Croissance artificielle des végétaux.
— Peut-on dire que l’on soit capable aujourd’hui de
« fabriquer » en série les cellules vivantes, substratum de tout
organisme ? On ne saurait prétendre égaler la nature, qui cache encore de
grosses inconnues, et surtout surmonter toutes les difficultés d’ordre
pratique ; les travaux de Carrel et des savants modernes nous permettent
néanmoins d’espérer, dans cet ordre d’idées, des découvertes vraiment
sensationnelles ... et qui bouleverseront, peut-être, le monde, car tous
les domaines de la science, en progression constante, découvrent chaque jour
des horizons insoupçonnés.
Il y a quelques années, la chimie s’enrichissait d’un corps
nouveau, l’hétéro-auxine, ou, plus scientifiquement, l’acide indol β-acétique.
À vrai dire, ce n’était pas un corps absolument nouveau, car il avait été
depuis quelque temps déjà identifié dans l’urine ; de formule simple, à
noyau benzénique et pyrolique, il provient, par hydrogénation et oxydation
successives, de la désintégration des albuminoïdes, en particulier du
tryptophane, soit sous l’influence diastasique, soit sous l’action microbienne.
Ce qui est curieux, c’est que ce corps, qui, considéré biologiquement,
n’est qu’un « déchet » de l’organisme animal, ou un produit d’excrétion
de certaines levures, a fait l’objet de recherches et d’applications pratiques
qui ne sont pas sans intérêt et qui peuvent être répétées aisément.
Sa propriété, pour le moins originale, serait de prolonger
l’allongement de la membrane cellulaire et la multiplication de racines et
radicelles, et d’autre part, en provoquant une véritable anarchie cellulaire,
de produire des tumeurs de nature cancéreuse. Pour cela, il est préférable de
partir d’hé-téro-auxine purifiée, ce qui est facile, puisque la synthèse de ce
corps a été obtenue facilement.
Certains auteurs opèrent par badigeonnage ou par injection.
Dans le premier cas, on prépare une « pommade » à base de lanoline,
ou, mieux encore, on mélange une solution aqueuse de ce corps avec agar-agar,
glucose et talc, ce qui donne sensiblement un gel qu’on emploie, ainsi que la
pommade, par application.
En opérant avec des mixtures à 0,5 p. 100
d’hétéro-auxine, on constate sur les tiges de belladone, Atropa belladona,
une courbure très accentuée, maxima vingt-quatre heures après l’application, se
maintenant plusieurs semaines, mais cette courbure ne se manifeste qu’au point
même du traitement.
Plus intéressante est la technique par injection :
De préférence, on choisit les tiges à cavité médullaire
divisée par des diaphragmes nodaux et de 80 centimètres de hauteur
environ ; les tiges de rhubarbe et de diverses polygonacées se prêtent à
merveille à l’expérience.
Au sommet d’un entre-nœud choisi, on introduit une simple
aiguille à injection hypodermique pour assurer le départ d’air chassé par
l’injection d’auxine à un niveau légèrement inférieur.
Avec une solution fraîche à 0,10 p. 1.000, on
opère l’injection, exactement comme pour une injection sous-cutanée. D’autre
part, sur une tige-témoin de la même souche et sensiblement égale, on répète
« à blanc » l’opération avec de l’eau distillée.
Comme dans le cas précédent, il y a courbure, mais non plus
au lieu même de l’injection, mais dans le troisième entre-nœud supérieur à
celle-ci.
Les phénomènes, invariables dans toutes les plantes à tige
segmentée et à cavité médullaire, militent tous en faveur d’une croissance
cellulaire, sans multiplication anormale. Sans doute y a-t-il dissymétrie
d’élongation, que traduit la courbure des tiges en expérience, mais, comme tous
les essais ont été faits sur des plantes en pleine terre, à l’air libre, il est
vraisemblable de penser que le phototropisme est intervenu dans le sens de la
courbure ; il y aurait donc un nouveau champ d’expérience à tenter avec
des plantes en pots, dont toutes les faces pourraient être successivement et
également baignées par la lumière ; de même que de nouveaux essais faits à
l’obscurité seraient peut-être susceptibles d’apporter de nouvelles données sur
la question.
Le mystère des simples dévoilé.
— Quand, cet hiver, vous préparez un cataplasme ou un
enveloppement sinapisé en saupoudrant de farine de moutarde un linge trempé et
essoré d’eau bouillante, vous êtes-vous demandé à quel « brûlant
génie » vous devez l’action révulsive, pourquoi la peau devenait d’un
rouge-carmin splendide, en même temps qu’une cuisson pénible vous faisait
endurer un supplice digne da Tantale !
Sans établir les formules et équations chimiques qui
risqueraient de paraître énigmatiques à beaucoup, sachez que la moutarde
renferme un « glucoside », corps sulfuré, et, d’autre part, un
ferment, la myrosine, qui, en présence d’eau tiède, va « cambrioler »
le glucoside pour donner naissance à l’essence de moutarde, très volatile,
d’odeur et de saveur acres et piquantes, très irritante pour les muqueuses et
provoquant le larmoiement ; pour les mêmes raisons, vous comprendrez
pourquoi « la moutarde monte au nez ».
Quand, après avoir employé les moyens draconiens, quand, le
mal étant conjuré, la congestion ou la pleurésie enrayée, vous employez les
moyens lénitifs pour restaurer un épiderme un peu brutalisé, c’est à la farine
de lin que vous vous adressez, sauriez-vous dire à quel principe magique est
due son action émolliente ? À l’huile, direz-vous ... Oui et non, car
une farine de lin, même déshuilée, jouit de propriétés adoucissantes.
Alors ? ... Alors, avez-vous remarqué que, délayée dans l’eau chaude,
elle se gonfle et devient visqueuse à souhait ? Ainsi, vous tenez la clef
de ce nouveau mystère : dans les téguments externes de la graine, toutes
les cellules sont remplies de mucilage (jusqu’à 2 p. 100) soluble
dans l’eau très chaude et décomposé par ébullition prolongée. C’est grâce à
lui, par suite d’une affinité très grande et d’un non moins grand pouvoir
décongestif pour la cellule, que la farine de lin — toute bonté et douceur
— jouit d’une grosse action émolliente.
P. LAGUZET.
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