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Au jardin potager en février

    Quand à la Chandeleur le soleil fait lanterne,
    Quarante jours après il hiverne.

    S’il gèle aux quarante martyrs (10 février),
    Il gèlera encore quarante nuits.

Combien d’autres dictons populaires s’accordent à nous prévenir que, si nous avons quelques journées plus chaudes, l’hiver n’est pas terminé ; il nous faut prendre nos précautions, redoubler de vigilance. Si vous réussissez à préserver vos premiers semis, à mener à bien vos premières plantations, ce sera un beau résultat ; car, au sortir de l’hiver, c’est chose appréciable que de fournir la table familiale de beaux légumes frais, de jeunes verdures dispensatrices de toutes ces vitamines dont nos enfants et nous-mêmes avons si grand besoin.

Après les mois d’hiver, une table bien garnie de légumes ramènera la bonne humeur et le sourire sur les visages, avec l’espoir en des journées meilleures. Mais toutes ces bonnes choses ne viendront que si le jardinier a été actif, diligent et soigneux.

Travaux généraux du mois.

Parfois, la température est assez clémente, il ne faut pas s’y laisser prendre, mais en profiter pour terminer tous défonçages ou terrassements entrepris et abandonnés par suite du mauvais temps.

Activez vos bêchages, toujours en faisant un apport de fumier et d’engrais.

Nous vous recommandons de bêcher en côtières quelques planches, afin de pouvoir y faire des semis hâtifs, où d’y repiquer de forts plants de choux ou de salades, que vous pourrez récolter dès la fin d’avril.

En novembre, peut-être n’avez-vous pas eu le temps de préparer le terrain pour planter des asperges, faites-le tout de suite, comme nous vous l’avons dit ; il prendra suffisamment l’air avant la plantation.

Faites sécher la litière et les feuilles qui abritent les artichauts, remettez tous les soirs le capuchon de paille, la prudence l’exige. Préparez également le terrain en vue de nouvelles plantations.

Attention aux endives ! Elles s’allongent très vite, de même la « barbe de capucin » ; il faut en tirer parti de toutes façons. Des racines torréfiées, vous pouvez tirer un excellent café de chicorée. Donnez-en à plus pauvre que vous, mais, nous vous le demandons, ne laissez rien perdre !

Commencez à récolter de beaux pissenlits améliorés. Nous vous avons parlé de leur culture ; mettez-les par six, si vous voulez en faire la vente.

Par beau temps, donnez de fréquents binages à vos plantations de choux ; vous en profiterez pour leur faire une distribution d’engrais ou de purin additionné d’eau, nitrate de soude ou sulfate d’ammoniaque, mais, attention aux doses prescrites le mois dernier ; l’exagération serait un tort.

C’est le bon moment de mettre en place les plants qui n auraient pu l’être à l’automne ; un plant repiqué, élevé en plein air, sera meilleur à cette époque qu’un autre provenant d’une culture sous châssis.

Redressez les choux Brocolis dont la tête a été tournée face au nord, ceci pour la région parisienne et autres jouissant d’un climat à peu près semblable.

Semis.

— En pleine terre, en position abritée, semez les radis à forcer et le radis le National ; les premiers ont moins de feuilles et se forment plus tôt.

En terre bien préparée et désinfectée, faites un premier semis de fèves, de diverses carottes hâtives, cerfeuil, laitues de printemps, romaine blonde hâtive et blonde maraîchère, les divers oignons jaunes, persil, poireaux, surtout le long d’été et jaune du Poitou, diverses variétés de pois.

Nous disons en terre bien préparée, car cela est absolument nécessaire ; ce ne sont pas les mottes du dessus qu’il faut briser, mais celles du fond de l’entaille, si la jeune racine ou les radicelles rencontrent une pierre ou une motte un peu dure, elles perdent du temps à contourner cet obstacle et remplissent mal leur rôle, d’où des plants chétifs, ayant des racines coudées, qui se brisent en les arrachant.

