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Un peu de science

De l’empreinte digitale au « portrait parlé ».

Jusqu’à ces dernières années, pour l’identification des individus suspects, l’anthropométrie et la dactyloscopie étaient les seuls procédés en honneur ; malheureusement, de même que l’intelligence humaine s’affine un peu plus chaque jour, la ruse et la perversité suivent une marche parallèle, de telle sorte que ces deux procédés sont apparus insuffisants ; tout au plus la dactyloscopie présente-t-elle quelque avantage, puisque les empreintes digitales peuvent souvent être recueillies après coup. Reste encore, il est vrai, un procédé qui semblerait à première vue avoir un intérêt profond : la photographie. En réalité, le malfaiteur sait habilement se grimer, tout en restant dans une note réelle pour qu’il y ait un désaccord profond entre la photo et l’original.

Manifestement, tous ces procédés laissent beaucoup à désirer, et aujourd’hui on a recours à des méthodes reposant sur des bases plus scientifiques. Nous ne saurions passer sous silence complet l’anthropométrie, surtout l’anthropométrie des longueurs osseuses, aux rapports constants entre elles ; on opère alors avec un compas céphalomètre pour les mesures de la tête, avec un pied à coulisse pour les bras et les doigts, avec une toise pour la taille et la largeur du buste et l’envergure. La fiche anthropométrique alors dressée, il faut ensuite la classer, et ce n’est pas la moins délicate opération. Mais ce n’est là qu’une méthode applicable à l’adulte et non à l’individu en pleine croissance.

Plus utile est la dactyloscopie ou examen du relief formé par les crêtes papillaires des extrémités digitales que rien ne peut altérer, ni l’âge, ni les occupations manuelles, ni les brûlures ; du premier jour de la vie jusqu’au dernier, elles restent absolument identiques à elles-mêmes. Ce sont donc là des indices précieux, surtout si on les recueille minutieusement, suivant une technique délicate d’ailleurs, un peu comparable à celle du développement photographique, qui se fait, dans ce cas, à l’aide de poudres colorées et dont l’application demande beaucoup de minutie. En possession de ou des empreintes, il faut alors « l’interpréter », et là encore ce n’est pas l’opinion personnelle qui joue, mais des « tables » nettement définies ; il faudra procéder à l’examen de l’enchevêtrement des lignes, de leurs contours, dédoublements, etc. Et soulignons, pour terminer ce sujet, que jamais deux jumeaux monovitellins ne présentent le même aspect d’empreintes digitales.

Le portrait parlé a conquis une place prépondérante, car il donne, par là même, un signalement absolument complet, qui ne souffre aucune ambiguïté. Toutes les différentes parties du visage y sont soigneusement examinées et confrontées avec des types conventionnels, traduisant tous les degrés, du très grand au très petit, toutes les formes, toutes les couleurs et grains de la peau.

Suivons l’ordre admis par le Service de l’identité judiciaire :

D’abord le front : La grandeur des arcades sourcilières, l’inclinaison du front, sa largeur, sa hauteur, ses défectuosités, bosses, etc., ainsi que le « fuyant » du front arrondi, sont soigneusement relevés.

Nez : Cet appendice si divers et multiple qui donne à lui seul des expressions variées au visage, est minutieusement étudié : la forme et la hauteur de la racine, la forme de son dos, droite, busquée, sinueuse, aquilin ; la direction de la base, droite, horizontale, relevée, abaissée ; les ailes, la pointe enfin avec toutes les particularités sont puisées suivant tables et tableaux.

Et ainsi tous les différents points du visage sont décrits et confrontés avec des types définis, pour les oreilles, le lobe, la bordure, le pli, la conque, l’aspect général ; pour la bouche, la dimension d’une commissure labiale à l’autre, la forme et l’expression (pincée, bée, dédaigneuse, amère, lippue) : le menton sera dit bombé, plat, à fossettes, bilobé, etc. ...

Tous les détails de chaque partie du visage épuisés, on note alors les détails du « cadre » : contour du profil, hauteur du crâne avec difformités, contour de la face ; rides, bajoues, expression, couleur et grain de la peau : mate ou plus ou moins luisante, graisseuse. Et pour continuer toujours du particulier au général, on procède à l’examen de l’individu en pied :

Caractérisé par sa corpulence : grosseur et longueur du cou, toujours avec ses particularités, rarement peu flatteuses : bourrelet occipital, double menton ...

Par sa carrure : largeur et forme des épaules.

Par l’attitude : port de la tête et des mains.

Par la démarche : qui sera aussi variée et infinie que les individus examinés.

Par le regard (quel beau champ d’observations psychologiques !).

Par la voix : qui a une grosse importance, car c’est là un caractère constant peu sujet aux mimiques, sans être facilement découvert.

Un mot enfin des « notations chromatiques », c’est-à-dite de tout ce qui, chez l’homme, a trait à la couleur : couleur des cheveux, de l’iris gauche, pour lequel on distingue sept classes du bleu au marron foncé avec tous les détails de la zone environnante : cercle truite, pupille ronde, nystagmus, taches ou tares. Le cheveu lui-même sera classé dans une des cinq catégories : blond, châtain, noir, roux, blanc, qui comportent chacune plusieurs subdivisions ; de même la moustache, à l’exclusion de la barbe.

Le teint mérite aussi qu’on y porte attention : jaune, brun, noir, clair ou foncé ; enfin sa « pigmentation sanguine » ; par ces caractères, on tranche la question race et de ses détails : mutilations ou plus fréquemment tatouages.

Ainsi alliant le portrait parlé soit à la dactyloscopie, soit à quelques éléments d’anthropométrie, toutes les polices internationales ont créé plusieurs « systèmes » transmissibles d’un pays à un autre par codes spéciaux et tenus secrets naturellement, qui rendent aux policiers la tâche moins ardue.

P. LAGUZET.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 507