En raison des restrictions alimentaires, la bonne
conservation des tubercules est devenue un problème tout à fait d’actualité. La
rareté des tubercules de consommation, les difficultés que l’on éprouve à se
ravitailler en bonnes semences font un devoir à tous les détenteurs de pommes
de terre d’améliorer autant faire se peut les conditions de conservation et de
stockage. Il est indispensable de réduire les pertes au minimum.
Quelles pertes ou quels accidents peuvent résulter d’une
conservation défectueuse ? Ce sont d’abord les pertes résultant du gel
qui, tout le monde le sait, provoque l’altération des tubercules ; ce sont
ensuite les pourritures diverses qui entraînent de graves dégâts dans les tas
de pommes de terre ; c’est enfin la germination hivernale et printanière
qui, lorsqu’elle est trop poussée, rend les tubercules mous et d’un goût sucré.
Ces divers accidents peuvent être évités, tout au moins en partie, si l’on
connaît les principes rationnels de conservation, lesquels concernent les
conditions de température, d’humidité, d’aération et de lumière.
Les tubercules sont des organismes vivants.
— Un tubercule n’est pas une simple agglomération de
fécule et d’eau, de nature amorphe, mais un organisme vivant que l’on peut
comparer aux graines des céréales, aux bourgeons des arbres fruitiers. C’est un
fait à ne pas oublier : le tubercule vit mais sous une forme ralentie.
Comme tel il respire faiblement, dégage du gaz carbonique et consomme ses
propres réserves. Le caractère vivant du tubercule se démontre assez bien par
certaines réactions de défense constatées lors de divers traumatismes ;
sous la peau, enlevée de même que sur la chair traumatisée, on voit petit à
petit se former une couche liégeuse et coriace destinée à protéger les tissus
sains. L’utilisation des réserves nutritives par la respiration ou la
transpiration se manifeste par la perte de poids subie par les tubercules au
cours de l’hiver. Cette perte, plus considérable en cave qu’en silo, est en
moyenne de 10 p. 100.
La température favorable à la conservation.
— Cette température varie entre 2° et 8°. Il est bon de
vérifier avec un thermomètre la température des locaux où sont entreposées les
pommes de terre ; caves, celliers, hangars. Suivant le degré de chaleur
constaté, on calfeutre les ouvertures ou bien on les ouvre largement.
Au-dessous de zéro, l’eau des tubercules (en moyenne 75 à 80
p. 100 de la masse) se congèle et l’altération des tissus se produit. Les
pommes de terre gelées deviennent flasques, inutilisables pour la consommation
humaine.
Au-dessus de 8° les germes se développent et s’allongent
petit à petit. Deux faits importants sont en outre à signaler : d’abord la
multiplication des parasites microbiens ou cryptogamiques, d’où la production
de moisissures diverses, l’altération des tubercules déjà en partie atteints,
ensuite la formation de certaines matières sucrées au détriment de
l’amidon ; les tubercules prennent une saveur douce légèrement sucrée.
Dans un local où, à l’automne, on a entreposé des tubercules
d’apparence saine, mais provenant de cultures mildiousées, on peut observer
facilement l’effet de la ventilation et de l’abaissement de la température.
Pour arrêter, dans le local fermé, le début d’altération et l’odeur de
tubercules pourris, il suffit d’ouvrir les portes et fenêtres et par ce fait
d’abaisser la température ; le développement du mildiou des tubercules
s’arrête au moins dans les parties supérieures du tas.
L’humidité et la conservation.
— Si un excès de chaleur est nuisible on peut en dire
autant d’un excès d’humidité.
Dans les silos où l’eau filtre difficilement, où la partie
inférieure est constamment humide, il n’est pas rare d’observer des altérations
de tubercules dans le bas alors que le haut reste intact. La même remarque peut
se faire dans les caves où la conservation est toujours moins bonne dans les
couches inférieures des tas.
La précaution qui consiste dans les caves à placer une bonne
couche de paille le long des murs et un lit de planches sur le sol est à
recommander. On évite que les silos soient inondés par les eaux de
ruissellement en creusant des rigoles extérieures qui contournent les silos.
En ce qui concerne la hauteur des tas de pommes de terre, il
est communément admis que cette hauteur ne doit pas atteindre plus d’un mètre.
C’est en raison de l’humidité et de réchauffement des parties basses que cette
épaisseur ne doit guère être dépassée.
L’aération évite l’asphyxie des tubercules.
— Nous avons déjà expliqué que le tubercule respire et
dégage une très faible quantité de gaz carbonique.
Des tubercules enfermés longtemps dans des espaces clos
baignent ainsi dans une atmosphère de gaz toxique. Dans de telles conditions
ces tubercules peuvent être asphyxiés, ce que l’on reconnaît par la perte plus
ou moins complète de leur faculté germinative.
À ce point de vue, qu’il me suffise de citer deux
observations assez concluantes.
On recommande à juste titre, lorsqu’on importe des plants,
de vider les sacs à leur arrivée à la ferme afin de limiter le temps où ces
tubercules sont enfermés. S’il s’agit de variétés délicates, et si les
tubercules séjournent longtemps en sacs, il n’est pas rare d’avoir de gros
déboires à la plantation : germination défectueuse, tubercules filants ou
boules, tubercules même complètement stériles. On accuse alors le producteur et
le contrôleur alors que le principal responsable est le destinataire.
La précaution doit être encore plus rigoureuse lorsqu’on
transporte des plants logés dans des sacs en papier. Le papier étant
imperméable à l’air, les tubercules sont rapidement asphyxiés et deviennent
impropres à la plantation.
En définitive, que ce soit en cave ou en silo, il est
imprudent d’empiler les tubercules sur une grande épaisseur ; plus la
couche sera mince, mieux cela vaudra au moins pour les plants. Dans les parties
basses, les tubercules sont exposés non seulement à la privation d’air mais à
un excès de chaleur et d’humidité.
Cl. PERRET.
|