Disons d’abord que c’est un beau poisson, de couleur
verdâtre, rayé de bandes noires, à la dorsale hérissée de piquants acérés, aux
nageoires rouges.
Sa nage très rapide, ses arrêts brusques sont
caractéristiques ; elle atteint et même dépasse 4 livres dans les
lacs ou fleuves importants ; ce poids n’est cependant pas commun et, dans
les nombreuses journées de pêche dans les lacs de Savoie, de Haute-Savoie, du
Jura, où elle se plaît, je n’en ai pris qu’une seule de 2 kilogrammes.
La perche aime la vie en famille, et les individus du même
frai vivent souvent groupés, sauf chez les grosses pièces. Vous pouvez capturer
plusieurs poissons sans changer de place, à la condition formelle de n’en rater
aucun, sinon, c’est fini, la bande a fui ; fait inexplicable, mais exact.
Nous trouverons les perches aux environs des obstacles
immergés : souches, pilotis, écluses, racines, piles de pont, pierres,
blocs de pierre, rarement en pleine eau. En hiver, elles sont cantonnées aux
bords, c’est exclusivement là qu’il faut les chercher.
Comme je vous le disais précédemment, les méthodes de
capture sont les mêmes que pour le brochet, proportions gardées.
Puisque nous sommes en décembre, nous ne pouvons moins faire
que de décrire le procédé le plus simple, un des plus productifs, en même temps
qu’actif, ce dernier avantage n’étant pas négligeable quand il fait
froid : c’est la dandinette.
Son nom est un programme et la définit fort bien. Voyons le
matériel, en nous rappelant que je m’adresse aux débutants, les pêcheurs avertis
n’ayant que faire de mes conseils.
Une canne de 2 à 4 mètres, selon qu’elle sera utilisée
avec une ou deux mains, légère et rigide. Un moulinet garni de soie fine et
solide, imperméabilisée, un gut émaillé moyen, de 1 mètre à 1m,50,
et un poisson d’étain dont la tête, plus lourde, est armée d’un hameçon simple
ou triple.
Vous trouverez cet appât chez tous les détaillants, mais
notez bien que tout ce qui bouge attire la perche, que l’objet ait ou non la
forme d’un poisson. Elle se jette brutalement sur la plombée d’un bas de ligne,
sur le plomb d’une ligne à lancer, sur un petit caillou qui tombe à l’eau, sur
la petite feuille qui tourbillonne au courant.
Elle paraît avoir très mauvais caractère, aimer la bagarre,
et cela lui joue de vilains tours.
Comment reconnaître s’il y a des perches dans le cours d’eau
que vous allez explorer ?
D’abord, par ouï dire, puis de visu, et enfin par les
« chasses » à la surface.
La perche a une façon de chasser fort caractéristique :
elle poursuit sa proie jusqu’au bord, dans quelques centimètres d’eau, alors
que sa dorsale est à l’air ; aussi, quand vous voyez un petit fretin qui
fuit éperdument, sautant hors de l’eau, en vitesse, et s’approchant du bord,
soyez persuadés que le pirate est une perche. Le brochet, lui, bondit,
happe ... ou manque, mais ne poursuit pas sa victime ; la truite
chasse à peu près comme la perche, mais moins au bord.
Donc, il y a des perches dans la pièce d’eau. Approchez-vous
et laissez tomber à l’eau votre poisson d’étain près de cette souche, jusqu’au
fond, puis relevez-le par saccades brusques et laissez-le retomber sans arrêt,
en un mot, dandinez-le.
C’est un mouvement facile à saisir et à effectuer ;
votre bannière de ligne étant plus courte que la canne, la manœuvre ne comporte
aucune difficulté !
Soudain, deux secousses violentes pendant la remontée du
leurre vous indiqueront l’attaque ; hop ! sur le pré, si la victime
est petite ; gare à la bagarre, si elle est imposante.
Prenez garde, ne la brusquez pas, la perche a la bouche très
tendre, les téguments se déchireront aisément, la plaie s’ouvre et le poisson
se décroche. De la douce fermeté, pourrait-on dire.
Ce procédé permet surtout de capturer de petits et moyens
spécimens de perches, et même des brochetons, les grosses pièces se prendront
plus aisément au vairon casqué, à la cuiller ou au gros ver.
Ainsi que son nom l’indique, la pêche au vairon casqué
utilise un petit poisson fort connu, coiffé d’un casque de plomb, qui le fait
plonger la tête première quand on ne le manœuvre pas ; en opérant comme
avec la dandinette, mais plus lentement et au large, vers les obstacles, si on
est assez adroit, on obtient par ce procédé meurtrier non seulement des
perches, mais tous les carnassiers : brochets, truites, chevesnes.
