Il est à peine besoin de noter les difficultés de
ravitaillement au milieu desquelles la France se débat. Elles sont
malheureusement trop connues des ménagères. Qu’il nous suffise de rappeler un
principe souvent énoncé par les voix les plus autorisées et impérieusement
imposé par les circonstances : nous ne devons rien gaspiller, nous devons
utiliser tout ce qui peut l’être. Il reste cependant nécessaire que la ménagère
apporte à chaque membre de la famille, dans des menus aussi bien composés que
possible, les éléments indispensables à la bonne santé de chacun. Comment
concilier toutes ces exigences ? En tirant le meilleur parti possible des
aliments courants par l’utilisation de certaines parties habituellement
rejetées, telles que écorces d’oranges, feuilles de radis, feuilles de
carottes, etc. ; en cueillant certaines plantes qui poussent spontanément
dans la nature et dont racines, feuilles, fruits peuvent avantageusement
remplacer légumes et fruits coûteux, exigeant une culture spéciale. Nous allons
donner quelques recettes permettant d’utiliser au mieux résidus habituels des
aliments et plantes sauvages.
Utilisation de certaines parties des aliments
habituellement rejetées.
1° Écorces d’oranges confites.
— Se garder de jeter les écorces d’oranges. Les enlever
proprement, par quartiers, les mettre à tremper au moins pendant douze heures
dans de l’eau que l’on change plusieurs fois (on peut les laisser tremper
plusieurs jours, chaque jour peuvent s’ajouter aussi de nouvelles écorces aux
premières ; veiller simplement à changer l’eau et à ce que les écorces
restent fermes, ne se décomposant pas, ce qui n’arrive qu’après plus d’une
semaine en hiver). Au moment de les faire confire, les couper en petits dés,
les couvrir d’eau, les porter à ébullition et laisser cuire cinq minutes. Les
égoutter alors sur une passoire. Les peser. Mettre dans une casserole en
aluminium ou en émail 250 grammes de sucre cristallisé — ou de sucre
de raisin — pour 200 grammes d’écorces cuites, égouttées et un demi-verre
d’eau. Porter le sirop à ébullition, y plonger les écorces, laisser bouillir
quelques instants à gros bouillons puis deux heures à petit feu. Mettre en
pots.
2° Confitures aux écorces d’oranges et à la courge.
— Couper un morceau de courge en petits dés, ajouter un
peu d’eau ; la faire cuire jusqu’à ce qu’elle se réduise en purée, ce qui
se produit au bout de dix à quinze minutes d’ébullition. Ajouter alors un poids
égal d’oranges confites préparées comme ci-dessus. Faire bouillir le tout
ensemble cinq minutes. Mettre en pots ; excellente confiture qui se
conserve telle quelle plusieurs mois d’hiver. Pour la conserver en été, il est
nécessaire d’ajouter à la purée de courge un poids égal de sucre avant
d’ajouter les oranges confites.
3° Thé de pommes.
— Garder les cœurs et pelures de pommes (les reinettes
sont celles qui conviennent le mieux). Mettre dans une casserole, couvrir
d’eau, porter à ébullition, laisser infuser quelques minutes, tamiser à l’aide
d’une passoire, sucrer légèrement. Excellente boisson à consommer soit chaude
(à recommander pour les malades, les grippés), soit rafraîchie (on peut
employer des épluchures fraîches ou séchées).
4° Gelée de pommes.
— Conserver cœurs et épluchures de pommes, les couvrir
d’eau, porter à l’ébullition jusqu’à ce que les parties de pommes adhérant à la
peau et aux pépins cèdent sous les doigts. Filtrer, peser le liquide. Ajouter
un poids égal de sucre cristallisé. Porter à l’ébullition en remuant
constamment jusqu’à dissolution complète du sucre, laisser bouillir dix minutes
à gros bouillons. Mettre en pots (vérifier que la gelée soit cuite à
point : en laissant tomber une goutte chaude sur une assiette froide, elle
doit former une perle et non s’aplatir). Parfumer à volonté avec un zeste de
citron.
5° Confitures d’écorces d’oranges au jus de pommes.
— Préparer des écorces d’oranges confites coupées en
petits dés comme il est dit ci-dessus. Préparer d’autre part une gelée de
pommes avec cœur et épluchures, comme il est dit ci-dessus. Mélanger les deux
préparations encore bouillantes. Faire bouillir une ou deux minutes et mettre
en pots. (Confitures excellentes : seules, les écorces d’oranges sont un
peu amères et seule la gelée de pommes est un peu fade ; le mélange des
deux est exquis.)
6° Feuilles de radis.
— D’abord, en mangeant les radis comme hors-d’œuvre,
absorber le petit bouquet de feuilles tendres qui les accompagne ;
certains médecins assurent qu’elles facilitent la digestion des radis eux-mêmes
et des autres aliments.
