d’une coupe très confortable, ample, fermant jusqu’au cou sous un col ou une écharpe, voire même complété d’un capuchon mobile ou non, si commode par grand vent et par pluie ; selon la nuance de l’ensemble, vous doublerez d’une teinte vive ce capuchon : vert cru, rouge-flamme ou bleu-roy. Vous pouvez prévoir pour les premiers froids une toque, un col et un manchon de fourrure : astrakan, agneau des Indes, loutre ou mouton doré, qui réchaufferont agréablement cet ensemble.

Le manteau peut également recouvrir à la place du tailleur un bon deux-pièces ou une petite robe de lainage dans l’esprit de celle qui est croquée ici ; elle est signée de Marcelle Thizeau et incrustée de bandes de tricot faites dans les fils mêmes du tissu, défait puis retricoté. C’est une idée ravissante que ce bon couturier emploie avec succès depuis plusieurs saisons et qui peut, je crois, inspirer bien des femmes habiles.

La véritable élégance ne consiste pas en nombreuses et voyantes toilettes ; ce sont les détails soignés et étudiés qui font d’une femme, même très simple, une femme d’un vrai bon chic ; aussi, porterez-vous avec ce premier ensemble d’automne un feutre, un sac, des souliers, des gants bien assortis, ou tout au moins ayant ensemble une cohésion, une harmonie de tons voulus.

Le cuir est pratiquement introuvable et vous savez toutes, Mesdames, que, depuis des mois, nos bottiers, à l’instar de nos grands fabricants de tissus, ont cherché et trouvé des matières de remplacement ; les épaisses semelles de bois, souvent redoublées d’un patin de liège, sont très isolantes, très chaudes ; articulées ou non, elles sont munies de crampons de cuir qui empêchent la glissade ; les claques de paille, de fibres, solidement entoilées, souvent maintenues par ce qu’il est permis de cuir (0m,33 par paire de chaussures) sont également douillettes puisqu’il a fallu, pour que ces souliers soient supportables par la chaleur, que nos bottiers les exécutent très largement ajourés. Les semelles se peignent et se vernissent, les pailles et les cuirs se teignent, vous seriez donc inexcusables si vos souliers n’étaient pas du ton de votre chapeau. Des sacs sont prévus également en tissu de paille ou en feutre, consolidés par un peu de cuir aux endroits fragiles.

Si vos moyens ne vous permettent pas d’avoir plusieurs jeux de ces jolis détails, choisissez-les d’une nuance allant avec tout, les tons rouge, grenat, cuir, vert, chartreuse ou empire, tous les jaunes sont heureux avec le noir, le marron, le bleu avec tous les dérivés du gris ou du beige.

La blouse-chemisier sous le tailleur, l’écharpe au cou du deux-pièces seront également en soierie ou en lainage, en uni ou en fantaisie, en tricot de laine ou de soie, harmonisés avec les détails.

Si, en vous parlant chapeaux, je prononce essentiellement dans cet article le mot feutre, c’est que le feutre genre sport ou trotteur est le seul chapeau qui aille avec ce genre de toilette, feutre ras ou taupe, feutre antilope ou chiné, il sera souple ou très net, genre chapeau d’homme, il pourra alors être enveloppé de voilette, mais sobrement garni de ruban de cuir, de couteau, d’épingles ou de motifs de métal.

Les bérets si seyants à presque tous les visages, allurés, mais stricts, et toujours en feutre, seront également de mise, à l’exclusion de ceux en velours dont nous reparlerons, mais qui seraient alors beaucoup trop habillés.

G. P. DE ROUVILLE.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 497