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Le dogue allemand ou grand danois

Il y a quelques années, on décrivait sous les noms de dogue d’Ulm, de dogue de Wurtemberg, de dogue de Hatzrüden, de boarhound ou saufänger (chien de sanglier), de mastiff allemand ou danois, de tigerdog, de dogue de parade, de dogue bleu, etc. ..., toute une série de chiens de grand format qui ne se différenciaient guère que par des détails de lobe ou de conformation.

Fort heureusement, les sociétés canines ont désormais simplifié cette nomenclature hétéroclite, où le cynophile le plus averti était incapable de se retrouver. Actuellement, toutes les variétés énumérées plus haut ont disparu, et le chien que nous allons décrire porte officiellement, dans les expositions du continent, le nom de dogue allemand, alors que celui de grand danois lui est donné en Angleterre, où sa production est encouragée et contrôlés par le Great-Dane Club. Cette dernière appellation, employée au moins aussi couramment chez nous que celle imposée par la Société centrale, vient de ce que le chien de Dalmatie, dont il est question plus loin, est encore désigné, en raison de certaines analogies de pelage, sous le vocable, d’ailleurs tout à fait impropre, de petit danois.

En tout cas, les noms sous lesquels on connaît cette race ne signifient pas qu’elle soit originaire d’Allemagne ou des pays Scandinaves. Dans la réalité, le dogue allemand est proche parent de notre dogue de Bordeaux. Comme lui, il descend de l’alan, amené de la Russie orientale par les Barbares, au cours de leurs migrations à travers d’Europe. Au moyen âge, les grands féodaux allemands améliorent cet admirable chien de sanglier, que certaines tapisseries de la Renaissance nous montrent chassant la bête noire, en compagnie de grands chiens longilignes au poil hirsute, et on cherche à lui donner plus de vitesse et plus de taille par des croisements avec ces lévriers.

Dans la suite, d’autres races viendront supplanter le dogue au noble sport de la chasse. Pendant plusieurs siècles, il tombe dans un oubli relatif ; revenu en faveur, il passe de nos jours au rang de chien de garde, puis de chien de compagnie et d’agrément. Il est de fait qu’avec sa haute taille, sa silhouette puissante, mais non dépourvue d’élégance (« la grâce du Greyhound et la force du Mastiff », dit Ed. C. Ash), le danois est un compagnon de fière allure, et l’on comprend le grand succès de cet animal athlétique depuis une cinquantaine d’années.

Ce sont les sujets les plus grands qui sont les plus estimés, à la condition essentielle que la grande taille soit accompagnée d’une parfaite élégance des formes, d’une attitude hardie et d’allures aisées, vives et alertes. Le mâle doit avoir au moins 0m,75 et peut atteindre 0m,90, et pèse de 52 à 70 kilogrammes, comme dans nombre de races ; la chienne est d’un poids et d’un format sensiblement réduits.

La tête, osseuse et forte, est cependant moins développée que chez les autres dogues. Sa longueur varie évidemment avec la taille de l’animal. Chez un sujet de 80 centimètres, elle doit approximativement mesurer 32 centimètres du bout du nez à la nuque. La longueur du crâne, depuis l’occiput jusqu’à un point situé entre les yeux, est égale ou un peu inférieure à la distance qui sépare les yeux du bout du nez.

Le crâne, un peu aplati, avec une saillie bien marquée au-dessus des yeux et une légère dépression médiane, est relativement étroit, de sorte que la tête, vue de face, a partout la même largeur. Les oreilles, petites, attachées haut, sont portées droites, avec l’extrémité quelquefois légèrement tombante. En France et en Allemagne, ces oreilles sont coupées assez court, en forme de cornets ; en Angleterre, au contraire, elles sont laissées entières, semi-pendantes vers l’arrière, à la façon de celles des lévriers. Le museau, carré, puissant, bien rempli sous les yeux, et terminé par une large truffe noire, qui peut être de couleur claire chez les sujets blanc et noir, comporte des mâchoires d’égale longueur, avec des dents régulières et des lèvres un peu lourdes, mais non pendantes.

