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Les voies sur la neige

Il a été convenu d’appeler la neige « le livre des ânes ». Bien que cette appellation soit peu flatteuse, elle n’en reste pas moins toute relative, car ne lit pas qui veut dans ce livre réputé et si facile.

On se rend bien compte qu’un animal est passé, mais, quant à déterminer quel animal, ceci est une autre histoire, et il faut au minimum savoir l’a b c de cette lecture. Ce n’est qu’à cette condition qu’on arrivera à distinguer la voie d’un renard de celle d’un chien ou de celle d’un chat, la voie de la fouine de celle du chat ou de celle du lièvre ...

Si nous prenons les animaux qu’on rencontre le plus fréquemment dans nos campagnes, nous pourrons constater les effets suivants sur la neige :

Le renard marque le plus souvent une série de points en ligne droite, régulièrement espacés, l’intervalle entre deux points consécutifs est d’environ 30 centimètres. L’ensemble de la voie offre un aspect de grande régularité. Parfois, quand le renard saute, les deux pattes avant sont sur une même ligne horizontale, les deux autres en arrière et non à la même hauteur, l’une étant toujours en arrière de l’autre.

Le chien, au contraire, forme un parallélogramme plus ou moins allongé selon l’allure, avec ses quatre pattes, la voie est donc constituée par une succession de ces figures d’allures irrégulières dans l’ensemble.

Le chat qui maraude et longe les haies ou les murs offre une voie similaire à celle du renard, mais la distance entre deux pattes consécutives passe de 30 à 20 centimètres seulement, et, si la neige est en couche mince, on ne voit pas trace de présence de griffes au bout de l’empreinte ronde de la patte.

Le lièvre, comme le lapin, offre une voie présentant une succession de dessins en forme d’Y, dont le haut indique la direction suivie. La fouine, la martre et le putois prennent souvent même allure, mais alors il faut soigneusement tenir compte du milieu où l’on relève les traces. La martre est en plein bois, la fouine dans les chemins autour des villages, comme le putois. Si l’on compare la voie de la fouine et celle du lièvre, on remarquera que la fouine longe toujours une des haies qui borde le chemin, alors que le lièvre passe en plein milieu.

Si la fouine se risque en plaine, elle le fera rarement à découvert, mais, si elle le fait, jamais on ne la verra s’arrêter comme le fait le lièvre ; sa voie sera rectiligne, gagnant tout droit le couvert le plus proche.

Le putois aura même allure que le lapin, mais on trouvera très souvent, comme chez la fouine également, une succession de bonds de 80 centimètres à 1 mètre et plus, où deux ou trois pattes seulement marqueront.

Par ailleurs, si l’on peut rapprocher la voie de la fouine de celle du lièvre, et celle du putois de celle du lapin, il n’en reste pas moins vrai que la longueur totale de la voie de chacun de ces animaux diffère quand même sensiblement : le lièvre étant le plus grand, puis la fouine et la martre, puis le lapin et le putois. Enfin, si la neige le permet, la présence des doigts, les griffes donnent plus de certitude aux hypothèses.

Il est évident que, si la couche de neige dépasse 10 à 15 centimètres, les traces deviennent de plus en plus floues et l’identification plus douteuse. Une neige de 2 à 5 centimètres constitue la meilleure surface de référence relativement aux identifications d’empreintes, et ceci est valable pour tous les animaux. Le problème est du reste identique pour les empreintes qu’on relève dans le sable sec, ou dans la vase très molle.

Par ce rapide exposé, on peut constater que l’identification des traces laissées par un animal dans la neige n’est pas aussi simple que cela pourrait paraître à première vue. Il faut de plus tenir compte des facéties plus ou moins nombreuses auxquelles se livrent les animaux au cours de leurs randonnées : sauts, aller et retour sur la même voie, grimpers, bonds, etc., qui, à certains moments, laissent le traqueur dans une douce perplexité. Mais à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! Et ce sont ces petits incidents qui constituent tout le charme de ce genre de pistage.

A. CHAIGNEAU

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 520