Les six mouvements de culture physique que nous avons
précédemment décrits et recommandés ont dû suffire, en un mois de pratique, à
obtenir un peu d’assouplissement des articulations et une légère tonification
des muscles mis en action. Mais leur principal effet aura été d’habituer au
« mode d’exécution » que nous recommandons pour assurer toute leur
efficacité à ces exercices et qui se caractérise ainsi ; répétition
jusqu’à vingt fois de suite de chaque mouvement, à allure assez vive, en
souplesse, sans arrêts ni pauses, pas plus entre les répétitions de chaque
mouvement qu’entre les mouvements différents ; bonne coordination des
mouvements respiratoires avec les temps des mouvements gymnastiques ;
aucune crispation, aucune raideur des parties du corps qui n’interviennent pas
dans le mouvement en cours d’exécution ; aucune tension nerveuse ;
arriver, par l’accoutumance, à l’exécution réflexe, presque automatique, de
toute la série d’exercices.
Ces premiers résultats, qui sont de la plus haute
importance, car ils conditionnent tous ceux que l’on pourra obtenir de la
séance complète de culture physique individuelle, ont certainement été acquis
par tous ceux qui, s’exerçant chaque jour, ont suivi exactement nos premières
indications. Ils n’auront aucune peine à introduire d’autres mouvements dans
leur « série ». Et il est indispensable qu’ils le fassent, car la somme
de travail musculaire réalisée par les six mouvements d’initiation est
tout à fait insuffisante pour influencer nettement le développement du corps et
l’entraînement de l’organisme.
Nous décrivons donc sept nouveaux mouvements à ajouter à la
série. Ces sept mouvements doivent être intercalés dans les six premiers, en
tenant compte de la lettre majuscule et du chiffre qui les désignent. Ainsi les
A3 et A4 se placent après le A2 de la première série ; les B3 et B4, après
le B2 ; les C3 et C4 après le C2 ; et le E1, qui fait partie d’un
groupe nouveau, en fin de la série. Rappelons que l’exercice respiratoire R
doit toujours s’exécuter en commençant et en terminant la séance.
Comme cette adjonction de sept mouvements double la valeur
énergétique de la séance, il faudra s’y entraîner progressivement, et
toujours par le même moyen, c’est-à-dire en augmentant de jour en jour le
nombre des répétitions. Donc, continuant à vingt répétitions les mouvements
auxquels on s’est déjà habitué, on répétera les nouveaux cinq à huit fois le
premier jour, et on augmentera d’une répétition par jour, jusqu’à ce qu’on ait
atteint les vingt répétitions, auxquelles on se tiendra par la suite. Ainsi, au
bout de six à huit semaines, on doit arriver à l’exécution facile de ces treize
mouvements, à vingt répétitions chacun, en les encadrant d’un mouvement
respiratoire méthodique. Et la séance ainsi composée doit prendre une dizaine de
minutes, si elle est exécutée à la cadence convenable. Ajoutons qu’ainsi
constituée elle n’est pas encore suffisante, et nous aurons à doubler — en
deux étapes — le nombre de ses mouvements pour qu’elle réponde bien à tous
les buts que peut et doit se proposer une méthode de culture physique
individuelle.
Comme on ne se soumet à une méthode que si l’on en connaît
et comprend les principes, nous allons exposer les quelques faits biologiques
qui motivent notre façon de concevoir la séance de culture physique
quotidienne.
Nous avons dit que le premier but à atteindre était
d’assurer au corps sa forme normale, de le bien bâtir, et que, pour
cela, il n’est d’autre moyen que de développer les muscles.
Pour développer aisément et sûrement les muscles, nous
focalisons l’exercice, c’est-à-dire que nous faisons exécuter un mouvement
simple, commandé par un groupe musculaire bien défini : car c’est ainsi
que nous avons la garantie que ce groupe musculaire n’échappera pas, plus ou
moins, au travail que nous voulons qu’il fasse. Un mouvement compliqué, généralisé,
tel que ceux de la course, du saut, du grimper, de la lutte, fait intervenir à
la fois, mais à des degrés divers, presque tous les muscles du corps. Si, parmi
ces muscles, il s’en trouve de particulièrement faibles et maladroits, ils se
dérobent à la tâche ou n’y participent guère. Ce sont les muscles les plus
vigoureux qui se chargent de la besogne ; il s’établit des
« suppléances » pour remédier à l’activité faible ou nulle des
muscles défaillants, et ce sont donc ces muscles-là, ceux qui auraient le plus
besoin de se développer et fortifier, qui font le moins d’exercice. En leur
imposant le mouvement bien défini, bien localisé, qui ne peut se faire sans
leur contraction, on est sûr de les faire travailler et, par conséquent, de
leur faire récupérer leur forme et leur force normales.
