Accueil  > Années 1940 et 1941  > N°604 Décembre 1941  > Page 593 Tous droits réservés

La perche et sa capture

Disons d’abord que c’est un beau poisson, de couleur verdâtre, rayé de bandes noires, à la dorsale hérissée de piquants acérés, aux nageoires rouges.

Sa nage très rapide, ses arrêts brusques sont caractéristiques ; elle atteint et même dépasse 4 livres dans les lacs ou fleuves importants ; ce poids n’est cependant pas commun et, dans les nombreuses journées de pêche dans les lacs de Savoie, de Haute-Savoie, du Jura, où elle se plaît, je n’en ai pris qu’une seule de 2 kilogrammes.

La perche aime la vie en famille, et les individus du même frai vivent souvent groupés, sauf chez les grosses pièces. Vous pouvez capturer plusieurs poissons sans changer de place, à la condition formelle de n’en rater aucun, sinon, c’est fini, la bande a fui ; fait inexplicable, mais exact.

Nous trouverons les perches aux environs des obstacles immergés : souches, pilotis, écluses, racines, piles de pont, pierres, blocs de pierre, rarement en pleine eau. En hiver, elles sont cantonnées aux bords, c’est exclusivement là qu’il faut les chercher.

Comme je vous le disais précédemment, les méthodes de capture sont les mêmes que pour le brochet, proportions gardées.

Puisque nous sommes en décembre, nous ne pouvons moins faire que de décrire le procédé le plus simple, un des plus productifs, en même temps qu’actif, ce dernier avantage n’étant pas négligeable quand il fait froid : c’est la dandinette.

Son nom est un programme et la définit fort bien. Voyons le matériel, en nous rappelant que je m’adresse aux débutants, les pêcheurs avertis n’ayant que faire de mes conseils.

Une canne de 2 à 4 mètres, selon qu’elle sera utilisée avec une ou deux mains, légère et rigide. Un moulinet garni de soie fine et solide, imperméabilisée, un gut émaillé moyen, de 1 mètre à 1m,50, et un poisson d’étain dont la tête, plus lourde, est armée d’un hameçon simple ou triple.

Vous trouverez cet appât chez tous les détaillants, mais notez bien que tout ce qui bouge attire la perche, que l’objet ait ou non la forme d’un poisson. Elle se jette brutalement sur la plombée d’un bas de ligne, sur le plomb d’une ligne à lancer, sur un petit caillou qui tombe à l’eau, sur la petite feuille qui tourbillonne au courant.

Elle paraît avoir très mauvais caractère, aimer la bagarre, et cela lui joue de vilains tours.

Comment reconnaître s’il y a des perches dans le cours d’eau que vous allez explorer ?

D’abord, par ouï dire, puis de visu, et enfin par les « chasses » à la surface.

La perche a une façon de chasser fort caractéristique : elle poursuit sa proie jusqu’au bord, dans quelques centimètres d’eau, alors que sa dorsale est à l’air ; aussi, quand vous voyez un petit fretin qui fuit éperdument, sautant hors de l’eau, en vitesse, et s’approchant du bord, soyez persuadés que le pirate est une perche. Le brochet, lui, bondit, happe ... ou manque, mais ne poursuit pas sa victime ; la truite chasse à peu près comme la perche, mais moins au bord.

Donc, il y a des perches dans la pièce d’eau. Approchez-vous et laissez tomber à l’eau votre poisson d’étain près de cette souche, jusqu’au fond, puis relevez-le par saccades brusques et laissez-le retomber sans arrêt, en un mot, dandinez-le.

C’est un mouvement facile à saisir et à effectuer ; votre bannière de ligne étant plus courte que la canne, la manœuvre ne comporte aucune difficulté !

Soudain, deux secousses violentes pendant la remontée du leurre vous indiqueront l’attaque ; hop ! sur le pré, si la victime est petite ; gare à la bagarre, si elle est imposante.

Prenez garde, ne la brusquez pas, la perche a la bouche très tendre, les téguments se déchireront aisément, la plaie s’ouvre et le poisson se décroche. De la douce fermeté, pourrait-on dire.

Ce procédé permet surtout de capturer de petits et moyens spécimens de perches, et même des brochetons, les grosses pièces se prendront plus aisément au vairon casqué, à la cuiller ou au gros ver.

