Contrairement à ce que croient encore beaucoup de personnes,
les arbres fruitiers ont des exigences en éléments fertilisants auxquelles le
sol est très rarement en état de satisfaire.
Les expériences faites à ce sujet ont en effet révélé qu’un
arbre fruitier, dont le branchage couvre 60 mètres carrés de terrain, doit
prendre annuellement dans le sol environ 1 kilogramme d’azote, 300 grammes
d’acide phosphorique, 650 grammes de potasse et 2 kg. 400 de
chaux.
Les quantités sont, d’ailleurs, susceptibles de varier
beaucoup, suivant l’âge de l’arbre et l’essence fruitière considérée. Au début
de son existence, et alors qu’il forme sa charpente, l’arbre demande
proportionnellement plus d’azote, cet élément étant celui de la pousse en bois
et en feuilles. Sa capacité de développement étant atteinte, la fructification
s’établit et, pour que celle-ci soit régulière et abondante, il faut surtout à
l’arbre de l’acide phosphorique et de la potasse.
Les fumures doivent donc varier en conséquence. Il faut
aussi tenir compte, dans leur application, de la nature du terrain, plus ou
moins riche en l’un ou l’autre des éléments fertilisants. On sait, en effet,
que, de façon générale, l’acide phosphorique manque à peu près dans tous les
sols, que les terrains argileux sont riches en potasse et les sols tourbeux en
azote, que les terrains calcaires ou siliceux manquent de ces deux éléments.
Or le seul emploi du fumier de ferme ne saurait permettre
les variations nécessaires dans la fumure. Le fumier étant le reflet du sol
manque, en effet, des éléments qui font défaut dans le terrain sur lequel sont
élevés les végétaux et les animaux ayant contribué à sa formation.
En augmentant la quantité de fumier apportée, on accroît le
déséquilibre au lieu de le corriger.
C’est donc aux engrais chimiques, qui renferment, dans des
proportions connues, les divers éléments fertilisants, qu’il faut avoir recours
pour établir des fumures convenablement équilibrées.
Fumure de fond.
— Au moment de la préparation du sol qui doit précéder
la plantation, il est toujours nécessaire de fumer à haute dose, en utilisant,
de préférence, le fumier des bêtes à cornes. Le fumier est incorporé sur toute
la surface de la couche remuée, pour les plantations faites à faible distance,
lorsqu’on défonce en plein. Il est mélangé à la terre remise au fond du trou,
après creusement de celui-ci, dans les plantations par trous.
On adjoint au fumier, dans cette fumure de fond, divers
engrais et notamment un engrais azoté à effet lent et progressif, un engrais
phosphaté et un engrais potassique.
Comme engrais phosphaté, la corne en copeaux, que
l’on trouve chez les maréchaux ferrants de nos campagnes, est l’idéal.
Malheureusement, elle n’est produite qu’en quantité fort limitée. On peut lui
substituer la corne broyée grossièrement, les tourteaux, déchets
de laine, poils, plumes, dont l’effet est également lent à se
manifester, et que l’on trouve plus facilement dans le commerce.
Comme engrais phosphaté, les scories de déphosphoration
conviennent en général fort bien, sauf dans le cas où le terrain est déjà riche
en chaux. On peut en mettre jusqu’à 40 kilogrammes par are dans un terrain
défoncé en plein, et 2 à 3 kilogrammes par trou lorsque la préparation du
sol s’effectue de cette façon. En terrain calcaire, on remplacera les scories
par du superphosphate, mais on réduira considérablement la dose.
Comme engrais de potasse, le chlorure de potassium, à
la dose de 7 à 8 kilogrammes par are, convient dans le cas de défoncement
en plein, tandis que le sulfate de potasse, moins caustique, est indique
dans les trous de plantation, à la dose de 4 à 500 grammes par trou.
Cette introduction, dans les couches profondes, d’éléments
phosphatés et potassiques, aura, par la suite, la plus heureuse influence sur
la production des arbres. On sait, en effet, que les fumures de surface, faites
plus tard avec ces engrais, ont fort peu d’action, ceux-ci ne pouvant descendre
jusqu’aux racines, retenus qu’ils sont par le pouvoir absorbant du sol.
