Au moment où ces lignes sont écrites, les nécessités de
l’époque me mettent dans l’obligation de voir en avant et de supposer un
ensemble de circonstances au milieu desquelles on devra évoluer. Mais il est
permis d’affirmer que la situation générale ne sera pas tant modifiée que l’on
ne puisse deviner les soucis qui étreindront tous ceux qui ont une parcelle de
terre à cultiver ou de grandes étendues à mettre en état.
Du point de vue technique, il faudra toujours essayer de
réunir le maximum de conditions favorables pour augmenter la production, et
c’est justement cet ensemble de conditions favorables qui ne se dessine pas
nettement. Quel minimum doit-on essayer de mettre dans son jeu ?
La même question revient à l’esprit : il n’est pas de
récoltes intéressantes dans les terres sales ; la terre plus ou moins
couverte d’herbe leur livre d’abord les éléments fertilisants mobilisés par
suite de façons culturales heureuses, ou résultant d’engrais venus du dehors.
C’est donc de ce côté qu’il convient de tourner son attention. La terre a été
labourée ; dès les premiers rayons de soleil, elle se couvre de jeunes
plantes diverses, il est sage d’attendre une germination suffisante pour
détruire toute cette végétation par une façon légère. Si la terre n’a pas encore
été labourée, par suite d’une moindre division superficielle, il y aura peu
d’encombrement ; seulement, on devra veiller plus tard.
Évidemment, on ne doit pas sacrifier la récolte essentielle
à ce désir de détruire de l’herbe, on risquerait de retarder l’époque des semis
et le mal deviendrait plus grand que l’inconvénient que l’on a voulu éviter.
Mais, alors, des précautions doivent être prises, destruction mécanique par
hersage ou binages, destruction chimique par les divers produits dont on
dispose à cet effet.
Une céréale souffre peu de retard pour l’époque du semis, il
s’agit de l’avoine ; nous mettons le blé hors de cause, car il faut
confier les semences de printemps à la terre dès que possible. L’orge, au
contraire, présente plus de souplesse, elle accepte mieux un semis
retardé ; toutefois, il ne faut pas trop marquer la différence, car les
orges semées tardivement donnent une proportion énorme de paille par rapport au
grain et la qualité du produit laisse en outre à désirer.
Si l’on voulait retarder davantage dans le groupe des
céréales, mais avec un champ d’action rétréci, il faudrait faire appel au
sarrasin ; il jouit alors d’un merveilleux pouvoir étouffant à l’égard des
mauvaises herbes. Le sarrasin peut ainsi être semé jusqu’à la fin de juin, même
au début de juillet, les produits sont moins avantageux, mais un but essentiel
a été atteint.
Les plantes sarclées, malgré les soins dont elles sont
l’objet en cours de végétation, aiment à venir en sols déjà propres.
D’ailleurs, si l’on travaille bien avant la semaille ou la plantation, des
façons assez nombreuses sont données, si quelque pluie tombe sur la terre plus
ou moins divisée, on assiste à une levée de mauvaises plantes qu’un coup de
herse on de canadien détruit. Il est donc possible de retarder un peu le semis
pour obtenir un résultat satisfaisant. Sans abuser encore du retard qui
causerait un préjudice sérieux à la production, c’est avec la betterave qu’il
est le mieux possible de jouer de cet artifice pour se débarrasser de plantes
gênantes.
Ce chapitre de la propreté des terres à ensemencer étant
envisagé et réglé, il importe de voir le problème sous un angle plus large et
d’examiner froidement l’opportunité de renoncer à une production pour songer
simplement à la suivante, pratiquant ainsi pendant toute une saison la jachère
cultivée.
Cette proposition peut surprendre alors que, par ailleurs,
on défriche des terres abandonnées et que l’on recommande de garnir la moindre
parcelle. C’est juste, il faut tendre vers cet objectif alimentaire, mais, pourtant,
à titre exceptionnel, la jachère est susceptible de rendre des services
signalés.
Une ferme ne dispose pas de moyens de travail en quantité
indéfinis, un élément est nettement déficient, c’est celui de la
main-d’œuvre ; sans main-d’œuvre, pas de cultures sarclées convenables.
D’autre part, on manque d’engrais ; des cultures sans engrais, pour peu
que la terre soit de valeur moyenne, ne donneront que des productions
atténuées ; le prix de revient en sera élevé, les mêmes frais généraux continuant
à courir. Alors pourquoi se condamner à faire à demi les choses, à risquer de
salir les terres parce que les plantes cultivées les couvriront moins. Il
semble qu’il soit préférable de bien faire sur une surface réduite et de
traiter par la jachère les terres en supplément. Dans ce cas, il faudra être
très sévère pour la jachère, ne rien négliger pour ameublir, nettoyer en un
mot, préparer pour des récoltes de 1943 qui bénéficieront du travail du sol
mobilisateur des réserves du terrain.
L’aménagement général étant terminé, le problème des
réalisations est abordé avec plus d’aisance. On songe au facteur
semences ; il faut y réfléchir plus tôt, car une caractéristique du
moment, c’est le temps considérable qui est nécessaire pour obtenir quelque
chose. Les conditions actuelles sont peu favorables à la production des
semences, non pas qu’on les considère en elles-mêmes, mais en invoquant le
grand problème de l’équilibre des prix. Le délai nécessaire pour obtenir des
graines, sauf celles de céréales, est long, l’obtention de la graine demande
des préparations longues et coûteuses ; alors les plantes de base, qu’il
s’agisse de graines fourragères comme la vesce ou la féverole, prennent le
chemin du torréfacteur ; les salades vont sur la table, etc., conclusion,
pas de semences. La solution véritable consisterait à majorer les prix des
graines, mais ce côté de la question paraît avoir échappé aux soucis, nombreux
par ailleurs, des personnes dont c’est la fonction.
Il est utile aussi, dans le courant de l’hiver, de faire une
visite sérieuse du matériel et de l’outillage. On devrait se servir de l’un et
de l’autre avec tout le respect que l’on doit à des bons serviteurs ; le
comprennent ceux qui achètent leurs outils, mais les autres ?
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole.
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