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Entretien des prairies naturelles

Les prairies naturelles constituent une richesse importante de la France, non pas tant par les productions directes qu’elles fournissent, que par les possibilités qu’elles offrent. Or, il faut le reconnaître, des progrès sensibles sont réalisables ; pour le comprendre, il importe de partir de la prairie en hiver et de songer à son entretien.

On pourrait évidemment établir une distinction entre les prairies fauchées et celles qui sont pâturées, mais des soins généraux intéressent les deux genres de prairies. L’un des plus graves défauts des prairies naturelles réside dans leur mauvais assainissement : l’eau séjourne, des herbes grossières et tardives se développent dans ces endroits, et le fourrage obtenu, tout en étant de qualité médiocre, est souvent peu abondant. Les animaux sont mal nourris et les produits qu’ils fournissent s’en ressentent largement.

Pour assainir une prairie, les moyens diffèrent suivant le relief du terrain, la provenance de l’eau en excès, la nature du sol. Une facilité relative réside dans ce fait que la prairie n’est pas travaillée ; par conséquent, le système d’écoulement n’a pas besoin d’être situé très profondément et, pour assurer une évacuation suffisante des eaux enlevées, on a plus de facilités pour tracer un système à éléments rapprochés et peu profonds qu’un ensemble à éléments espacés mais placés plus profondément.

On peut se contenter de fossés à ciel ouvert, ces fossés servent même à partager la prairie, à constituer des compartiments surtout appréciables lorsque la prairie est pâturée, on trouve aussi de la sorte un moyen d’établir des abreuvoirs faciles. Ce système, en usage dans les prairies de la région basse de la Vendée et des Charentes, procure des résultats commodes. Dès que le relief est marqué, il faut chercher autre chose et c’est un système souterrain qui est envisagé.

Une prairie à surface irrégulière présente-t-elle des parties mouillées, souvent on obtiendra un assainissement satisfaisant en aménageant des boitouts, petits puits absorbants qui assurent un drainage local. Pas besoin de plan, l’exécution est assez facile. Si la cuvette est faible, si ces lieux humides sont rapprochés, il convient alors de procéder à la confection d’un réseau formé par des fossés à directions variées, mais qui peu à peu rassemblent les eaux collectées. Ces fossés, on les comble après avoir disposé au fond des matériaux au travers desquels l’eau pourra circuler.

Le dispositif varie avec les ressources locales, les prairies à assainir n’ont pas toujours une valeur telle que l’on puisse entreprendre de grandes dépenses en vue d’arriver au résultat recherché. Des pierres convenablement disposées, amoncelées dans le fond de la tranchée, ou bien formant un canal d’écoulement de section carrée, rectangulaire, trapézoïdal triangulaire, peu importe, donnent encore à l’eau le moyen de partir. Il ne s’agit pas là de systèmes d’assainissement absolument durables, la terre de comblement s’infiltre peu à peu. L’obstruction se manifeste, mais généralement la pente est suffisante pour qu’une sorte de colmatage ne provoque pas l’arrêt complet. Il faut toujours avoir soin de marquer des points de repère pour pouvoir pratiquer des fouilles, et, d’ailleurs, la place des tranchées d’assainissement reste toujours apparente même après de longues années.

Si la prairie ne présente pas cette irrégularité du relief, si, spécialement, la valeur du fonds est plus grande, on n’hésite pas à entreprendre un drainage proprement dit à l’aide de tuyaux de poterie placés en files parallèles. Mais un drainage par tuyaux revient à un prix élevé, et l’on a réalisé assez souvent en France un procédé qui est d’une application plus générale en Angleterre : le drainage par galeries sans tuyaux ; grâce à un instrument appelé charrue taupe, dont la pièce essentielle est une sorte d’obus pénétrant en terre à la profondeur que l’on veut, 40, 50, 60 centimètres, une galerie souterraine est établie ; en terre suffisamment argileuse, la section est bien nette et la persistance des bons effets assez durable pour que l’assèchement du terrain soit notable. Un collecteur mis en travers recueille l’eau de toutes les galeries parallèles.

L’assèchement ou assainissement des prairies est capital ; il est inutile de vouloir utiliser des engrais améliorateurs tels que les scories de déphosphoration, même de la chaux pour corriger l’acidité du milieu, si le terrain n’est pas sain. Que l’on fasse donc la chasse à toutes les parties de prairies où se développent des joncs, des herbes grossières appelées vulgairement laiches, et déjà la prairie changera d’allure.

Ce que l’on peut encore entreprendre au cours de la mauvaise saison, avant la pousse de l’herbe, c’est l’épierrement, le dérochement ; il n’y a pas autant de hâte à le faire que s’il s’agissait d’une terre en culture, notamment pour le dérochement qui entrave toute culture, mais peu à peu on gagne de la profondeur en terre végétale, on gagne quelques mètres carrés, ce sont quelques touffes de plus à consommer par le bétail, des éléments fauchables devant laquelle buttait l’instrument. Il faut vouloir entreprendre et espérer pour réussir.

Un autre problème se pose qui dépasse l’entretien des prairies dans les circonstances présentes, c’est celui de l’emploi des engrais. Il n’est pas douteux que l’engrais le plus utile dans la majorité des cas est constitué par les scories de déphosphoration. Grâce aux scories, on apporte deux éléments fondamentaux dont la carence cause un tort immense aux étendues fourragères : l’acide phosphorique et la chaux. Comment pallier à l’insuffisance des scories, aux difficultés résultant de leur transport ? C’est peut-être la chaux que l’on pourrait trouver le moins difficilement en faisant appel aux chaux industrielles de la région ; la finesse est un élément de succès, se renseigner aussi sur la qualité, sur la pureté, car des chaux dites agricoles sont souvent constituées par des calcaires broyés et plus ou moins blutés, dont l’action est infiniment plus lente. Mettre cette chaux en composts, la disséminer au distributeur d’engrais, intervenir de bonne heure pour avoir une action plus certaine. Pour l’élément phosphaté, accepter des phosphates naturels, mais se documenter également sur leur teneur et sur leur degré de finesse. Pour une meilleure action de ces phosphates, les employer avant la chaux, en alternant les années d’emploi.

BRÉTIGNIÈRE,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°604 Décembre 1941 Page 608