Au nord de la Norvège, de la Suède et de la Finlande se
trouve la dernière des zones de végétation, qui est celle de la toundra ou
plaine glacée du Nord. Étant couverte de neige et de glace une très grande
partie de l’année, elle ne possède forcément qu’une végétation naine. Jusqu’au
70e degré de latitude septentrionale, on rencontre encore quelques
maigres arbrisseaux, des bouleaux et des saules nains et rabougris, quelques
plantes telles que les anémones, fougères, hellébores, iris, perce-neige,
renoncules, saxifrages, scilles, etc. ...
Il faut ajouter aussi que fort heureusement, sur l’Océan Glacial
arctique, l’action bienfaisante du Gulf-Stream vient réchauffer les mers et les
côtes du Nord-Ouest. C’est pourquoi il ne gèle que pendant cinq mois chaque année,
tandis qu’à côté, dans la mer Blanche, il gèle pendant huit mois. La
température est très rude dans cette région désolée ; il n’est pas rare de
constater, pendant l’hiver, des froids de 30, 40, 50 et jusqu’à 60° au-dessous
de zéro. Un peu plus loin, c’est la région des mousses et des lichens avant
d’arriver à la banquise.
Heureusement, il y a la faune arctique assez nombreuse et
qui peut nourrir l’être humain dans ces solitudes, principalement avec la
viande coriace du phoque dont l’huile lui servira pour se chauffer et
s’éclairer ; avec la peau, il se fera des canots et avec les intestins,
après préparation spéciale, il se taillera des vêtements. Ensuite, il y a
encore les animaux à fourrure épaisse, ours blanc, chien de mer, renne, renard,
martre, hermine, etc. ; de nombreuses tribus d’oiseaux à duvet, tels que
l’eider, le pingouin, etc. ; Des mammifères marins, baleine, phoque,
morse.
Chose curieuse, on y rencontre aussi le bœuf musqué, qui au
printemps remonte parfois jusqu’au 80e degré da latitude.
Les tribus du Nord de l’Europe, Esquimaux et Lapons, vivent
de la chasse et de la pêche et d’un peu d’élevage du renne, qui, pour le Lapon
notamment, se trouve être la bête de trait et de laitage et finalement animal
de boucherie.
Au sud de la toundra, qui s’arrête elle-même au cercle
polaire arctique, jusqu’au 60e degré de latitude, se trouve la zone
des forêts, qui couvre toute la partie septentrionale. La population est très
clairsemée dans la région forestière et dans la toundra. Le climat du versant
finlandais et suédois est continental, donc sec et assez rude ; celui du
versant norvégien est maritime, c’est-à-dire humide et assez doux, à cause de
la proximité du Gulf-Stream.
C’est dans cette région que se trouvent Narvick, port
norvégien, servant au transport du minerai de fer provenant de la Suède;
Hammerfest, ville norvégienne la plus septentrionale de l’Europe, et enfin
Petsamo, port finlandais.
Voici un aperçu sur la production forestière et la flore de
la toundra.
Le bouleau (Betula), de la famille des Bétulinées. Le
bouleau est, parmi les arbres forestiers, celui qui craint le moins les grands
froids. On le trouve sur les plus hautes montagnes et jusque sur le sol glacé
du Groenland. Les gens du Groenland s’en servent pour bon nombre d’usages domestiques,
et il est très précieux dans ce pays, car de sa sève on retire une espèce de
sucre qui ressemble un peu à celui de l’érable. À citer parmi les différentes
espèces : le bouleau blanc (Betula alba), recherché pour la
menuiserie, il réussit bien dans les sols légers et sablonneux ; le
bouleau nain (Betula nana), petit arbrisseau d’un mètre à peine, mais
très commun en Laponie ; le bouleau à canots (Betula negra), dont
l’écorce sert à faire des pirogues.
Le saule (Salix), de la famille des Salicinées. Le
saule (arbre ou arbrisseau) est à feuilles caduques, ayant pour fruit une
capsule. Le saule vit dans les lieux humides et frais, ainsi que dans les
endroits fréquemment inondés. Néanmoins, certaines espèces, comme par exemple
le saule marceau (Salix capræa) se trouvent plutôt dans les sols arides
ou pierreux. Le saule blanc (Salix alba) sert à faire des cercles de
tonneaux et son écorce s’emploie pour le tannage. Les saules osiers servent
surtout pour la vannerie (claies et paniers). Quant au saule pleureur, on sait
quel rôle il joue avec les cyprès.
Mais dans la toundra tous ces différents arbres sont
rabougris.
La fougère, jolie plante vivace, ayant une tige
souterraine horizontale, possédant des feuilles roulées en forme de crosse dès
le début. Si les espèces françaises ne sont pas très grandes, celles vivant
dans les parages du Cercle polaire sont encore plus petites. Il faut ajouter
aussi, en faveur des fougères, que la plupart servent dans la thérapeutique.