Lorsque la fumure de fond a été convenablement effectuée,
elle peut dispenser d’appliquer à nouveau des engrais pendant quatre ou cinq
années consécutives, et même quelquefois davantage.
Au bout de ce temps, il deviendra nécessaire de restituer au
sol les éléments fertilisants qui lui auront été empruntés par l’arbre et ceux
qui, non utilisés, ont cependant disparu parce qu’entraînés par les eaux hors
de la portée des racines. On donne aux fumures qui visent à cette restitution
le nom de fumures d’entretien.
Fumures d’entretien.
— Comme fumure annuelle des arbres fruitiers, déjà en
place depuis longtemps, la suivante, par mètre carré de surface couverte par le
branchage, a été préconisée par divers agronomes :
Superphosphate de chaux |
50 à 60 |
grammes. |
Chlorure de potassium |
15 à 20 |
— |
Nitrate de soude |
20 à 25 |
— |
Le superphosphate et le chlorure de potassium sont épandus
sur le sol de novembre à février et enfouis par un labour à la fourche-bêche,
ou par un crochetage énergique. Quant au nitrate, il est semé, en couverture,
en deux fois, soit la moitié au printemps, à la fin de la floraison, et l’autre
moitié un mois ou un mois et demi plus tard. Le sulfate d’ammoniaque peut
remplacer le nitrate de soude à dose un peu moindre. On le sème au début du
printemps et on l’enterre par un labour léger.
De temps à autre, il sera utile d’apporter du fumier, afin
de maintenir au degré voulu la richesse du sol en humus. On emploiera du fumier
bien consommé et on s’efforcera de l’incorporer au sol par un bêchage à la
fourche à dents plates si les racines ne s’y opposent pas absolument.
300 à 400 kilogrammes de fumier à l’are constituent une
bonne fumure en terrain de moyenne richesse. À défaut de fumier, on pourra le
remplacer, tout au moins en partie, par des engrais azotés organiques :
sang desséché, vidanges, tourteaux, etc.
Le plâtre, à raison de 25 à 30 grammes par mètre carré,
est très indiqué pour fumer les arbres dans les terres bien pourvues d’engrais
azotés.
L’efficacité des fumures d’entretien dépend, dans une large
mesure, de la façon de les appliquer, il faut, en effet, tenir compte que,
seules, les jeunes racines sont en état de faire leur profit des engrais.
Aussi, convient-il de répartir ceux-ci à quelque distance du pied de l’arbre,
sur une surface circulaire dont le diamètre doit être supérieur de 1 à 2 mètres
à celui du cercle couvert par le branchage.
Parfois aussi on dépose les engrais dans une rigole de 25 à
30 centimètres de profondeur, pratiquée circulairement à l’aplomb de la
limite du branchage, ou bien dans deux rigoles perpendiculaires dont le point d’intersection
serait le pied de l’arbre, ou bien encore dans deux rigoles parallèles,
pratiquées à la même distance, l’une d’un côté, l’autre du côté opposé de
l’arbre.
Enfin, lorsqu’il s’agit exclusivement d’engrais chimiques,
on peut les appliquer dans des trous faits au pal ou avec une pince de maçon, à
raison de quatre par mètre carré. La quantité à mettre dans chaque trou est,
dans ce cas, calculée en tenant compte de la dose à appliquer par mètre carré,
qui varie selon la vigueur et la fertilité de l’arbre.
Récemment, il a été expérimenté avec succès un appareil,
sorte de pal s’adaptant sur les pulvérisateurs et permettant d’injecter sous
une certaine pression, dans le sol, des solutions d’engrais à action rapide. On
arrive ainsi à opérer rapidement et à relever le niveau de la végétation
lorsque celui-ci paraît insuffisant.
Pour un arbre peu vigoureux et fructifiant abondamment, il y
a lieu d’augmenter la quantité d’azote fournie, de façon à stimuler la pousse
foliacée et à éviter un épuisement prématuré du végétal.
Au contraire, pour un arbre vigoureux et peu enclin à la
fructification, il faut diminuer la proportion d’engrais azoté. On peut même,
pendant quelques années, supprimer complètement cet élément, augmentant les
quantités d’engrais phosphatés et potassiques. La fructification obtenue, on
pourra revenir à la fumure équilibrée indiquée ci-dessus.
E. DELPLACE.
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