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La pomme de terre

Contrôle intensif des cultures.

En raison de l’insuffisance des bonnes semences, des instructions ont été données l’été dernier pour favoriser la production de semences dites de multiplication. Les semences appelées ainsi ne sont pas absolument irréprochables, mais, comme elles offrent néanmoins une valeur appréciable, elles sont susceptibles de donner satisfaction aux cultivateurs. Pour les obtenir, on a recommandé de vérifier en période estivale les cultures de pommes de terre dans certaines zones favorables, autrement dit de généraliser la pratique du contrôle des champs.

Les lecteurs du Chasseur Français peuvent se rappeler que cette méthode rapide d’amélioration a été préconisée bien des fois ; mais, comme elle a été notablement intensifiée cette année, nous croyons nécessaire d’y revenir aujourd’hui.

Ce qu’on entend par contrôle.

— Contrôler une culture de pommes de terre, c’est examiner attentivement les plantes qui la composent en vue de se rendre compte de la valeur sanitaire probable de la récolte pour la multiplication future. Ce contrôle s’effectue, comme nous le verrons, en établissant un pourcentage des pieds sains ou paraissant tels. Il s’effectue sur la grosse masse des plantations d’une ou de plusieurs communes.

Historique du contrôle.

— La pratique du contrôle est de date assez récente, puisqu’elle s’appuie sur la transmission des caractères morbides par la voie des tubercules de plantation. Pour la première fois en France nous l’avons appliquée en 1920 dans une zone favorable et sur une variété ancienne, la violette du Forez. Le contrôle s’appuyait sur nos recherches antérieures relatives à la spécificité des incurvations des folioles et de la frisure du limbe des feuilles. Depuis, la méthode a été appliquée tous les ans en Haut Forez et dans divers départements possédant des zones favorables à la production de bons plants.

Conditions de réussite.

— Aucune autre méthode ne permet une amélioration aussi prompte de l’ensemble des cultures d’une région déterminée. Elle permet, en effet, de signaler par la voie d’affiches ou par la voie de la presse les cultures les plus saines d’une région. Les acheteurs de plants ont ainsi une base sur laquelle ils peuvent s’appuyer pour obtenir une certaine garantie. Mais, pour que le contrôle puisse donner de bons résultats, deux conditions essentielles doivent être remplies :

    1° Il est indispensable d’opérer dans des zones où l’on sait par empirisme que la dégénérescence est plus lente qu’ailleurs. Ces zones se trouvent, le plus souvent, en montagne ou sur les bords de la mer ; les pucerons y sont rares d’habitude, les chances de contagion réduites ;

    2° Il est nécessaire d’opérer seulement sur une ou deux variétés bien adaptées dont, par l’observation, on a remarqué qu’elles « tiennent » depuis quelques années, c’est-à-dire que leur déclin se produit assez lentement.

Dans la réalité, on remarque dans ces zones que l’on peut qualifier de privilégiées des variétés dites principales quant à l’étendue consacrée et des variétés secondaires très souvent nombreuses et d’introduction récente. Les unes et les autres sont plus ou moins infestées suivant les cas. Il existe des cultures en bon état sanitaire, d’autres dans un état passable, d’autres enfin sont mauvaises.

Le but du contrôle est de faire un choix et de noter soigneusement, en visitant les champs, les cultures les plus saines pour la multiplication.

La transmission des maladies n’est pas mathématique.

— Apprécier une culture en examinant les plantes au point de vue de leurs symptômes morbides est un travail assez délicat, demandant certaines connaissances et une certaine pratique. Mais des difficultés plus sérieuses se présentent au contrôleur lorsqu’il s’agit de prévoir ce que sera la descendance d’une culture déterminée. Il faut savoir, en effet, que, s’il y a transmission des maladies de la dégénérescence, la transmission des stigmates morbides visibles ou des caractères sains n’est pas mathématique. D’habitude, il y a aggravation dans les cultures successives si l’on considère le pourcentage des pieds dégénérés de la première culture. La complication du problème du pronostic réside dans ce fait que l’aggravation n’est pas égale pour toutes les sortes et pour tous les milieux.

Un bon pronostic ne doit pas négliger les données de l’empirisme. Si la culture concerne une variété locale, ancienne dans la région, se présentant en bon état, on a de grandes chances pour que la récolte soit de bonne qualité pour la multiplication. Si, au contraire, la culture concerne une variété nouvelle introduite dans l’année, il est fort difficile d’établir des prévisions justes, car le déclin peut se précipiter par manque d’adaptation. On conçoit que, dans ce cas, la conclusion du contrôleur soit réservée, car il lui manque les données d’une longue observation.

Cette question de prévision est si importante qu’il me paraît utile de la bien préciser en prenant un exemple concret. En visitant les champs, le contrôleur se trouve, par exemple, en présence de deux cultures A et B de variétés différentes, mais ayant le même pourcentage visible de pieds apparemment sains, soit 90 p. 100. La culture A provient de plants récoltés sur place et appartenant à une variété assez ancienne. Il y a beaucoup de chances pour que la récolte fournisse des plants présentant un état sanitaire de 85 à 90 p. 100.

La culture B a un fort bel aspect, mais elle est issue de plants importés dans l’année ; elle concerne une variété nouvelle dans le pays. Dans ces conditions, l’incertitude règne ; l’état sanitaire de la deuxième culture peut être de 90 p. 100, mais peut tomber à 50 p. 100 et même au-dessous.

En définitive, il est toujours possible aux cultivateurs de présenter au contrôleur des cultures presque parfaites en introduisant des plants de qualité d’une sorte inconnue dans sa région. Mais le contrôleur doit se montrer circonspect si la variété n’a pas déjà fait ses preuves dans le milieu.

Cl. PERRET.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 544