Accueil  > Années 1942 à 1947  > N°605 Janvier 1942  > Page 40 Tous droits réservés

La vache à lait en hiver

Propos d’actualité.

— Il est inutile d’insister pour mettre en relief ou faire ressortir l’importance de la vache à lait touchant l’alimentation des travailleurs, celle des enfants et des vieillards.

Personne n’ignore, en effet, que le lait en nature est un aliment complet, qui contient tous les matériaux de croissance et d’entretien, c’est-à-dire la protéine (caséine), les hydrates de carbone (sucre de lait), les matières grasses (beurre) et les sels minéraux indispensables, à prédominance phosphocalcique, ainsi que les ferments lactiques et les vitamines A, B et C, les plus utiles.

Si on ajoute à cela tous les produits de transformation ou d’extraction, notamment la crème, le beurre, les fromages frais, les fromages affinés à pâte molle et à pâte sèche, les poudres de lait et de babeurre, la caséine, le cidre et le vinaigre provenant de la fermentation du sérum, le yaourt, le koumys, le képhyr et d’autres boissons encore, on voit combien sont nombreuses les applications utilitaires du lait et pourquoi on doit s’efforcer d’accentuer sa production.

Les rendements qualitatifs et quantitatifs.

— De même qu’il y a « fagots et fagots », il existe des laits riches et des laits pauvres, avec toute une gamme de laits intermédiaires, dont la teneur en principes nutritifs peut varier du simple au double et davantage. C’est ainsi que l’on voit fréquemment des laits titrant moins de 2,5 p. 100 de matières grasses, alors que d’autres en contiennent 5 p. 100 et plus. Les premiers ne fournissent, au quintal, que 2kg,625 de beurre, tandis que les deuxièmes en donnent 5kg,650, soit plus du double, à cause des pertes moindres au barattage.

Il va sans dire que les laits riches en beurre le sont également en caséine, ce qui fait que leur rendement en fromage est aussi plus élevé que celui des laits pauvres. Enfin, on ne doit pas oublier que les laits bien constitués, au point de vue organoleptique, le sont également au point de vue biologique, cependant que les laits pauvres sont le plus souvent malades ou déminéralisés, ne convenant pas plus à la consommation humaine qu’à la fabrication du beurre ou du fromage, si l’on veut éviter les accidents ou malfaçons.

Les laits contrôlés ou analysés ont été classés en quatre catégories, suivant tableau que l’on trouvera plus loin.

On devra, en outre, se méfier des laits médiocres et pauvres, parce qu’ils sont souvent bleus, amers, rouges, filants ou sableux. Disons aussi qu’une opinion populaire préconçue touchant la qualité du lait des vaches à petit rendement est fausse, ce lait étant, en effet, presque toujours de qualité inférieure à celui des vaches à grand rendement. On peut vérifier le fait en comparant le lait fourni par une laitière au rendement journalier de 25 litres, après le vêlage, avec celui d’une autre laitière donnant seulement 10 litres à la même époque de lactation. La comparaison ne s’applique pas aux petites races, mais seulement aux animaux de taille approchée.

Un facteur primordial : la nourriture.

c Sans mettre en doute l’influence du climat et de la race, il y a une chose incontestable, c’est que l’on trouve dans tous les pays et dans toutes les races de bonnes, de passables, de médiocres et de mauvaises laitières. Par conséquent, on peut toujours, en sélectionnant les veaux d’élevage, mâles et femelles, arriver à améliorer le rendement d’une vacherie.

Mais cela ne suffit pas. Pour mettre une vache en état de fournir son rendement maximum en lait de qualité, on devra lui procurer la totalité des principes nécessaires aux besoins de la sécrétion mammaire. Autrement, s’il y a un déficit quelconque dans l’une ou l’autre des substances exportées, qu’il s’agisse de protides ou de glucides, non seulement le rendement diminue, mais l’animal maigrit en raison des emprunts qu’il est obligé de faire à sa propre économie. On tiendra compte aussi des besoins individuels, car, en plus des rations de production et d’entretien qui varient avec la lactation et le poids des bêtes, il y a les rations embryogéniques et les rations d’accroissement particulières aux vaches pleines et aux génisses, tant qu’elles ne sont pas adultes.

Le calcul des rations nécessaires à la nourriture des laitières d’une vacherie s’appuie sur les unités fourragères (U. F.) en tenant compte des matières azotées (M. Az.) qu’elles contiennent et qui sont indispensables aux diverses fonctions. Le tableau ci-après résume les besoins d’une vache âgée de quatre ans, du poids de 550 kilogrammes, ayant six mois de veau et ne donnant plus que 7 litres de lait. La vache B, prenant sept ans, est fraîche à lait, avec un rendement de 22 litres.

A = 550 kilogrammes. B = 600 kilogrammes.
U. F. M. Az. U. F. M. Az.
Ration de production 2,80 420 grammes. 8,80 1,320 grammes.
Ration d’entretien 4,25 330 4,50 360
Ration d’accroissement 0,50 125 » »
Ration embryogénique 0,50 250 » »
——
8,05
——
1.125

grammes.
——
13,30
——
1.680

grammes.

