Les circonstances me permettent seulement aujourd’hui
d’entretenir le public de la dernière émission de vignettes marocaines, qui
date cependant de 1939. Des dessinateurs en renom, tels Quesnel, Josso, Vaur,
Hainaut et Hourtal, y contribuèrent, ainsi que les graveurs, Barlangue, Delzers,
Ouvré, Cheffer, Piel et Gandon.
La petite ville de Sefrou, située à quelques lieues de Fes,
la capitale du Nord, l’ombrage de ses jardins renommés et la Mosquée ont
inspiré à Quesnel et Ouvré un timbre d’une grande finesse, de trois valeurs
différentes.
Hourtal et Barlangue ont obtenu un effet heureux en
éclairant la Médina de Salé, qui se détache d’une obscure ruelle où s’agite la
population indigène. Signalons à ce sujet que le 2 fr. 50
rouge-brique a été modifié et qu’un 2 fr. 50 bleu foncé a été mis en
circulation dernièrement.
Le dessinateur Josso et le graveur Gandon ont traité trois
timbres d’une manière très différente. Le premier, d’un dessin souple mais
précis, représente des cèdres du Moyen Atlas et la faction d’un cavalier
berbère. Sur le second, aux pieds des contreforts de l’Atlas, un berger chleuh,
en tunique courte, a groupé son troupeau à l’ombre d’arganiers, arbres
spécifiques à l’Afrique du Nord. L’ensemble compose un tableau très agréable,
tandis que, pour le troisième timbre, sur le fond des altières murailles
découpées de la ville de Salé, se détachent un canon portugais du XVIe
siècle et un coin de la puissante forteresse des Oudaïas, battue par les flots,
tandis que, évocation des pirates salétins, une barque, toutes voiles dehors,
rentre au port. Les valeurs 0 fr. 50 et 0 fr. 60 de ces
timbres ont vu leurs couleurs modifiées et rapidement épuisées, ces vignettes
bénéficient d’une cote élevée.
La faune marocaine du Sud se trouve évoquée d’une touche
légère par Vaur et Cheffer, avec une gazelle finement campée près d’une
palmeraie, tandis que sa compagne repose. Dans le lointain se profilent une
casbah et la ligne fuyante de l’Anti-Atlas. Dans cette série des gazelles, les
5, 10 et 20 francs ont eu un tirage très limité et doivent attirer l’attention
des collectionneurs. Hainaut et Cheffer ont composé une très jolie vignette, la
plus réussie, à mon sens, de cette émission. Elle représente un Ksar des
Mezguita du Drâa, demeure seigneuriale des grands caïds du Sud tapie au pied de
la montagne. L’encadrement est composé avec des motifs d’étoffes Aït-Ouaouzguit
qui se tissent sur le versant saharien de l’Atlas, près du Moyen Drâa. Deux
valeurs, celles de 0 fr. 75 bleu-hirondelle et de 1 fr. 35
sanguine foncé, qui furent supprimées, sont à rechercher.
Le panorama de Fes, la Ville Sainte des musulmans, la cité
mystérieuse que fonda Moulay Idriss en 808, est dû au dessinateur Laurent et au
graveur Piel. Ce timbre possède trois valeurs, dont le 2 fr. 25 fut retiré
de la circulation.
Pour terminer l’émission marocaine de 1939, composée
uniquement de timbres gravés en taille-douce, je signalerai l’œuvre de Vaur et
Cheffer créée pour la poste aérienne. D’une facture moderne, le dessin unit la
haute silhouette du minaret du Chellal à Rabat à un envol de cigognes, très
stylisées, symbole de deux civilisations que le temps désormais a reliées.
Valeurs : 0 fr. 80, 1 et 5 francs.
Un des plus beaux timbres de la poste aérienne, valeurs 1 fr. 90,
3 et 10 francs, est l’œuvre de Josso et Gandon. Un trimoteur Dewoitine
couvre de son ombre gigantesque une partie du Maroc et la Rose des vents,
évocatrice des grands voyages.
Notons pour les collectionneurs qu’à ses débuts, en octobre
1913, l’Office des P. T. T. du
Maroc utilisait les mêmes figurines que les bureaux français, mais avec la
surcharge « Protectorat Français ». En 1917, cet Office procédait à
l’émission d’une série de timbres-poste en taille-douce, suivie, en 1923, d’une
série de monuments (héliogravure). 1922, 1923 et 1926 virent une émission de
timbres par avion (héliogravure) particulièrement recherchée, tandis qu’en 1932
l’Office renouait avec le procédé de la taille-douce. Le dessinateur Belliot
fit la maquette de dix séries de vignettes que gravèrent Mignon, Mourriez,
Cheffer, Deizers, Piel Dezarrois, et ces séries sont toutes d’une bonne venue.
À notre époque où la réforme de l’enseignement va orienter
nos jeunes gens vers une vie moins trépidante, il faut souligner combien la
philatélie peut ouvrir d’horizons et meubler sainement les heures calmes pour
de jeunes cerveaux.
Avec l’émission marocaine 1939, c’est l’histoire, la
géographie, la géologie, la flore, la faune et les mœurs de ce pays si riche
qui créent un champ d’investigation aux esprits curieux.
L’enseignement autodidactique n’est-il pas celui qui, bien
souvent, laisse les traces les plus profondes ?
Armand AVRONSARD.
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