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Le chien de chasse

Son dressage et son utilisation en chasse.

Dans ma précédente causerie, j’ai traité assez longuement de la question des reproducteurs primés en fields trials. Au risque de paraître fastidieux, il faut cependant que j’essaie de mettre au point un côté de cette question, qui va peut-être m’attirer une controverse avec les milieux dirigeants canins.

Mais je parle surtout en chasseur, désireux de tirer le meilleur parti à la chasse de nos bons auxiliaires canins.

On a surtout recherché, dans les compétitions sur le terrain, le bon chien découpant bien son terrain avec quête méthodique et réglée, le nez au vent, indiquant bien le gibier et l’arrêtant ferme à une distance évaluée entre 20 et 40 mètres, dénommée « à portée de fusil », celle qui doit faire tirer le gibier le plus aisément à son maître. Cela est très bien.

Mais à ce bon trialer il manque parfois une qualité : c’est de savoir pister le gibier — perdreaux en l’occurrence — qui essaie de se défiler à patte. Je vais essayer de me faire comprendre.

Aux concours de printemps, quand, après avoir pris les émanations le nez haut, le chien s’amène sur la pariade de perdreaux, celle-ci, au lieu de s’envoler, essaie de ruser et court à gauche et à droite, et cela longtemps parfois avant de prendre son essor.

C’est ce que fait en période de chasse le perdreau isolé ; et j’ai remarqué, depuis une dizaine d’années, que les perdreaux, apeurés sans doute par les coups de fusil trop répétés, essaient de fuir longtemps à patte avant de s’envoler.

Très souvent, si l’on n’a pas un bon chien pisteur et calme tout à la fois, on les perd ; et encore plus facilement un perdreau ou tout autre gibier blessé.

Donc, le trialer s’amène sur la pariade de perdreaux. Il prend l’arrêt, mais rien ne vole. C’est ce que l’on appelle « arrêt de place chaude ». À ce moment-là, le chien relancé par son conducteur reprend sa quête et recherche les perdreaux fuyards. Souvent il les retrouve, les arrête ferme et les perdreaux s’envolent. Mais souvent, aussi, si les oiseaux sont tenaces à fuir à patte, ou si le chien n’a pas un très bon vent ou pas de vent du tout (ce qui arrive très souvent à la chasse), il les perd.

J’ai eu, il y a un certain nombre d’années, deux bons trialers qui, arrêtant la place chaude, au lieu de reprendre leur quête le nez au vent, prenaient d’eux-mêmes la piste et s’assuraient infailliblement par arrêts successifs sur le gibier fuyard. À ceux-ci, les juges, tout en reconnaissant que c’étaient de bons chiens de chasse, leur reprochaient de « pistailler ».

Eh bien ! à mon humble avis, ces juges étaient dans l’erreur.

Nous n’allons peut-être pas être d’accord, et je le regrette, car ces deux sujets furent des chiens de chasse incomparables. Que de perdreaux blessés m’ont-ils retrouvés et rapportés après des recherches parfois d’une demi-heure ! L’un d’eux me coula, un jour, un perdreau blessé qui, après une fuite à travers champs, avait pris une route goudronnée en plein midi sur au moins cinq cents mètres. Il l’arrêta ferme dans le fossé et me le rapporta. J’étais avec plusieurs camarades de chasse, dont les chiens avaient abandonné la partie. Ils en restèrent cois et nous rentrâmes au rendez-vous de chasse sans dire un mot. L’exploit de mon chien leur avait coupé la parole.

Les descendants de ces deux bons sujets ont perdu un peu cette précieuse faculté de pister, et cela est assez fâcheux, car ils perdent parfois le gibier blessé. Je vais tâcher d’y remédier dans les prochains jeunes que je vais élever.

Voilà donc la question que je voudrais voir résolue au grand profit du classement idéal des reproducteurs canins : un bon chien de field trial, qui doit aussi être un bon chien de chasse, doit savoir pister sagement, et par arrêts successifs s’amener sur le gibier qui fuit à patte sans pour cela devoir être relancé par son conducteur, celui-ci n’ayant ni le flair ni la faculté de retrouver le gibier aussi bien que le chien.

LE VIEUX DRESSEUR.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 16