Faire de l’exercice, c’est, en fin de compte, faire
travailler nos muscles, organes chargés de produire nos mouvements. Quand les
muscles travaillent, ils usent, ils brûlent nos matériaux nutritifs à
une allure accélérée, ils ne peuvent assurer cette vive combustion qu’avec de
l’oxygène que le sang doit leur apporter après l’avoir été chercher dans
les poumons, où il pénètre avec l’air atmosphérique grâce à la respiration.
D’autre part, cette combustion faite par les muscles laisse
des cendres, et surtout une sorte de fumée, qui est représentée par de l’acide
carbonique. Ce gaz de déchet doit être éliminé, et, pour qu’il soit évacué dans
l’atmosphère, le sang aura à l’emporter aux poumons.
Il s’ensuit que l’exercice active la respiration. Pour
prendre dans l’air plus d’oxygène et y rejeter plus d’acide carbonique il faut
respirer plus profondément et plus rapidement. Au repos, on fait environ mille
respirations à l’heure, dont chacune ne fait pénétrer qu’un, demi-litre dans la
poitrine. Ces 500 litres d’air à l’heure contiennent 100 litres
d’oxygène dont le cinquième, c’est-à-dire 20 litres, sont absorbés par le
sang. Telle est donc la consommation d’oxygène au repos.
Au cours d’un exercice d’une certaine intensité, comme une
course à pied, à l’allure de 12 à 14 kilomètres-heure, les mouvements
respiratoires se précipitent, montant à 1.800, à 2.00O à l’heure ; en même
temps, chaque respiration fait pénétrer au moins 2 litres dans les
poumons ; et si le cinquième de l’oxygène est encore absorbé, cela donne
une consommation de cet oxygène d’environ 150 litres à l’heure, soit sept à
huit fois supérieure à celle du repos. Dans les exercices très violents,
comme ceux qui ne peuvent être supportés qu’une ou deux minutes, la
consommation d’oxygène peut être encore bien plus forte.
Cette stimulation des fonctions respiratoires est un des
plus utiles effets de l’exercice. Car, s’il est possible de respirer peu,
puisqu’il suffit pour cela de s’abstenir de mouvements soutenus et énergiques,
cette façon de se conduire laisse les trois quarts des poumons inutilisés,
l’air neuf et vivifiant ne pénètre qu’à peine dans certaines de leurs parties,
notamment dans leurs « sommets », sous les clavicules, et dans leurs
« bases », en arrière, au-dessus des reins. Ces régions, s’engorgeant
d’air impur, se débilitent, perdent leur vitalité, et c’est en elles que
s’installent les plus fréquentes et les plua graves maladies des voies
respiratoires, la tuberculose, bronchites chroniques, congestions pulmonaires.
Au contraire, dans le vaste courant d’air fortement oxygéné
que l’exercice fait passer à travers les poumons en balayant leurs moindres
recoins, aucun microbe ne peut vivre, encore moins proliférer. Même contre les
rhumes, même pour résister à cette « grippe » qui est devenue une
sorte d’habitude annuelle chez beaucoup de gens, rien ne vaut la respiration
abondante et profonde qui, au moins une fois par jour, déplisse et vivifie
toutes les innombrables alvéoles dont sont constitués les poumons.
Mais il faut bien comprendre que ce « balayage » à
l’oxygène ne peut être bien et complètement effectué qu’avec le concours d’une
activité musculaire assez intense. On préconise volontiers la
« gymnastique respiratoire » ; on n’a pas tort tant que l’on ne
prétend pas qu’elle suffit à assurer la santé, à donner de la vigueur et de
l’endurance.
Les mouvements respiratoires exécutés « de pied
ferme », soit en plein air, soit devant une fenêtre ouverte, et qui
consistent essentiellement à inspirer, puis à expirer à fond, ne déterminent
pas une « consommation d’oxygène » sensiblement supérieure à celle
qui se fait au repos ; les muscles, ne travaillant guère, ne brûlent pas
beaucoup de matériaux nutritifs et n’ont donc pas besoin d’oxygène pour
effectuer cette combustion. Il s’ensuit que, si l’air pénètre en plus grande
abondance dans les poumons, grâce aux mouvements respiratoires poussés
volontairement à fond, il ne se fait pas au niveau des alvéoles ce vaste et
rapide échange d’oxygène contre acide carbonique qui représente la véritable
suractivité respiratoire. Celle-ci ne peut être obtenue que par un exercice
assez intense, un exercice qui, créant le besoin et l’appétit d’oxygène,
entraîne nécessairement sa fixation dans le sang.
