Propos d’actualité.
— Il est inutile d’insister pour mettre en relief ou
faire ressortir l’importance de la vache à lait touchant l’alimentation des
travailleurs, celle des enfants et des vieillards.
Personne n’ignore, en effet, que le lait en nature est un
aliment complet, qui contient tous les matériaux de croissance et d’entretien,
c’est-à-dire la protéine (caséine), les hydrates de carbone (sucre de lait),
les matières grasses (beurre) et les sels minéraux indispensables, à
prédominance phosphocalcique, ainsi que les ferments lactiques et les vitamines
A, B et C, les plus utiles.
Si on ajoute à cela tous les produits de transformation ou
d’extraction, notamment la crème, le beurre, les fromages frais, les fromages
affinés à pâte molle et à pâte sèche, les poudres de lait et de babeurre, la
caséine, le cidre et le vinaigre provenant de la fermentation du sérum, le
yaourt, le koumys, le képhyr et d’autres boissons encore, on voit combien sont
nombreuses les applications utilitaires du lait et pourquoi on doit s’efforcer
d’accentuer sa production.
Les rendements qualitatifs et quantitatifs.
— De même qu’il y a « fagots et fagots », il
existe des laits riches et des laits pauvres, avec toute une gamme de laits
intermédiaires, dont la teneur en principes nutritifs peut varier du simple au
double et davantage. C’est ainsi que l’on voit fréquemment des laits titrant
moins de 2,5 p. 100 de matières grasses, alors que d’autres en
contiennent 5 p. 100 et plus. Les premiers ne fournissent, au
quintal, que 2kg,625 de beurre, tandis que les deuxièmes en donnent 5kg,650,
soit plus du double, à cause des pertes moindres au barattage.
Il va sans dire que les laits riches en beurre le sont
également en caséine, ce qui fait que leur rendement en fromage est aussi plus
élevé que celui des laits pauvres. Enfin, on ne doit pas oublier que les laits
bien constitués, au point de vue organoleptique, le sont également au point de
vue biologique, cependant que les laits pauvres sont le plus souvent malades ou
déminéralisés, ne convenant pas plus à la consommation humaine qu’à la
fabrication du beurre ou du fromage, si l’on veut éviter les accidents ou
malfaçons.
Les laits contrôlés ou analysés ont été classés en quatre
catégories, suivant tableau que l’on trouvera plus loin.
On devra, en outre, se méfier des laits médiocres et
pauvres, parce qu’ils sont souvent bleus, amers, rouges, filants ou sableux.
Disons aussi qu’une opinion populaire préconçue touchant la qualité du lait des
vaches à petit rendement est fausse, ce lait étant, en effet, presque toujours
de qualité inférieure à celui des vaches à grand rendement. On peut vérifier le
fait en comparant le lait fourni par une laitière au rendement journalier de 25 litres,
après le vêlage, avec celui d’une autre laitière donnant seulement 10 litres
à la même époque de lactation. La comparaison ne s’applique pas aux petites
races, mais seulement aux animaux de taille approchée.
Un facteur primordial : la nourriture.
c Sans mettre en doute l’influence du climat et de la
race, il y a une chose incontestable, c’est que l’on trouve dans tous les pays
et dans toutes les races de bonnes, de passables, de médiocres et de mauvaises
laitières. Par conséquent, on peut toujours, en sélectionnant les veaux
d’élevage, mâles et femelles, arriver à améliorer le rendement d’une vacherie.
Mais cela ne suffit pas. Pour mettre une vache en état de
fournir son rendement maximum en lait de qualité, on devra lui procurer la
totalité des principes nécessaires aux besoins de la sécrétion mammaire. Autrement,
s’il y a un déficit quelconque dans l’une ou l’autre des substances exportées,
qu’il s’agisse de protides ou de glucides, non seulement le rendement diminue,
mais l’animal maigrit en raison des emprunts qu’il est obligé de faire à sa
propre économie. On tiendra compte aussi des besoins individuels, car, en plus
des rations de production et d’entretien qui varient avec la lactation et le
poids des bêtes, il y a les rations embryogéniques et les rations
d’accroissement particulières aux vaches pleines et aux génisses, tant qu’elles
ne sont pas adultes.
