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Photographie

Les bons révélateurs d’autrefois.

Au rebours de ce que nous voyons aujourd’hui, où toutes les préoccupations semblent tendre vers la simplification des procédés photographiques — sous le signe de l’automatisme — il fut un temps où il existait autant de méthodes de développement que d’expérimentateurs, chacun d’entre eux détenant, par grâce d’état ou par révélation surnaturelle, une formule secrète dont l’influence magique lui permettait, au prix de dosages compliqués, où l’intuition devait avoir une plus grande place que le raisonnement, de tirer le meilleur parti de couches sensibles plus ou moins correctement exposées.

L’excès en tout est un défaut. S’il est peu sage de compliquer à plaisir une opération plus délicate que réellement difficultueuse, il n’est pas mieux de répudier sans recours les méthodes d’exception qui, dans des cas déterminés, se montrent capables de combattre plus efficacement une erreur originelle, ou simplement de dissiper une appréhension trop fondée. Parmi ces méthodes qui s’inscrivent en marge des procédés usuels, et qui sont intéressantes tout au moins par l’ingéniosité qui les a inspirées, il en est deux qui, bien que périmées, n’ont pas cessé de présenter une certaine supériorité ; nous voulons parler du développement « en profondeur » et de la méthode dite de Watkins, ou développement semi-automatique, en mentionnant au passage la possibilité de substitution de réducteurs pouvant influencer dans un sens favorable la gradation de l’opposition dans le négatif.

Méthode de Watkins

— C’est en 1894 que Watkins fit connaître sa méthode semi-automatique de développement, basée sur une durée optimum de séjour de l’émulsion dans le révélateur, durée proportionnelle au temps nécessaire pour l’apparition des premiers contours du sujet dans le bain. Suivant une assimilation assez curieuse d’un de ses partisans, la méthode s’appuie sur ce fait que le développement s’effectue dans une suite de temps successifs que l’on peut comparer aux étapes d’un voyage : si l’on relève le temps nécessaire pour accomplir la première partie du voyage, on peut aisément en inférer le temps qu’il faudra pour l’accomplir tout entier. La méthode des « coefficients » pour la désigner ainsi a passé longtemps pour corriger automatiquement les modifications d’activité qui se produisent dans le révélateur au cours du développement, par suite de son enrichissement en bromure ou des variations possibles de la température du bain. Mais, alors même que cette réputation serait surfaite, la méthode demeurerait intéressante pour l’amateur débutant, parce qu’elle peut suppléer à son inexpérience du moment où il convient de mettre fin au développement, et, à ce titre seul, elle mérite d’être rappelée.

Dans la pratique, on note le temps qui s’écoule depuis le moment où l’émulsion (sèche) est immergée dans le bain, jusqu’à l’apparition des premiers linéaments de l’image négative, à l’exception toutefois des ciels, qui devancent la venue des objets terrestres, en raison de leur extrême actinisme, et on multiplie le temps ainsi relevé par le « coefficient » dont est affecté le réducteur mis en service. Le produit représente la durée totale de l’opération à partir de la mise au bain.

Les coefficients moyens sont, pour les principaux réducteurs usuels, supposés en concentration normale (car ils varient sous l’effet d’une modification de la concentration) :

Hydroquinone seul5 
Génol-hydroquinone12 
Génol (ou métol) seul30 
Pyrogallol10 
Diamidophénol18 
Iconyl (ou glycin)12 à 14 

Il est possible de faire varier légèrement les coefficients ci-dessus quand on désire apporter une modification déterminée à la valeur moyenne de l’effet d’opposition ; on les diminue pour chercher la douceur, l’harmonie ; en les forçant, on pousse à la vigueur.

