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Organisation d’un centre de sauvetage des œufs de perdrix

Pour que les chasses françaises redeviennent prospères en perdrix, il y a un certain nombre de mesures à prendre, parmi lesquelles le sauvetage des œufs a une grande importance.

En quoi consiste ce sauvetage ? comment l’opérer ? quels sont les résultats que l’on peut en obtenir ? c’est ce que nous allons examiner dans ces lignes.

Voyons d’abord comment, chaque année, se perdent des milliers d’œufs que nous voulons sauver.

L’on sait que les perdrix, dont l’accouplement a lieu généralement dans la deuxième quinzaine de février, quand le temps redevient doux, commencent à pondre vers fin avril et tout le mois de mai, les retardataires donnant leurs derniers œufs au début de juin.

Les perdrix donnent la préférence, pour établir leur nid, aux coins où la végétation est la plus avancée dans la contrée qu’elles habitent.

Il ne s’agit donc pas, pour elles, de préférence pour un sol plutôt qu’un autre, mais bien du choix, au moment où elles vont pondre leurs premiers œufs, d’un emplacement couvert pour que leur nid soit caché.

Il en résulte que, suivant les années, si les céréales sont en avance, il s’y trouve passablement de nids, alors qu’au contraire, si ces cultures sont en retard, tous les nids se trouveront dans les prairies artificielles.

On sait que la coupe de ces légumineuses a lieu ordinairement en mai et, comme il s’écoule généralement de quarante à cinquante jours entre la ponte du premier œuf et l’éclosion de la couvée, on voit que peu de compagnies provenant de la ponte en ces lieux peuvent arriver à l’éclosion avant la coupe.

Il s’agit donc, pour le chasseur, de chercher à opérer le sauvetage de ces perdreaux qui, s’il s’en désintéresse, seront fatalement voués à la destruction.

Théoriquement, le mieux serait de capturer les parents pour leur faire continuer en captivité, c’est-à-dire en parquets, leur œuvre de reproduction.

Il n’a pas été possible de réaliser pratiquement cette opération jusqu’ici, et force est de nous contenter, pour le moment, de recueillir les œufs que la faux mettra à découvert.

Cependant, la faux devient rare et l’on coupe maintenant le plus souvent à la machine ; celle-ci est funeste aux couvées, car ou bien elle broie le nid, ou bien, s’il est dans un creux, elle passe dessus sans le toucher, mais en le recouvrant d’herbes. Comme on ne fane pas toujours le jour même, si les œufs, étant au début de couvaison, ne sont trouvés que le lendemain, il est trop tard pour les sauver ; il faut donc qu’ils soient ramassés aussitôt que la couveuse les abandonne.

Dans les grandes propriétés, où l’on accorde une sérieuse attention à ce sauvetage des œufs de perdrix, on fait passer, la veille de la coupe, des hommes qui traînent un cordeau sur la végétation. Des gardes marchent derrière et, dès qu’une perdrix s’envole, ils recherchent le nid pour en retirer les œufs.

Ceux-ci sont placés dans des paniers, en séparant attentivement les couvées, car il est indispensable, s’ils sont déjà incubés, de ne donner à une poule de ferme que des œufs devant éclore en même temps.

Mais, auparavant, il aura fallu prévoir ce centre de sauvetage. En effet, il ne s’agit pas, le jour où l’on récolte les œufs, de se demander ce que l’on va en faire. Il faut prendre à l’avance les dispositions utiles.

Les œufs qu’on récoltera seront, en effet, ou déjà partiellement incubés, ou fraîchement pondus. Si l’incubation est commencée, il est indispensable que, sans aucun retard, elle soit continuée. Il faut donc avoir des poules de ferme tenant bien le nid sur des œufs d’attente, ou un incubateur en fonctionnement.

Si les œufs apportés n’ont pas encore été couvés, on a alors du temps devant soi, car il suffit de les conserver dans une pièce fraîche, à l’abri des courants d’air, et l’on peut les mettre en couvaison quelques jours plus tard.

On n’aura qu’une précaution à prendre, c’est de les retourner chaque jour complètement.

Rappelons que ces œufs ne doivent pas être piqués sur leur pointe, dans du blé par exemple, car, en les retournant, on les mettrait alors sur le gros bout, et tout le poids du liquide appuierait sur la chambre à air, ce qui ne vaudrait rien.

L’œuf doit être couché dans le sens de sa longueur, avec une marque d’un côté. Comme marque, on mettra par exemple la date à laquelle on les a reçus. Une bonne façon, c’est d’étaler sur le sol une couche de blé et de placer les œufs dessus. On les laissera à peu de distance les uns des autres, mais sans qu’ils se touchent, afin que l’air puisse circuler tout autour.

L’on doit prévoir aussi ce que l’on fera des jeunes que donneront les œufs. Il y a plusieurs façons de les utiliser. La méthode la plus ancienne, mais qui n’est pas la meilleure, est de faire élever les perdreaux par les poules de ferme qui ont couvé les œufs.

Faire cet élevage est un art, et il existe actuellement très peu de gardes qui y réussissent bien. Il faut, en effet, noter que, s’il est difficile d’élever du faisan, réussir un élevage de perdreaux est encore bien plus compliqué.

Mieux vaut avoir des coqs perdrix sauvages en réserve et leur faire adopter les jeunes qui naîtront.

Cette deuxième méthode est très pratique et nous en rappellerons prochainement le mécanisme complet.

Enfin, les œufs peuvent être utilisés pour renforcer les compagnies de perdrix sauvages que l’on fait reproduire en parquets. Ceci est une méthode d’avenir que l’on n’a encore appliquée que dans les grandes chasses. Elle peut cependant avoir un développement important et les fermiers trouveront dans son emploi une source importante de bénéfices qu’ils ne sauraient négliger.

Ces trois méthodes, qui ont une technique semblable au début et ne se différencient les unes des autres que dans la suite, demandent des explications complémentaires. Nous les donnerons prochainement.

René DANNIN,

Expert en agriculture (chasse, gibier) près les Tribunaux.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 521