Ainsi que son nom l’indique, la pêche au vairon casqué utilise un petit poisson fort connu, coiffé d’un casque de plomb, qui le fait plonger la tête première quand on ne le manœuvre pas ; en opérant comme avec la dandinette, mais plus lentement et au large, vers les obstacles, si on est assez adroit, on obtient par ce procédé meurtrier non seulement des perches, mais tous les carnassiers : brochets, truites, chevesnes.

La série de culbutes qu’exécute un vairon casqué bien manœuvré produit un effet irrésistible sur les pirates aquatiques.

Comment le monter ?

Sur deux fils d’acier fin, ou deux bouts de gut de 2 centimètres et 4 centimètres, vous fixez deux hameçons simples ou triples no 10 ou 12, et faites une boucle à l’autre extrémité. Vous introduisez une boucle dans le corps de l’appât, vers la queue, avec l’aiguille à amorcer, l’autre boucle un peu plus haut et de l’autre côté, et vous les faites ressortir toutes les deux par la bouche du vairon, vous posez le casque et prenez les deux boucles soit dans un émerillon à système, soit simplement avec le bas de ligne ; je préfère l’émerillon, qui empêche le casque de glisser trop bas, à l’aide d’un arrêt quelconque (bout d’allumette, fusible, grain de plomb), fixé à l’anneau inférieur.

C’est simple et très efficace, la cuiller, de petite dimension, est très bonne, manœuvrée lentement, soit au moulinet, soit à l’aide de la canne déplacée latéralement. Il est recommandé de placer sur le grappin ou l’hameçon simple, constituant l’armement de la cuiller, un pompon de laine rouge, cette couleur exerçant un attrait particulier sur la perche.

Si la cuiller est projetée au moyen du lancer, il est fort inutile de la projeter en pleine eau, n’importe où. Explorez surtout les bords et les environs des obstacles.

La touche de la perche lui est bien particulière ; deux coups espacés vous renseigneront de suite ; ne ferrez pas sec, un simple petit coup de poignet suffira pour ancrer les pointes du grappin.

Je parle de grappin sans vouloir en faire une obligation ; je considère, au contraire, que l’hameçon simple est tout aussi efficace et évite bien des accrochages dans les herbes ou les branches.

Il est recommandé, si on pêche à la cuiller lancée, donc plombée, de mettre 4e plomb tout contre la palette, pour ne faire qu’un seul point de mouvement, et d’attraction. Je vous disais, tout à l’heure, que la perche saute sur tout ce qui bouge, elle ne manquerait pas de bondir sur le plomb, si elle le voyait d’abord, ce qui est généralement le cas.

Il existe beaucoup de modèles de petites cuillers plombées en tête, et un pêcheur ingénieux peut très bien confectionner un modèle de son cru sans difficultés. Plus l’ensemble sera petit, meilleur il sera.

Il y a encore plusieurs autres façons de capturer la perche, mais leur description nous entraînerait trop loin. Nous parlerons seulement de la pêche au ver.

Elle ne diffère pas énormément de la pêche classique destinée à la truite ; la seule modification à observer est que les mouvements saccadés qui mettraient cette dernière en défiance semblent, au-contraire, être une cause de succès pour la perche.

Montez votre hameçon, à tige longue, no 6 ou 7, avec un petit fil d’acier rigide de 2 ou 3 centimètres ; puis enfilez une perle en cuivre, telle celle des épingles de sûreté, posez dessus une petite hélice brillante, découpée dans une boîte de conserves, serrez plus haut un grain de plomb no 5 ou 6, en ayant soin qu’il ne touche pas l’hélice, faites une boucle au fil d’acier, et l’appareil est prêt.

Ce ver, enfilé sur l’hameçon, jusque près de la perle, sans la toucher, sera bien rouge et ne dépassera que par l’ardillon : s’il est trop long, la perche le saisira par le bout et emportera tout le reste sans se piquer. Vous manœuvrerez votre canne soit en dandinant verticalement, soit par des mouvements latéraux de petite ampleur, simplement destinés à faire tourner l’hélice : ces mouvements sont inutiles dans un courant.

L’attaque sera brutale ; à vous de faire le nécessaire pour mener la lutte à votre avantage.

Cette pêche au ver, bien qu’utilisable en toute saison, est plutôt une pêche d’été, comme la pêche au vif ; ce dernier supporte mal l’opération dans l’eau glacée et meurt rapidement.

C’est donc à la dandinette et la cuiller que vous essaierez en décembre ; je suis certain que votre promenade hygiénique au bord de l’eau vous rapportera quelques perches, dont la chair très délicate fera bonne figure sur la table familiale.

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 593