Les spores ou graines de fougères sont enfermées dans de petites loges placées
à la face inférieure des feuilles et nommées sores. Parmi plusieurs espèces
résidant au cercle polaire, il faut citer la fougère Polydium vulgare et
le Capillaire du Canada.
Le lichen, végétal qui vit sur le sol nu, sur l’écorce
des arbres, sur les rochers, où il trouve un air humide. Il ne prend pas
nourriture au détriment des choses auxquelles il s’attache. On ne le tolère pas
dans nos pays, à cause des effets disgracieux qu’il produit.
Dans la famille des lichens se trouvent des espèces
alimentaires, médicinales et tinctoriales. Les Islandais en font un emploi
culinaire avec le lichen d’Islande (Lichen islandicus) et le mangent
cuit à l’eau ou dans le pain avec un mélange de farine d’orge et de seigle. Le
lichen est employé aussi en médecine sous forme de gelée dans les maladies de
langueur et d’épuisement. Le lichen des rennes (Lichen rangiferinus) se
trouve partout dans les immenses plaines du nord de l’Europe et, résistant aux
plus grands froids, il sert à la nourriture des rennes. Les Lapons et les
Norvégiens en mangent également. Le lichen d’Islande produit une teinture jaune
et le lichen rangiferinus une teinture violette. Malheureusement, ces
teintures, qui font un certain effet, ne sont pas très solides.
Les mousses. — Très peu de plantes possèdent une
aussi forte vitalité que les mousses pour se reproduire avec autant de rapidité
ou s’étendre au loin. Les vieux rameaux enrichissent le sol d’un humus
fertilisant, provenant de la décomposition des feuilles et d’une partie de la
plante. Après les chaleurs de l’été, ces plantes semblent dépérir, au point de
paraître entièrement desséchées; la moindre pluie les ranimera aussitôt, c’est
pourquoi l’on dit facilement qu’il n’y a point de plantes plus indestructibles.
À citer parmi ces curieuses plantes : les Brium, les Manîum,
à tiges basses, les Hoypnum et les Sphagnum, cette dernière
espèce de mousse affecte surtout les marécages.
L’anémone simple (Anémone fulgens), de la famille des
Renonculacées, plante très rustique, d’une espèce vigoureuse et florifère, à
fleurs de coloris très variés. Cette petite plante, qui atteint facilement 0m,30
à 0m,40, peut rester en place plusieurs années. Les anémones ont
fourni à l’horticulture un grand nombre de belles variétés ; elles possèdent
des propriétés vireuses semblables à celles des renoncules.
L’hellébore noire ou Rose de Noël (Hellebore niger),
de la famille des Renonculacées, jolie petite plante très rustique, fleurissant
dehors, sans aucun abri, en plein hiver, appelée bien souvent rose de Noël
parce qu’elle fleurit dès la fin de décembre. La racine est de teinte noirâtre
et la fleur blanche.
L’iris pumila Rupert (iris nain), de la famille des Iridacées,
plante basse ne dépassant pas 0m,15 à 0m, 20 de hauteur,
à fleurs variées. Blanc jaunâtre légèrement teinté de violet. Les iris
résistent aux plus grands froids.
Le perce-neige (Galanthus nivalis), de la famille des
Amaryllidacées, cette petite plante très gracieuse, qu’il ne faut pas confondre
avec l’hellébore ou Rose de Noël, possède des fleurs simples en clochettes d’un
blanc verdâtre. La hauteur de cette plante est de 0m,15 environ.
La renoncule (Ranunculus), de la famille des
Renonculacées, plante très rustique, aux coloris bien variés ; fleurs très
abondantes. Les tiges, hautes de 0m, 20 à 0m, 30, portent
une fleur unique ; mais ces plantes produisent de dix à quinze fleurs qui
se montrent successivement. Les renoncules se propagent par des racines
charnues dites « griffes », longues d’environ 2 centimètres. Les
renoncules rampantes, bulbeuses, champêtres, acres et scélérates (Ranvnculus
repens, Bulbosus, Arvensis, Acris et Sceleratus) sont cinq espèces vivant à
l’état sauvage, dont le suc possède les propriétés vireuses les plus
énergiques.
Le saxifrage (Sexifrage), de la famille des
Saxifragées, hypnoïde ou saxifrage, mousse très gazonnante, fleurettes blanches
à nervures verdâtres. D’une hauteur de 0m,05 à 0m,10,
cette plante se rencontre aussi à l’état sauvage dans les Alpes et les
Pyrénées.
La scille de Sibérie bleue (Scilla sibirica), de la
famille des Liliacées, plante très rustique fleurissant de très bonne heure au
printemps et donnant des fleurs d’un beau bleu d’améthyste, en forme de petits
grelots. Hauteur de 0m,10 à 0m, 15. À mentionner aussi la
jacinthe sauvage (Scilla nutans) à fleurs d’un beau bleu.
En somme, voilà toute la toundra avec son climat glacé, ses
arbres rabougris et ses quelques fleurs qui sont là comme le dernier sourire de
la Nature avant d’entrer dans la zone d’épouvante.
Eugène LECHEVIN.
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