 

Analyses. Riche. Passable. Médiocre. Pauvre
Densité à 15°
Matières grasses
Division de crème
Caseïne et albumine
Sels minéraux %
1.031 à 1.033
Plus de 4 p. 100
Plus de 15 p. 100
Plus de 4 p. 100
Plus de 0,8 p. 100
1.027 à 1.031
De 3 à 4 p. 100
De 12 à 15 p. 100
De 3,5 à 4 p. 100
De 0,7 à 0,8 p. 100
1.028 à 1.029
De 2,5 à 3 p. 10
De 10 à 12 p. 100
De 3 à 6,5 p. 100
De 0,6 à 0,7 p. 100
Moins de 1.028
Moins de 2,5 p. 100
Moins de 10 p. 100
Moins de 3 p. 100
Moins de 0,6 p. 100

 

Pour connaître le nombre des unités fourragères (U. F.) et des matières azotées (M. Az.) d’une ration, on consultera la table des équivalents ci-dessous dans laquelle chaque denrée est comparée à l’orge, au froment et au seigle pris comme unité. En regard se trouve la teneur en matières azotées digestibles :

DENRÉES U. F. au kg. M. Az. au kg.
Blé 1,000 117 grammes.
Orge 1,000 85
Seigle 1,000 99
Maïs 1,100 80
Féverole 0,950 220
Avoine 0,900 80
Riz 0,830 58
Tourteau de soya 1,100 333
Tourteau d’arachide 1,100 450
Tourteau de coprah 1,100 165
Tourteau de lin 1,100 275
Son de froment 0,670 110
Drèches de brasserie sèches 0,670 140
Drèches de brasserie fraîches 0,180 37
Pulpe de betterave fraîche 0,070 4
Luzerne verte 0,125 30
Trèfle rouge 0,111 25
Trèfle incarnat 0,111 25
Vesce en vert 0,100 25
Herbe de pré 0,100 20
Luzerne sèche 0,400 85
Foin de pré 0,400 54
Paille d’avoine 0,250 14
Bales d’avoine 0,250 16
Bales de blé 0,250 14
Paille de blé 0,200 8
Pommes de terre 0,220 15
Rutabaga 0,100 13
Betteraves demi-sucrières 0,100 12
Betteraves fourragères 0,090 10

En consultant le tableau, on trouverait qu’une vache du poids de 550 kilogrammes, fournissant 15 litres de lait au cinquième mois et âgée de six ans, devrait recevoir 10,5 unités fourragères et 1.355 grammes de matières azotées. La ration ci-après apporterait, à peu de chose près, tous les principes utiles.

RATION Quantités. U. F. M. Az.
Foin mélangé 6,0 kilogrammes. 2,40 324 grammes.
Betteraves 40,0 2,60 400
Paille d’avoine 7,0 1,75 98
Tourteau de soya 1,3 1.43 433
Son de froment 1,3 0,87 143

Total
——
55,6

kilogrammes.
——
10,05
——
1.398

grammes.

Rationnements de circonstance.

— Il peut arriver que, pendant la période de l’hivernage, on se trouve pris au dépourvu, soit que l’on doive réduire la ration de betterave, soit que l’on manque de tourteau ou de son. Pour parfaire les unités fourragères et les matières azotées nécessaires, sur la base de 6 grammes par litre de lait sécrété, on aura recours à des denrées de substitution, produits industriels ou farineux riches en protéine, tels que germes de malt, gluten de mais, drèches de brasserie, graines de légumineuses moulues (féveroles, pois, lentilles, etc. ...), dont la teneur en matières azotées dépasse 20 p. 100.

Dans tous les cas, chaque fois que l’on fera du remplacement, on opérera progressivement, sans à-coups brusques, en s’efforçant d’équilibrer les unités fourragères et les matières azotées suivant les besoins de la lactation.

On fera bien aussi, pendant la stabulation, de donner aux vaches des minéraux associés, principalement phosphocalciques, de préférence de la craie phosphatée surfine, provenant des bacs de décantation. En même temps, on mélangera 40 grammes de sel marin à 50 grammes de cette craie phosphatée approximative par laitière.

Le nanan des vaches à lait.

— En général, lorsque les vaches n’ont que deux repas par jour, on donne de la mêlée et du fourrage sec matin et soir. La mêlée étant préparée la veille et humidifiée légèrement après stratification par couches de baies, de betteraves en cossettes saupoudrées de tourteaux, de son et de minéraux associés, il s’établit une légère fermentation alcoolique dans le tas, laquelle augmente l’appétence.

Pour stimuler davantage la lactation, il vaudrait mieux supprimer la mêlée du matin et la remplacer par un mash préparé la veille au soir, que l’on fait infuser sous couvercle toute la nuit, après l’avoir arrosé copieusement avec de l’eau bouillante. La préparation se fait dans un grand cuvier en répartissant par couches alternées des fenasses de grenier tamisées, puis des cossettes de racines diverses et de tubercules, du tourteau et des farineux ; le mash distribué le matin, alors qu’il est encore chaud, a une action merveilleuse sur la lactation : le rendement de toutes les vaches augmente.

Il en est de même lorsqu’on distribue du « léchon » dans un cuvier, au milieu de chaque repas. Le léchon se prépare dans les baquets individuels, en versant de l’eau chaude sur un mélange de betteraves, de carottes et de pommes de terre découpées, saupoudrées de tourteau, de son et d’une pincée de sel.

C. ARNOULD.

Le Chasseur Français N°605 Janvier 1942 Page 40