Le cou, allongé et fort, un peu arqué, porté haut, sans fanons, correspond à des épaules longues et obliques, musculeuses sans lourdeur, et à une poitrine bien descendue, avec des côtes arrondies sans excès. Le dos est très droit, et le rein, également solide et rectiligne ou très légèrement arqué, soutient un abdomen d’un volume réduit, mais non levrette, et se continue par une croupe assez courte. La queue, épaisse à la base et effilée vers l’extrémité, est de longueur moyenne et atteint à peine la pointe du jarret. Tenue basse au repos, elle peut être, en action, portée dans le prolongement de la ligne du dos, mais elle ne doit jamais être enroulée ou renversée sur la croupe.

Les membres antérieurs sont parfaitement droits avec un fort squelette ; aux postérieurs, la cuisse est extrêmement musclée, la jambe longue, les jarrets placés bas et bien dans l’axe du membre. Les pieds sont ronds, avec des doigts serrés, munis d’ongles forts, bien incurvés et toujours noirs.

Le poil, ras et lisse, est de couleur variable ; à cet égard, les danois sont classés en trois groupes. Les uns ont la robe bringée : le fond est fauve plus ou moins foncé, du jaune vif au jaune rougeâtre, avec des zébrures noires, sans la moindre tache blanche. Les autres, unicolores, sont de teinte fauve, gris bleu ou ardoisée, avec la truffe et les muqueuses noires. Enfin, il en est, et ce sont actuellement les plus répandus, dont la robe est tachetée : chez ces derniers, souvent dénommés danois arlequins, on voit, sur le fond blanc du pelage, des taches noires ou grises, irrégulièrement déchiquetées, réparties assez uniformément sur la surface du corps. C’est dans cette dernière catégorie seulement que l’on tolère les yeux vairons et la truffe claire.

Comme le danois tire toute sa beauté de l’harmonie de ses proportions et de la beauté de ses formes, aucune imperfection ne saurait être ici tolérée. Mais, à la vérité, c’est seulement pendant la deuxième année de son existence qu’il acquiert sa conformation définitive : jusqu’à dix-huit mois, les jeunes sont souvent dégingandés, mal proportionnés, avec des aplombs défectueux et une démarche embarrassée et maladroite. Mais, quand la croissance est terminée, il est possible de se rendre compte de la valeur du sujet : on ne lui pardonnera pas d’avoir une tête trop volumineuse, analogue à celle du mastiff, ou au contraire trop fine, le faisant ressembler au lévrier. De même, les oreilles attachées trop bas, l’empâtement du cou par des plis cutanés, l’inflexion de la ligne du dos, la cuisse grêle, la queue portée haut ou enroulée, la présence d’ergots, la démarche vacillante ou traînante entraînent à coup sûr la disqualification dans les concours.

Bien des reproches ont été adressés à cette race. Quelques-uns sont mérités. Le danois est prédisposé aux affections cutanées : non seulement, quand il est exposé à la contagion, il contracte les différentes gales bien plus facilement que les autres chiens, mais, s’il n’a pas suffisamment d’exercice, ou s’il reçoit une alimentation trop riche en viande, on voit des poussées d’eczéma évoluer, avec une rare ténacité, sur le dos et sur la queue. Quand on ne prend pas la précaution de lui assurer un bon couchage, il survient, au niveau des coudes et des jarrets, des plaques de dermites qui suppurent interminablement et laissent après elles des cicatrices disgracieuses. Enfin, chez les sujets logés trop à l’étroit, il survient des lésions graves de l’extrémité de la queue par suite des chocs de cet appendice contre les parois de la niche.

Il a aussi la réputation d’être assez peu intelligent, brutal et méchant avec les autres chiens, et même avec les étrangers qui l’approchent sans précautions. Cette agressivité était d’ailleurs, à notre avis, beaucoup plus accentuée et plus répandue autrefois, et le danois moderne a, d’ordinaire, le caractère paisible s’il n’est pas provoqué. En tout cas, on doit lui accorder que c’est un excellent gardien, très courageux et fidèlement dévoué à son maître, auquel il réserve toute sa tendresse et une absolue soumission.

V.R.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 591