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Chronique ménagère

Faisons des conserves.

L’hiver sera rude ; la nature vous offre encore à profusion en automne des provisions dont certaines faciles à se procurer et qui manqueront cet hiver, conservons-les pour les mauvais jours ...

Haricots verts.

— Les haricots semés en juillet donnent encore dans les régions où les froids précoces ne se font pas sentir d’abondantes récoltes de filets plus ou moins fins. Plusieurs procédés peuvent être employés pour en conserver en parfait état jusqu’à la prochaine saison.

Voici celui qui m’a paru le plus simple et m’a donné les meilleurs résultats : Prenez des haricots fins ou des haricots Saint-Fiacre, gros et charnus, mais sans fil et tendres, épluchez-les, coupez-les en deux ou trois tronçons s’il s’agit de Saint-Fiacre. Jetez-les dans une casserole ou une bassine d’eau bouillante légèrement salée, comme si vous vouliez les faire cuire pour les manger. Laissez reprendre l’ébullition et la maintenir deux à cinq minutes selon la grosseur des haricots. Les égoutter, les tasser dans un pot en grès, ou un bocal en verre ou en porcelaine.

Pendant toutes ces manipulations, vous aurez d’autre part préparé de l’eau bouillante, salée à saturation (vous mettez autant de gros sel qu’il est nécessaire pour que, l’ébullition terminée, il reste encore du sel non dissous dans votre bassine ou votre casserole). Cette eau salée bouillie et refroidie est versée sur les haricots tassés dans le bocal ou le pot de grès, de façon que tous les haricots soient bien recouverts. Quelques haricots surnagent : empêchez-les de remonter à la surface en mettant un croisillon de deux morceaux de bois bien propres et écorcés. Dès ce moment, couvrez de gros sel, de façon que vous ne voyiez plus les haricots. Mettez à la cave et surveillez de temps en temps : quand vous ne verrez plus de sel en grains, ajoutez-en une poignée.

Au bout de quelques jours, il monte à la surface une sorte d’écume : c’est normal. Veillez simplement qu’il y ait toujours du sel en excès non dissous. Au bout d’un ou deux mois d’ailleurs, vos haricots eux-mêmes sont saturés de sel, ils n’en prennent plus à l’eau qui reste elle-même saturée, ce qui se traduit par la formation d’une croûte de sel à la surface de l’eau dans laquelle baignent vos haricots. Dès ce moment, il n’est plus besoin de les surveiller ni d’ajouter de sel : leur conservation est assurée.

Au moment de vous en servir, sortez du bocal les haricots dont vous avez besoin, mettez-les à dessaler dans une grande quantité d’eau, changez l’eau de temps en temps (il est bon de mettre à dessaler le matin si on doit les manger le soir, le soir si on doit les manger le lendemain à midi). Préparez-les alors comme des haricots que vous viendriez de cueillir : ils sont aussi bons que des haricots nouveaux. Chaque fois que vous enlevez des haricots de votre réserve, ayez soin de ne pas laisser surnager ceux qui restent, veillez que des grains de gros sel s’y trouvent toujours.

Vous pouvez conserver exactement de la même manière des champignons que l’on trouve en abondance en octobre et novembre, en particulier les cèpes encore jeunes et fermes, conservés ainsi, sont excellents, absolument identiques à des cèpes frais ; mais on peut aussi conserver de la même manière chanterelles, oreillettes, etc.

Les tomates entières que l’on peut ensuite manger farcies au cours de l’hiver : mais ne pas les faire blanchir à l’avance, les mettre crues dans l’eau saturée de sel, maintenir la saturation pendant les premiers temps en ajoutant de temps en temps une poignée de gros sel, jusqu’à formation d’une croûte solide de sel à la surface. Il est bon de piquer les tomates avec une aiguille tout autour du pédoncule, afin qu’elles n’éclatent pas.

Purée de tomates.

— Dans une bassine ou une grande casserole, coupez vos tomates bien mûres en morceaux, porter à l’ébullition que vous maintiendrez jusqu’à ce que les morceaux « fondent » et que le liquide épaississe. Passer au moulin à légumes ou au tamis. Faites rebouillir jusqu’à épaississement convenable. Mélanger au dernier moment 1 gramme d’acide salicylique (toutes pharmacies) par kilogramme de tomates traitées. Mettre dans des bouteilles préalablement lavées à l’eau bouillante salée, recouvrir d’un centimètre d’huile au goulot ; boucher. Cette conserve attendra les chaleurs de mai ou juin.

On peu; aussi, à volonté, assaisonner la purée au moment de la cuisson des tomates : oignons, ail, bouquet garni, sel, poivre, comme au moment où on prépare une sauce tomate avec des tomates fraîches.

Raisiné.

— Si vous possédez des vignes, réservez une bonne quantité de raisins à la confection de votre raisiné ; si vous êtes dans un pays de vignes, allez grappiller après les vendanges ; ailleurs, achetez du raisin ... mais le raisiné fait dans ces conditions revient cher ...

Choisissez du raisin coloré, sucré et d’ailleurs bon marché : le carignan par exemple. Passez la grappe entière à la presse (la presse à fruits de ménage qui fut autrefois « la bonne affaire du mois » du Chasseur français est parfaite pour cela), si votre presse est de bonne qualité ; sinon, égrenez les grappes et ne pressez que les grains. Le jus recueilli est mis à bouillir dans une bassine, ou un chaudron, l’ébullition est maintenue à petit feu jusqu’à ce que le liquide primitif ait été réduit environ aux trois quarts (12 kilogrammes de jus vous donneront 3 kilogrammes de raisiné), il faut bien huit à dix heures d’ébullition pour arriver à ce résultat. Vous avez alors une pâte épaisse que vous mettez en pots, que vous recouvrez de cellophane, ou à défaut de papier trempé dans de l’alcool comme pour les confitures.

C’est là du raisiné pur. Vous pouvez obtenir une variété infinie de « raisiné » en ajoutant d’autres fruits, voire des morceaux de légumes (carottes, céleri, panais, courge, etc.) au milieu de la cuisson. Voici la formule d’un raisiné aux figues particulièrement facile à faire dans le Midi.

Quand le jus de raisin est réduit à moitié, ajoutez des figues vertes à volonté ; laissez reprendre l’ébullition et maintenez-la à petit feu jusqu’à ce que le mélange forme une pâte assez épaisse (deux ou trois heures d’ébullition suffisent en général, car la figue est très sucrée, plus sucrée encore que le raisin).

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 498