Est-ce à dire que la gymnastique respiratoire soit
inefficace et inutile ? Non pas : mais il faut la considérer comme
une « technique » qu’il faut étudier et pratiquer pour que les
respirations amples et précipitées que provoqueront les autres procédés de
gymnastique, les jeux et les sports, soient aisément supportées et bien
coordonnées. Car, faute de savoir respirer, on s’essouffle trop facilement, et
l’exercice n’est pas mené aussi loin et aussi vite qu’il devrait l’être pour
avoir toute son efficacité.
En culture physique individuelle, la gymnastique
respiratoire ainsi comprise devient de pratique très simple, puisque c’est
surtout aux autres exercices qu’on demande de fortifier le corps et de
l’entretenir en bon état. Elle ne consistera qu’en trois séries de cinq ou six
respirations profondes, exécutées au début, au milieu et à la fin de chaque
séance de culture physique. Et voici comment on s’y prendra :
Position. — Debout, le torse nu de préférence,
se tenir droit, mais sans raideur, devant une glace. On contrôle ainsi son
attitude et ses mouvements. La chambre doit être bien aérée, fenêtre ouverte.
Inspiration. — Bouche fermée, comme c’est
l’habitude, mais nez bien ouvert, ce qu’on oublie généralement, de sorte que
l’aspiration de l’air fait s’accoler les deux narines contre la cloison médiane
et pénètre alors difficilement avec un bruit de reniflement prolongé : il
faut, par un effort volontaire, ouvrir largement les narines de façon que l’air
pénètre facilement et sans bruit. Souvent, il faut s’entraîner deux ou trois
jours pour obtenir cette « commande » des ailes du nez ; mais il
faut l’obtenir, c’est essentiel.
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Mouvement respiratoire.
1. Position et attitude de départ ; 2. position
d’inspiration complète par soulèvement et bombement de la poitrine ; 3. position
d’expiration complète par abaissement et rétraction de la poitrine avec
contraction terminale des muscles abdominaux.
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Par ce nez bien ouvert, l’inspiration est menée lentement,
progressivement, et à fond, en cinq à huit secondes. À mesure que l’air
pénètre, la poitrine se soulève et se bombe. Inutile de porter les épaules très
en arrière, ou très haut vers les oreilles, il faut surtout projeter en avant
le sternum — l’os du devant de la poitrine — et les côtes. Le ventre,
distendu par le soulèvement de la poitrine, s’aplatit complètement. Quand la
poitrine est pleine, rester une à deux secondes dans cette position
d’inspiration forcée.
Expiration. — On recommande souvent de n’expirer
que par le nez, en affirmant que la bouche est un organe digestif, qu’on ne
devrait employer qu’à manger et à boire. Mais c’est avec la bouche qu’on parle.
La parole et le chant sont des actes expiratoires naturels. Il faut donc
s’exercer à conduire son expiration par la bouche ; donc, en gymnastique
respiratoire, expirer tantôt par le nez, tantôt par la bouche.
L’expiration, surtout buccale, doit être conduite lentement.
À mesure que l’air s’écoule, il faut laisser la poitrine s’abaisser
progressivement et l’empêcher de tomber d’un seul coup, en se vidant de tout
son air.
Quand la poitrine est tout à fait tombée, en quatre ou six
secondes, il reste une manœuvre très importante à faire : elle consiste à
contracter le ventre, surtout dans sa partie inférieure, de façon que la paroi
de ce ventre se creuse vers l’intérieur en appuyant sur l’intestin et
l’estomac ; ceux-ci refoulent le « diaphragme », qui chasse
alors encore une certaine quantité d’air. Cette contraction expiratoire des
muscles abdominaux doit être bien travaillée ; on peut mettre quelque
temps à bien apprendre à la faire ; mais elle devient assez rapidement
habituelle, réflexe se produisant même dans les mouvements respiratoires
ordinaires.
Par ce procédé, assez simple mais très précis, on obtient
tous les résultats utiles qu’on peut espérer de la gymnastique respiratoire.
Mais il importe de mettre à profit ces résultats pour s’entraîner aux exercices
de culture physique individuelle.
Dr RUFFIER.
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