À la fin de ma dernière causerie, je relatais qu’un chasseur
désireux d’élever un bon chien de chasse pouvait considérer l’utilisation
d’étalon ou lice primés en exposition canine et en fields-trials.
Nous touchons là un côté important de l’élevage canin. Mais
il nécessite une petite mise au point.
Que de fois n’ai-je pas entendu répéter cette conception du
chasseur moyen : « Les expositions, mais c’est de la blague, c’est
toujours ceux qui sont d’accord avec le juge qui ont les premiers prix. Et les
fields-trials, c’est du cirque ! On vous oblige à aller prendre le vent
pendant des kilomètres avant de faire chasser votre chien ! Un chien de
field-trial ne peut pas faire un chien de chasse ! »
Cette dernière phrase m’avait été souvent répétée par un
docteur de mes amis, chasseur passionné et homme charmant par surcroît. Et que
de discussions entre nous à ce sujet où chacun restait sur ses positions.
Or, ayant eu la chance de lui procurer un jeune épagneul
breton d’excellente origine, avec un peu de dressage, ce jeune sujet faisait
merveille.
Je réussis à persuader le brave docteur, entiché de son
chien, de le présenter en fields-trial. Mais, à la première présentation, ce
chien, ayant beaucoup chassé et peut-être pas assez tenu par son maître, fit
une poursuite éperdue sur des lièvres.
Le docteur n’était pas content, mais, tenace, je reviens à
la charge, et au deuxième concours ce bon chien se classe premier devant des
chiens très connus.
Son maître ne nie plus maintenant l’utilité des fields-trials
et reconnaît qu’un bon chien peut être trialer et chien de chasse en même
temps. Car il a vu par lui-même les difficultés d’un concours sur le terrain et
que pour bien juger un chien il fallait le mettre dans d’aussi bonnes
conditions que possible.
En exposition également, tout est mis en œuvre pour que le
bon chien soit primé, et nous devons savoir gré aux dirigeants des sociétés
canines et aux juges qui se dépensent sans compter pour arriver à un bon
résultat
Pour tout remerciement, ils ne reçoivent trop souvent que
des récriminations sans fin, auxquelles ils doivent opposer une parfaite
sérénité. Car, la plupart du temps, les exposants voudraient tous avoir le
premier prix.
Je reconnais que quelquefois des juges se trompent. Errare
humanum est. Il y a une quinzaine d’années, j’avais présenté à une
exposition du Midi de la France une très bonne griffonne d’arrêt qui avait été
primée plusieurs fois déjà. Le juge, écrivain cynophile réputé, assailli par des
solliciteurs qui avaient envahi le ring, regarde à peine ma chienne et la
classe une des dernières. Je n’étais pas content et pour cause.
À la fin de l’exposition, j’allais le trouver et lui
demandais des explications sur son jugement Il me répondit très aimablement que
la chienne s’était mal présentée.
Mais, aux expositions suivantes, ayant sans doute reconnu
son erreur, il la classa toujours dans les premiers prix et j’eus toujours
beaucoup de plaisir à le rencontrer ensuite dans les manifestations canines. Il
est mort il y a quelques années ; c’était un bien brave homme, et je suis
heureux de lui rendre ici un respectueux hommage.
Les juges sont des hommes comme les autres, ils ont tous
leurs petites manies.
L’un d’eux, que j’ai bien connu, paradait un peu dans son
ring et officiait en gants jaune-paille — couleur peu choisie pour
ausculter des chiens. Inutile de dire qu’au bout de peu de temps ses gants
avaient changé de couleur. Il n’avait pas des connaissances très étendues en
matière canine.
Un autre, un tantinet prétentieux, avait élevé des pointers
et en avait de très bons. Celui-ci, il ne fallait l’aborder qu’avec force
salamalecs et vanter d’abord ses pointers. Alors, il vous regardait d’un œil
très réjoui et jugeait tous les chiens convenablement.
Un autre, technicien de valeur, avait inventé un outil à
mesurer les crânes. Quoiqu’un peu exagéré, ce procédé avait quelques raisons
d’être, la race d’un chien se reconnaissant surtout à sa tête et à sa queue. Il
a eu un chien qui est devenu champion, mais qui, cependant beau et bon, n’a pas
laissé à mon humble connaissance une bien bonne descendance, quoique souvent
utilisé comme étalon.
Mais abandonnons cette question « juges », ne
voulant pas être accusé de lèse-majesté envers eux.
Donc, en cherchant à trouver comme reproducteur le bon et beau
chien, celui qui est primé en exposition et en fields, essayez de connaître sa
descendance, car tous les étalons ne sont pas tous raceurs et les lices ne sont
pas toutes bonnes reproductrices.
Ne cherchez pas trop à utiliser le grand crack qui en fields-trials
fait tantôt un premier prix avec C. A. C., et tantôt se fait mettre à
la porte.
C’est dans ce cas un chien surentraîné, très nerveux, qui
échappe parfois à la main de son dresseur et qui doit être dur à tenir en
chasse. Ou bien, trop sous l’influence du dressage, faisant un bon travail sur
gibier facile, mais dérouté par gibier fuyant à pattes devant lui.
J’ai vu ce dernier cas se produire pour un sujet, fils de
champion, dont le chauvinisme des juges et éleveurs locaux voulut à tout prix
faire un « supéras » ; il eut un premier prix avec C. A. C.
et force félicitations, après un très bon travail sur perdreaux qui ne
demandaient qu’à s’envoler. Mais, un mois après, en Sologne, sur un terrain où
abondaient lapins et faisans, piétant et ensuite tenant l’arrêt ferme, il
bafouilla et se fit mettre à la porte.
Cherchez donc plutôt le chien régulier qui est toujours dans
un classement moyen dans les deuxième et troisième prix. Et que ce chien soit
utilisé à la chasse par son maître, ceci est un point très important.
Car il arrive, pour de grands cracks poussés pour le
championnat, que leur maître ne veuille pas les utiliser à la chasse de peur de
gâter leur dressage et compromettre leur carrière.
Un bon chien de fields-trials, bien équilibré, ne se
« dédresse » pas à la chasse, car il fait vite la différence entre le
travail à la chasse et le travail en concours.
Il existe aussi des propriétaires d’étalons et lices qui ne
sont pas chasseurs du tout. Leurs sujets inemployés à la chasse perdent vite
leurs qualités naturelles, et leur descendance s’en ressent très vite. Il faut
absolument éviter l’emploi de ces reproducteurs.
LE VIEUX DRESSEUR.
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