Lorsque l’on associe deux ou plusieurs réducteurs, le coefficient propre de la combinaison se calcule en multipliant le nombre de parties en poids de chaque substance par le coefficient correspondant et en divisant la somme des produits par la somme des parties. Ainsi, pour un révélateur renfermant deux parties de génol, pour cinq parties d’hydroquinone, on obtient :

Le coefficient deviendrait 14, si 3 grammes de génol étaient associés à 5 grammes d’hydroquinone, etc.

Il convient d’ajouter que les commodités de la méthode se vérifient dans le développement des papiers au bromure et succédanés. Par exemple, le révélateur au génol-hydroquinone pour papiers s’obtiendrait en diluant de un à deux volumes d’eau un bain de réserve préparé comme suit :

Eau pour faire 800 cent. cubes.  
Génol ou métol2grammes.
Sulfite de soude anhydre9
Hydroquinone75
Carbonate de potasse pur60
Bromure de potassium2

Le point faible de la méthode de Watkins, c’est qu’elle ne peut donner son plein effet utile qu’avec un temps de pose normal. En effet, il ne peut pas être question de développer « à temps » une émulsion qui a subi une surexposition considérable ou qui a été fortement sous-exposée ; en pareil cas, la règle ne joue pas, et le seul moyen de salut se trouve dans un développement conduit et surveillé méthodiquement.

Développement en profondeur.

— Dans une communication à la Société Française de Photographie, M. Balagny a exposé les raisons qui, à son avis, militaient en faveur d’un mode de développement présentant cette curieuse particularité de former l’image négative à partir du support de l’émulsion (verre ou pellicule) et non plus de la surface libre de la couche sensible, ainsi que cela se passe habituellement. Les avantages invoqués en faveur de ce mode de formation de l’image négative résident principalement dans l’atténuation des effets trop violents d’opposition que l’on constate souvent dans les contre-jours ou dans les vues ensoleillées, ce résultat étant obtenu par une simple modification dans le dosage du révélateur au diamidophénol. Le mode opératoire consisterait à préparer une solution préservatrice très chargée en bisulfite de soude, soit :

Eau100cent. cubes.
Bisulfite de soude liquide100

Dans cette solution, faire dissoudre :

Sulfite de soude anhydre10cent. cubes.

Au moment de l’emploi, versez dans un verre :

Eau pure100cent. cubes.
Solution bisulfitique7 à 8cent. cubes.

et enfin, faire dissoudre rapidement :

Diamidophénol1,5gramme.

Versez sur l’émulsion à développer et suivre par transparence la marche de l’opération pour l’arrêter au moment opportun, sans s’inquiéter de la lenteur qu’elle peut manifester. Le développement est généralement terminé quand les parties les plus impressionnées commencent à devenir visibles par réflexion à la surface de l’émulsion. Après complet achèvement, on constate que la couche sèche offre l’apparence d’une plaque vernie ; une image positive s’y montre généralement par réflexion. C’est exactement le contraire de ce qui se produit dans le développement usuel, ou l’apparition des grands noirs de l’image négative du côté du verre ou de la pellicule indique que le développement normal est achevé.

Nous signalerons en passant, mais sans y insister, la possibilité de répartir dans l’épaisseur totale de la couche sensible les grains d’argent réduit formant l’image, ou bien de les localiser dans l’une ou l’autre des régions externes de l’émulsion par un dosage en proportions convenables du diamidophénol et de l’acide sulfureux renfermé dans la solution de sulfite bisulfite, et libéré au cours de l’opération.

Malgré l’indiscutable intérêt que présente son emploi, le développement en profondeur n’existe plus qu’à titre de souvenir dans la mémoire des photographes qui étaient « à la page » il y a quarante ans. On peut le regretter, car, en raison de l’extension de l’instantané à tous les genres d’opérations, le pourcentage des sous-expositions est devenu de plus en plus considérable, et plus nombreuses les occasions de recourir aux procédés assurant un équilibre suffisant des valeurs dans le cliché.

Jacques BERYL.

Le Chasseur Français N°602 Octobre 1941 Page 508