La série de culbutes qu’exécute un vairon casqué bien
manœuvré produit un effet irrésistible sur les pirates aquatiques.
Comment le monter ?
Sur deux fils d’acier fin, ou deux bouts de gut de 2 centimètres
et 4 centimètres, vous fixez deux hameçons simples ou triples no 10
ou 12, et faites une boucle à l’autre extrémité. Vous introduisez une boucle
dans le corps de l’appât, vers la queue, avec l’aiguille à amorcer, l’autre
boucle un peu plus haut et de l’autre côté, et vous les faites ressortir toutes
les deux par la bouche du vairon, vous posez le casque et prenez les deux
boucles soit dans un émerillon à système, soit simplement avec le bas de
ligne ; je préfère l’émerillon, qui empêche le casque de glisser trop bas,
à l’aide d’un arrêt quelconque (bout d’allumette, fusible, grain de plomb),
fixé à l’anneau inférieur.
C’est simple et très efficace, la cuiller, de petite dimension,
est très bonne, manœuvrée lentement, soit au moulinet, soit à l’aide de la
canne déplacée latéralement. Il est recommandé de placer sur le grappin ou
l’hameçon simple, constituant l’armement de la cuiller, un pompon de laine
rouge, cette couleur exerçant un attrait particulier sur la perche.
Si la cuiller est projetée au moyen du lancer, il est fort
inutile de la projeter en pleine eau, n’importe où. Explorez surtout les bords
et les environs des obstacles.
La touche de la perche lui est bien particulière ; deux
coups espacés vous renseigneront de suite ; ne ferrez pas sec, un simple
petit coup de poignet suffira pour ancrer les pointes du grappin.
Je parle de grappin sans vouloir en faire une
obligation ; je considère, au contraire, que l’hameçon simple est tout
aussi efficace et évite bien des accrochages dans les herbes ou les branches.
Il est recommandé, si on pêche à la cuiller lancée, donc
plombée, de mettre 4e plomb tout contre la palette, pour ne faire
qu’un seul point de mouvement, et d’attraction. Je vous disais, tout à l’heure,
que la perche saute sur tout ce qui bouge, elle ne manquerait pas de bondir sur
le plomb, si elle le voyait d’abord, ce qui est généralement le cas.
Il existe beaucoup de modèles de petites cuillers plombées
en tête, et un pêcheur ingénieux peut très bien confectionner un modèle de son
cru sans difficultés. Plus l’ensemble sera petit, meilleur il sera.
Il y a encore plusieurs autres façons de capturer la perche,
mais leur description nous entraînerait trop loin. Nous parlerons seulement de
la pêche au ver.
Elle ne diffère pas énormément de la pêche classique
destinée à la truite ; la seule modification à observer est que les
mouvements saccadés qui mettraient cette dernière en défiance semblent,
au-contraire, être une cause de succès pour la perche.
Montez votre hameçon, à tige longue, no 6 ou
7, avec un petit fil d’acier rigide de 2 ou 3 centimètres ; puis
enfilez une perle en cuivre, telle celle des épingles de sûreté, posez dessus
une petite hélice brillante, découpée dans une boîte de conserves, serrez plus
haut un grain de plomb no 5 ou 6, en ayant soin qu’il ne touche
pas l’hélice, faites une boucle au fil d’acier, et l’appareil est prêt.
Ce ver, enfilé sur l’hameçon, jusque près de la perle, sans
la toucher, sera bien rouge et ne dépassera que par l’ardillon : s’il est
trop long, la perche le saisira par le bout et emportera tout le reste sans se
piquer. Vous manœuvrerez votre canne soit en dandinant verticalement, soit par
des mouvements latéraux de petite ampleur, simplement destinés à faire tourner
l’hélice : ces mouvements sont inutiles dans un courant.
L’attaque sera brutale ; à vous de faire le nécessaire
pour mener la lutte à votre avantage.
Cette pêche au ver, bien qu’utilisable en toute saison, est
plutôt une pêche d’été, comme la pêche au vif ; ce dernier supporte mal
l’opération dans l’eau glacée et meurt rapidement.
C’est donc à la dandinette et la cuiller que vous essaierez
en décembre ; je suis certain que votre promenade hygiénique au bord de
l’eau vous rapportera quelques perches, dont la chair très délicate fera bonne
figure sur la table familiale.
Marcel LAPOURRÉ,
Délégué du Fishing-Club de France.
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