Le calcul des rations nécessaires à la nourriture des
laitières d’une vacherie s’appuie sur les unités fourragères (U. F.) en
tenant compte des matières azotées (M. Az.) qu’elles contiennent et qui
sont indispensables aux diverses fonctions. Le tableau ci-après résume les
besoins d’une vache âgée de quatre ans, du poids de 550 kilogrammes, ayant
six mois de veau et ne donnant plus que 7 litres de lait. La vache B,
prenant sept ans, est fraîche à lait, avec un rendement de 22 litres.
|
A = 550 kilogrammes. |
B = 600 kilogrammes. |
|
U. F. |
M. Az. |
U. F. |
M. Az. |
Ration de production |
2,80 |
420 |
grammes. |
8,80 |
1,320 |
grammes. |
Ration d’entretien |
4,25 |
330 |
— |
4,50 |
360 |
— |
Ration d’accroissement |
0,50 |
125 |
— |
» |
» |
|
Ration embryogénique |
0,50 |
250 |
— |
» |
» |
|
|
—— 8,05 |
—— 1.125 |
grammes. |
—— 13,30 |
—— 1.680 |
grammes. |
Analyses. |
Riche. |
Passable. |
Médiocre. |
Pauvre |
Densité à 15° |
Matières grasses |
Division de crème |
Caseïne et albumine |
Sels minéraux % |
|
1.031 à 1.033 |
Plus de 4 p. 100 |
Plus de 15 p. 100 |
Plus de 4 p. 100 |
Plus de 0,8 p. 100 |
|
1.027 à 1.031 |
De 3 à 4 p. 100 |
De 12 à 15 p. 100 |
De 3,5 à 4 p. 100 |
De 0,7 à 0,8 p. 100 |
|
1.028 à 1.029 |
De 2,5 à 3 p. 10 |
De 10 à 12 p. 100 |
De 3 à 6,5 p. 100 |
De 0,6 à 0,7 p. 100 |
|
Moins de 1.028 |
Moins de 2,5 p. 100 |
Moins de 10 p. 100 |
Moins de 3 p. 100 |
Moins de 0,6 p. 100 |
|
Pour connaître le nombre des unités fourragères (U. F.)
et des matières azotées (M. Az.) d’une ration, on consultera la table des
équivalents ci-dessous dans laquelle chaque denrée est comparée à l’orge, au
froment et au seigle pris comme unité. En regard se trouve la teneur en
matières azotées digestibles :
DENRÉES |
U. F. au kg. |
M. Az. au kg. |
Blé |
1,000 |
117 |
grammes. |
Orge |
1,000 |
85 |
— |
Seigle |
1,000 |
99 |
— |
Maïs |
1,100 |
80 |
— |
Féverole |
0,950 |
220 |
— |
Avoine |
0,900 |
80 |
— |
Riz |
0,830 |
58 |
— |
Tourteau de soya |
1,100 |
333 |
— |
Tourteau d’arachide |
1,100 |
450 |
— |
Tourteau de coprah |
1,100 |
165 |
— |
Tourteau de lin |
1,100 |
275 |
— |
Son de froment |
0,670 |
110 |
— |
Drèches de brasserie sèches |
0,670 |
140 |
— |
Drèches de brasserie fraîches |
0,180 |
37 |
— |
Pulpe de betterave fraîche |
0,070 |
4 |
— |
Luzerne verte |
0,125 |
30 |
— |
Trèfle rouge |
0,111 |
25 |
— |
Trèfle incarnat |
0,111 |
25 |
— |
Vesce en vert |
0,100 |
25 |
— |
Herbe de pré |
0,100 |
20 |
— |
Luzerne sèche |
0,400 |
85 |
— |
Foin de pré |
0,400 |
54 |
— |
Paille d’avoine |
0,250 |
14 |
— |
Bales d’avoine |
0,250 |
16 |
— |
Bales de blé |
0,250 |
14 |
— |
Paille de blé |
0,200 |
8 |
— |
Pommes de terre |
0,220 |
15 |
— |
Rutabaga |
0,100 |
13 |
— |
Betteraves demi-sucrières |
0,100 |
12 |
— |
Betteraves fourragères |
0,090 |
10 |
— |
En consultant le tableau, on trouverait qu’une vache du poids
de 550 kilogrammes, fournissant 15 litres de lait au cinquième mois
et âgée de six ans, devrait recevoir 10,5 unités fourragères et 1.355 grammes
de matières azotées. La ration ci-après apporterait, à peu de chose près, tous
les principes utiles.
