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La législation d’exception de guerre

sur les baux à loyer d’habitation et locaux commerciaux.

Le décret-loi du 26 septembre 1939 réglant, pendant la guerre, les rapports entre bailleurs et locataires, a été modifié par le décret-loi du 1er juin 1940 et plus récemment par la loi du 24 juin 1941.

Les baux visés par la réglementation dont il s’agit comprennent : les locaux d’habitation ; les locaux à usage professionnel ; les locaux à usage commercial et industriel ; les locaux meublés ; les terrains loués nus ; les immeubles faisant l’objet de baux de mines ; les immeubles loués pour l’exploitation d’un établissement d’élevage ou de culture lorsque la location n’est pas exclusivement régie par les règles applicables aux baux à ferme.

Les dispositions du même décret-loi du 26 septembre 1939, concernant les baux à ferme et dont il ne sera pas question dans le présent article, ont été modifiées de leur côté par le décret-loi du 1er juin 1940 et par la loi du 5 juin 1941.

Ces dispositions d’exception ont un caractère temporaire ; au point de vue de la durée d’application, l’article premier du décret-loi du 26 septembre 1939 dispose qu’elles auront effet à dater du 2 septembre 1939 jusqu’au décret fixant la date de cessation des hostilités.

A. Dispositions en faveur des locataires.

— Quatre avantages peuvent être accordés, en vertu de cette réglementation et sous certaines conditions, aux locataires : la résiliation du bail, une réduction du prix du bail, des délais de payement, une prorogation de location.

Résiliation du bail.

— Indépendamment des clauses de droit commun, les locataires ont la faculté (sous certaines conditions) d’obtenir une résiliation de plein droit ou par voie de justice.

a. Le bail est résilié de plein droit sur la demande du locataire lorsque celui-ci est un militaire appartenant à une formation de l’armée et du territoire ou une personne appartenant aux deux dernières classes libérées d’obligations militaires en vertu de la loi du 31 mars 1928.

Il est également résilié de plein droit pour toute location conclue ou renouvelée postérieurement au 2 septembre 1939, par suite de circonstances résultant de l’état de guerre en dehors du lieu du principal établissement, lorsque le demandeur justifiera, à l’appui de sa demande, pouvoir rejoindre son domicile.

La demande doit être adressée au bailleur, par lettre recommandée avec avis de réception, avec, à l’appui, toutes pièces justificatives.

La résiliation intervient, en principe, à l’expiration du délai d’un mois à compter de la lettre recommandée, à moins que le locataire n’ait fixé un délai plus long.

Elle peut, dans certains cas, donner lieu à indemnité au profit du bailleur.

b. Lorsque le locataire n’entre pas dans l’une des trois catégories visées ci-dessus, la résiliation n’intervient pas de plein droit. Elle peut seulement être accordée sur demande soit par le propriétaire, soit par décision de justice, si le preneur justifie, par suite de circonstances résultant de l’état de guerre et survenues postérieurement au contrat, soit cesser de jouir de l’usage de tout ou partie des locaux, soit ne pouvoir entrer en jouissance, soit être privé d’une notable partie de ses ressources sur lesquelles il pouvait compter pour faire face au payement de ses loyers, soit enfin ne pouvoir continuer normalement l’exploitation ou l’exercice de la profession en vue de laquelle les lieux ont été loués.

En cas de résiliation, le juge appréciera s’il y a lieu, ou non, d’indemniser le bailleur.

Réduction du prix du loyer.

— L’article 9 de la loi prévoit huit cas dans lesquels les locataires peuvent être appelés à bénéficier d’une réduction du prix du loyer, qui peut être totale dans les trois derniers cas.

Premier cas.

— Les locataires qui justifieraient, par suite de circonstances résultant de l’état de guerre et survenues postérieurement au contrat, soit avoir cessé de jouir de l’usage de tout ou partie des locaux, soit être privés d’une notable partie des ressources sur lesquelles ils pouvaient compter pour faire face au payement de leur loyer, soit ne pouvoir continuer normalement l’exploitation ou l’exercice de la profession en vue de laquelle les lieux ont été loués, peuvent obtenir une réduction du montant de leur loyer, jusqu’à concurrence des trois quarts de ce prix.

À défaut d’accord amiable, le juge fixera le point de départ de la réduction qui ne pourra pas être antérieur à la date du terme qui a précédé la demande en justice formée par le locataire, sans jamais pouvoir remonter à une date antérieure au 2 septembre 1939.

Deuxième cas.

— Le locataire d’un local à usage d’habitation, s’il appartient à l’une des formations de l’armée et du territoire et si le contrat de location a été conclu antérieurement au 2 septembre 1939, bénéficie de plein droit, pendant la durée de sa présence dans ces formations, d’une réduction des trois quarts du montant du loyer, à moins que le bailleur n’établisse que le locataire est en état d’acquitter la totalité de son loyer ou une fraction supérieure au quart.

Troisième cas.

— Le locataire d’un local à usage professionnel, industriel ou commercial, s’il appartient à l’une des formations de l’armée et du territoire susvisées et si le contrat de location a été conclu avant le 2 septembre 1939, bénéficie de plein droit également d’une réduction des trois quarts de son loyer, lorsque sa profession, son commerce, son industrie ont cessé d’être exercés, et cela pendant toute la période de cessation du commerce.

Quatrième cas.

— Le locataire d’un local à usage d’habitation, professionnel, commercial ou industriel, mobilisé dans l’une des formations de l’armée ou du territoire, mais dont le bail a été conclu à partir du 2 septembre 1939, ne pourra obtenir de réduction de plein droit, mais seulement à l’amiable ou par voie de justice ; encore devra-t-il prouver qu’il se trouve dans l’une des trois conditions énumérées au premier cas ci-dessus.

Cinquième cas.

— Le locataire dont les lieux loués se trouvent dans une commune évacuée sur l’ordre des autorités publiques ou par nécessité résultant des opérations militaires et qui ont, en fait, cessé d’être habités, bénéficie de plein droit, pendant toute la période où l’occupation a été rendue impossible, d’une réduction des trois quarts du montant du loyer, à moins que le bailleur n’établisse que le locataire est en mesure d’acquitter la totalité de son loyer ou une fraction supérieure au quart.

Sixième cas.

— En sus de la réduction des trois quarts prévue aux 2e, 3e et 5e cas ci-dessus, des réductions sur le montant des loyers restant dus, et pouvant aller jusqu’à l’exonération totale, pourront être accordées lorsque l’intéressé justifiera ne pas être en état de faire face au payement des sommes dues.

Septième cas.

— De même, des réductions supérieures aux trois quarts du montant du loyer, et pouvant même aller jusqu’à l’exemption totale, peuvent être accordées aux locataires d’un local à usage d’habitation ou professionnel, ayant cessé d’être habité si les intéressés justifient n’avoir pu, par suite de la restriction des communications entre les différentes parties du territoire, rejoindre leur domicile et être hors d’état de faire face au paiement des sommes dues.

Huitième cas.

— Ces réductions peuvent être aussi accordées aux locataires de locaux à usage commercial ou industriel dont le commerce ou l’industrie ont cessé d’être exercés en totalité ou en partie par suite de circonstances résultant de l’état de guerre, et ce pendant la période de cette cessation, si les intéressés justifient être hors d’état de faire face au payement des sommes dues.

(À suivre.)

CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°603 Novembre 1941 Page 565