Les difficultés actuelles de ravitaillement,
particulièrement aiguës en ce qui concerne l’œuf de consommation, quasi
introuvable dans certaines régions, incitent plus que jamais chacun de nous à
entreprendre un petit élevage familial susceptible de lui procurer le
merveilleux aliment de force, concentré et savoureux, qu’est l’œuf frais, et
accessoirement quelques uns rôtis pour les grandes occasions.
Mais, si les nécessités de l’heure ont fait éclore un grand
nombre de vocations avicoles, nombreux sont ceux qui ont dû renoncer devant les
difficultés réelles qu’ils ont rencontrées pour nourrir leurs volailles.
Évidemment, les agriculteurs des régions productrices de
céréales et les petits propriétaires ruraux des pays de polyculture sont
favorisés à ce sujet, aussi n’est-ce pas spécialement à eux que s’adressent ces
lignes, mais il en est tout autrement pour celui qui possède une dizaine de
poules dans une cour, un parquet réduit, ou un coin du jardin familial, et qui
se lamente devant le triste aspect de ses pensionnaires et les médiocres
résultats obtenus.
Cependant l’entretien de quelques volailles ne présente pas
de difficultés insurmontables, pour qui dispose tout d’abord d’un logement
suffisant, d’un peu d’ingéniosité et, si possible, des ressources d’un petit
jardin.
Il est important tout d’abord de rappeler que la poule est omnivore ;
beaucoup de gens s’imaginent qu’il est absolument impossible de faire vivre une
poule autrement qu’en lui distribuant exclusivement des grains.
Évidemment, une petite quantité de grains est nécessaire au
bon fonctionnement de l’appareil digestif des gallinacés, mais en temps de
disette vous pouvez, sans grand inconvénient pour la santé de ces derniers,
réduire la ration journalière à 20 grammes par tête. Distribuez-le de préférence
le soir et, si possible, trempé ou légèrement germé. Vous disposez, pour
constituer cette ration, des grains non contingentés : déchets de battage,
petites lentilles, chènevis, millet, etc. ; mais la plus grande partie de
la ration peut être constituée avec d’autres aliments.
Tout d’abord, chaque ménage dispose d’épluchures de légumes,
de déchets divers, qui, cuits (à l’exclusion des graisses, peu recommandables),
sont utilisables ; quand vous pouvez ramasser des orties, incorporez-les
aux pâtées après les avoir finement hachées ; si vous pouvez vous procurer
— je n’ose pas écrire de la viande crue — mais un peu de sang
provenant d’un abattoir ou d’une tuerie de volailles, ajoutez-en dans vos
préparations pour 10 ou 15 p. 100 de leur poids ; celles-ci
seront excellentes, et le bon aspect de vos sujets ainsi que l’augmentation
rapide de la ponte qui en résultera vous récompenseront vite des dérangements
occasionnés par la recherche de ces substances.
À défaut d’aliment carnés, n’oubliez pas que des distributions
de limaces, d’asticots, ou mieux de petits escargots, y suppléeront
efficacement.
Certaines pourront également utiliser, par parties dans les
rations, des résidus industriels : drêches, pulpes de fruits ou de légumes,
etc. ; toutefois, n’en abusez pas et surveillez les fientes des volailles
qui en reçoivent.
L’hiver dernier, bon nombre de petits éleveurs ont nourri
leurs volailles avec des mélanges à base de rutabagas, de topinambours et de
betteraves cuits. Ces racines, bien attendries, sont facilement acceptées par
les volailles et leurs sont très profitables, pour peu que vous puissiez en
augmenter la valeur nutritive par quelques apports complémentaires de farineux
et de substances animales ; évitez toutefois de distribuer, de façon suivie,
les topinambours purs, trop excitants et susceptibles de causer de sérieux
dérangements intestinaux.
Utilisez au mieux les situations particulières : dans
les contrées d’élevage, il sera parfois possible à certains d’entre vous de se
procurer du sérum de fromagerie, peut-être même du lait écrémé ; profitez
de l’occasion pour en faire bénéficier vos pensionnaires en humidifiant vos
pâtées avec ces excellents produits.
Enfin, si vous avez un jardin potager, même petit, votre
tâche s’en trouvera simplifiée. Vous disposerez de sarclages, de déchets
nombreux, de fruits vérés et tombés (à la saison), et vous pourrez envisager
quelques cultures spéciales pour faciliter l’entretien de vos oiseaux :
salades, choux fourragers, racines diverses, etc., voire un carré de maïs ou
d’avoine.
Veillez à ce que de l’eau pure et renouvelée chaque jour ne
fasse jamais défaut dans votre poulailler et, en plus de la nourriture
proprement dite, donnez à vos poules toute la verdure dont vous pouvez
disposer ; l’accroissement de la ponte et la couleur du jaune des œufs en
seront directement influencés.
Laissez en permanence, à la disposition de vos pondeuses, de
la coquille d’huîtres, à défaut, du gravier fin et un peu de charbon de bois
granulé ou en poudre.
À propos de ce dernier produit, abondant en notre époque de
gazogènes, voici une petite indication à ne pas oublier : bien qu’il soit
indispensable de ne distribuer que des pâtées très fraîches, composées
uniquement d’aliments sains et non fermentés dans des récipients lavés chaque jour
en y enlevant les restes aigris de la veille, il peut arriver que, afin de ne
pas perdre un aliment provisoirement abondant, vous soyez amené à le distribuer
avec un jour ou deux de retard — ce qui n’est pas recommandable— eh
bien ! dans ce cas-là, incorporez largement à celui-ci de la poudre de
charbon de bois, jusqu’à 10 p. 100 du volume, et vous diminuerez
considérablement les dangers de dérangement et de diarrhées chez les sujets qui
absorberont la pâtée douteuse.
Enfin, n’entretenez que le nombre de volailles dont vous
pouvez assurer la subsistance ; vous obtiendrez davantage d’œufs avec dix
poules convenablement nourries qu’avec vingt volailles faméliques.
Vous voyez que bien qu’incontestablement difficile dans les
circonstances actuelles, surtout l’hiver, le problème de l’alimentation dans le
petit élevage familial n’est pas insoluble.
R. GARETTA.
|