D’autre part, un mouvement généralisé, mettant en action la
majeure partie de la musculature, — ce qui représente en poids et volume
la moitié du corps et parfois davantage, — ne peut s’exécuter avec quelque
énergie et pendant un certain temps sans entraîner une accélération
fonctionnelle générale, c’est-à-dire que la respiration se précipite, que le
cœur bat de plus en plus rapidement, que le système nerveux donne ses décharges
excitatrices à débit croissant : tous ces phénomènes physiologiques
déterminent la fatigue générale, et celle-ci met un terme à l’exercice
bien avant que ces muscles aient fourni toutes les contractions dont ils
seraient capables ; de telle sorte que le travail de chacun n’est pas
assez intense pour avoir un grand effet de développement, bien que le travail
total soit parfois considérable.
Mais, quand on localise l’exercice dans un seul groupe
musculaire, le travail qu’il peut fournir, même en allant jusqu’à la fatigue
particulière, ne peut agir intensément sur la respiration, la circulation
et les autres fonctions organiques ; ce n’est pas alors l’essoufflement ni
la fatigue générale qui mettent un terme à l’exercice. Celui-ci peut être mené
jusqu’au bout des possibilités du muscle, travaillant à fond. Stimule sa propre
nutrition et assure son développement progressif.
Quand l’exercice a été localisé dans un muscle assez
longtemps pour aboutir à cette stimulation nutritive, on passe à un autre
groupe musculaire, puis à un autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que toute la
musculature ait été pour ainsi dire, passée en revue, et soumise par
mouvements successifs à toute l’activité qui est nécessaire à son développement
et à son entretien.
Ce principe de la localisation, base de la
gymnastique analytique, nous fait comprendre pourquoi il faut, en culture
physique individuelle, nous en tenir aux mouvements simples. Les mouvements
complexes, synthétiques, ont de tout autres effets fort utiles aussi ;
mais nous les trouverons dans d’autres exercices et particulièrement dans les
sports, quand la gymnastique méthodique nous aura dotés d’un corps robuste et
résistant.
Dr RUFFIER.
Deuxième groupe de mouvements de culture physique.
A3. Développé devant : 1° Porter le bâton
horizontalement au devant du corps ; inspirer. 2° Ramener le bâton contre
la poitrine, à hauteur d’épaules ; expirer.
A4. Développé-jeté : Bras abaissés, bâton devant
les cuisses. 1° Amener le bâton aux épaules en fléchissant les avant-bras. 2°
Porter le bâton au-dessus de la tête, à bras tendus. 3° Ramener le bâton aux
épaules. 4° Ramener le bâton devant les cuisses. Inspirer sur 1 et 2 ;
expirer sur 3 et 4.
B3. Le tire-bouchon : Jambes écartées ;
bâton tenu au-dessus de la tête. 1 Se courber vers la gauche, avec un
mouvement de torsion du tronc, pour amener la main droite et la partie du bâton
qu’elle tient vers l’intérieur du pied gauche. 2° Se relever en détordant le
tronc, pour reprendre la position de départ, et repartir sur la droite pour
faire le même mouvement qu’on a fait à gauche.
B4. Jeté : Tronc fléchi, bras pendant
verticalement, le bâton près du sol. 1° Se redresser en fléchissant les bras et
amenant le bâton en travers de la poitrine à hauteur des épaules. 2° Dresser le
bâton au dessus de la tête, 3° Ramener le bâton aux épaules. 4° Se courber pour
revenir à la position de départ. Inspirer sur 1 et 2 ; expirer sur 3 et 4.
C3. Mains aux pieds : Couché sur le dos ;
bâton au bout des bras étendus en arrière de la tête. 1° Relever le tronc, le
fléchir et porter le bâton à la pointe des pieds ; expirer. 2 Se
recoucher en inspirant.
C4. Le double cercle : Couché sur le dos :
dresser les jambes verticalement, puis les abaisser en les ouvrant et les
remonter en les fermant de façon que chaque pied décrive un cercle. Inspirer en
abaissant les pieds ; expirer en les remontant.
E1. La piaffe : Bâton tenu devant le corps, à
bras tendus. Élever alternativement chaque genou vers le bâton, par une sorte
de trot sur place.
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