Salade aux feuilles de radis.
— Choisir des feuilles de radis très fraîches, les bien
laver, les couper en lanières dans un saladier, ajouter quelques pommes de
terre préalablement cuites à l’eau et refroidies ; assaisonner de sel,
d’huile et de vinaigre. Excellent hors-d’œuvre. (On peut utiliser de la même
façon les feuilles de navets ou de raves.)
Potage aux feuilles de radis.
— Faire cuire quelques pommes de terre, les réduire en
purée, ajouter de l’eau et du lait en quantités égales jusqu’à obtenir la
consistance voulue. Saler ; au moment de servir, ajouter des feuilles de
radis hachées menu, verser dans la soupière sur un peu de beurre. (On peut
utiliser de la même façon les feuilles de navets.)
7° Feuilles de salsifis.
— Quand nous avons mangé les racines des salsifis ou
des scorsonères, n’en jetons point les feuilles. Accommodons-les plutôt à l’une
des façons suivantes :
Feuilles de salsifis à l’étuvée.
— Bien laver à grande eau, puis cuire à l’eau salée.
Les égoutter, les hacher ; remettre à étuver à feu doux avec du beurre ou
du lait pendant quelques minutes.
Feuilles de salsifis parmentière.
— Ajouter au hachis précédent un tiers de purée de pommes
de terre assez liquide et faire gratiner au four avec chapelure, beurre ou
huile.
Purée de feuilles de salsifis aux croûtons.
— Le hachis est servi avec des croûtons de pain frits à
la poêle (ou simplement dorés dans la poêle à sec). On peut utiliser les
feuilles de carottes exactement de la même façon.
Gratin de feuilles de salsifis.
— Le hachis est mis au four dans un plat à gratin,
saupoudrer d’un peu de gruyère râpé, puis couvrir d’une sauce blanche.
Salade de feuilles de salsifis.
— Les feuilles bien lavées et égouttées sont
assaisonnées avec sel, huile, vinaigre ; excellente salade. On peut, à
volonté, ajouter pommes de terre préalablement cuites à l’eau et refroidies ou
betteraves rouges.
8° Utilisation des tiges de choux, de laitues, etc.
— Lorsque les feuilles de choux ou de laitues ont été
enlevées, il reste la tige blanche, plus ou moins grosse, plus ou moins dure.
La couper en petits morceaux, que l’on ajoutera aux légumes de la soupe réduits
en purée.
9° Utilisation de l’eau de cuisson des légumes.
— En principe, il vaut mieux faire cuire les légumes
frais à la vapeur qu’à l’eau : chacun sait que les pommes de terre cuites
à la vapeur ont bien meilleur goût que cuites à l’eau. C’est qu’ainsi beaucoup
de matières solubles dans l’eau (sels minéraux et vitamines spécialement)
demeurent dans le légume, améliorant sa saveur et augmentant sa valeur
nutritive. Si on ne possède pas de cuiseur à la vapeur, employer très peau
d’eau pour la cuisson des légumes (sinon, ils sont trop lavés et perdent leur
saveur) et la conserver pour un potage.
Eaux de cuisson des haricots verts, des carottes, des
salsifis, des choux-fleurs, des navets, des asperges, des céleris, des
artichauts, des pommes de terre, etc., sont excellentes pour les potages. L’eau
de cuisson des légumes secs est bonne aussi, mais on peut rejeter la première
eau de cuisson obtenue après quelques minutes d’ébullition. Exemple : potage
à l’eau de cuisson de chou-fleur (le chou-fleur en cuisant répand une mauvaise
odeur, mais l’eau de cuisson elle-même a un goût excellent), ajouter de l’eau
pour obtenir la quantité de liquide voulue, saler très légèrement (l’eau de
cuisson des légumes est très salée elle-même) ; jeter des pâtes fines
— ou du vermicelle — ou du quaker-oats dans le liquide en
ébullition ; quand le tout est suffisamment cuit, verser dans la soupière
sur un morceau de beurre, ou sur de la crème, ou sur deux œufs battus.
Les sels minéraux sont des éléments nécessaires à
l’édification des tissus et à l’assimilation des autres aliments ; ils
sont indispensables à tout organisme adulte, mais surtout aux enfants et aux
adolescents. Aussi, ne jamais jeter les eaux de cuisson des légumes, qui en
contiennent en abondance.
10° Utilisation des fruits sauvages dans la confection
des confitures.
— Les framboises, les mûres, les airelles ou myrtilles,
les baies de sureau, les groseilles sauvages, les fruits rouges de l’églantier,
les azerolles, les arbouses peuvent être utilisés pour la confection
d’excellentes confitures.
Ne gaspillons rien. Quand la France souffre, sachons plus
que jamais tirer parti des choses.
A. PEYREFITTE.
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