RATION |
Quantités. |
U. F. |
M. Az. |
Foin mélangé |
6,0 |
kilogrammes. |
2,40 |
324 |
grammes. |
Betteraves |
40,0 |
— |
2,60 |
400 |
— |
Paille d’avoine |
7,0 |
— |
1,75 |
98 |
— |
Tourteau de soya |
1,3 |
— |
1.43 |
433 |
— |
Son de froment |
1,3 |
— |
0,87 |
143 |
— |
Total |
—— 55,6 |
kilogrammes. |
—— 10,05 |
—— 1.398 |
grammes. |
Rationnements de circonstance.
— Il peut arriver que, pendant la période de
l’hivernage, on se trouve pris au dépourvu, soit que l’on doive réduire la
ration de betterave, soit que l’on manque de tourteau ou de son. Pour parfaire
les unités fourragères et les matières azotées nécessaires, sur la base de 6 grammes
par litre de lait sécrété, on aura recours à des denrées de substitution,
produits industriels ou farineux riches en protéine, tels que germes de malt,
gluten de mais, drèches de brasserie, graines de légumineuses moulues
(féveroles, pois, lentilles, etc. ...), dont la teneur en matières azotées
dépasse 20 p. 100.
Dans tous les cas, chaque fois que l’on fera du
remplacement, on opérera progressivement, sans à-coups brusques, en s’efforçant
d’équilibrer les unités fourragères et les matières azotées suivant les besoins
de la lactation.
On fera bien aussi, pendant la stabulation, de donner aux vaches
des minéraux associés, principalement phosphocalciques, de préférence de la
craie phosphatée surfine, provenant des bacs de décantation. En même temps, on
mélangera 40 grammes de sel marin à 50 grammes de cette craie
phosphatée approximative par laitière.
Le nanan des vaches à lait.
— En général, lorsque les vaches n’ont que deux repas
par jour, on donne de la mêlée et du fourrage sec matin et soir. La mêlée étant
préparée la veille et humidifiée légèrement après stratification par couches de
baies, de betteraves en cossettes saupoudrées de tourteaux, de son et de
minéraux associés, il s’établit une légère fermentation alcoolique dans le tas,
laquelle augmente l’appétence.
Pour stimuler davantage la lactation, il vaudrait mieux
supprimer la mêlée du matin et la remplacer par un mash préparé la
veille au soir, que l’on fait infuser sous couvercle toute la nuit, après
l’avoir arrosé copieusement avec de l’eau bouillante. La préparation se fait
dans un grand cuvier en répartissant par couches alternées des fenasses de
grenier tamisées, puis des cossettes de racines diverses et de tubercules, du
tourteau et des farineux ; le mash distribué le matin, alors qu’il
est encore chaud, a une action merveilleuse sur la lactation : le
rendement de toutes les vaches augmente.
Il en est de même lorsqu’on distribue du « léchon »
dans un cuvier, au milieu de chaque repas. Le léchon se prépare dans les
baquets individuels, en versant de l’eau chaude sur un mélange de betteraves,
de carottes et de pommes de terre découpées, saupoudrées de tourteau, de son et
d’une pincée de sel.
C. ARNOULD.
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