Souvent un mauvais semis, une mauvaise plantation et, partant de là, une mauvaise récolte dépendent non des graines et des plants, mais de vous-même, de votre travail qui, en l’occurrence, a une importance extrême. Du reste, nous reviendrons sur cette question. Nous vous demandons pardon de cette digression, mais nous la croyons utile à propos de semis.

Voulez-vous consommer des potages printaniers ? Semez la chicorée sauvage blonde améliorée en bordure ou en planche, tandis que l’oseille-épinard, dite aussi patience, vous donnera des feuilles tendres de juin jusqu’aux gelées.

Continuez de planter : ail blanc et rose, échalotes et bulbilles d’oignon, surtout, évitez les fumiers frais ; une fumure de l’année précédente, après des haricots, des salades, par exemple, ou alors, employez des engrais contenant du phosphore ; phosphates naturels et superphosphates, débris de poissons, guano, scories, poudre d’os. Plantez aussi les oignons blancs restés sur place en automne.

Dans l’Ouest et le Sud-Ouest, ou même à bonne exposition, dans des régions plus froides, risquez vos premières pommes de terre, vous les butterez et les abriterez au besoin.

En vue des futures plantations, nous vous avions recommandé de mettre de côté les tubercules provenant des plus belles « trochées » (les plus beaux pieds). Mettez tout de suite ces tubercules debout dans des caissettes et en pleine lumière. En peu de temps, ils prendront un coloris vert-noirâtre ; des germes courts, mais rustiques, se montreront ; c’est ce qu’il faut arriver à obtenir, la récolte en est avancée de trois semaines ou un mois, cela aura une importance capitale cette année.

Une autre précaution s’impose, nous avons d’ailleurs répondu à plusieurs lettres à ce sujet ; méfiez-vous des bruches, ce petit charançon qui s’attaque aux pois, haricots lentilles, soja. Avant de semer, faites tremper ces graines vingt-quatre heures dans l’eau, brûlez celles qui remontent à la surface ; semez les autres.

De cette façon, vous éviterez la multiplication de ce charançon qui finirait par vous interdire toute culture. D’ailleurs, un moyen s’offre à vous de vous en débarrasser facilement : au moment de la récolte de vos légumineuses, enfermez les graines dans des récipients clos, versez 50 grammes de sulfure de carbone pour un hectolitre, laissez vingt-quatre heures, puis donnez de l’air, vous pourrez consommer ces grains lorsque vous le désirerez, ils n’auront aucun goût.

En tout cas, pour ces semis, comme pour tous du reste, il est nécessaire de procéder à la désinfection du sol : sulfure de carbone, sulfure de calcium ou autres produits que vous trouverez facilement dans le commerce.

Semis sur couche.

— Sur couche chaude, semez : chicorée frisée, de préférence des variétés à petites feuilles et à pommes serrées ; pour activer la levée, laissez quelques jours dans l’obscurité.

Repiquez ces plants aussitôt qu’ils seront assez forts, donnez-leur de l’air ; puis, plantez à demeure, vous pourrez récolter deux mois après.

Les céleris à côtes : céleri plein blanc doré, Pascal, plein blanc, céleri plein blanc court à grosses côtes, céleri violet de Tours. Les céleris-raves : Géant de Prague, céleri maraîcher, céleri pomme à petites feuilles, céleri très hâtif d’août.

Tous les choux-fleurs d’été, les variétés de tomates, de melons, concombres, ces derniers en godets de 9 centimètres. Les variétés de laitues printanières, les laitues romaines.

Sous châssis et sous vieilles couches.

— Choux cabus et de Milan, variétés hâtives ; vers la fin du mois, les variétés à récolter à la fin de l’été et en automne.

Les carottes hâtives, à cette époque, réussiront fort bien, mais éclaircissez.

Semez à diverses époques le chou-rave ou blanc ou le violet hâtif de Vienne, d’un goût très fin. Des navets blancs extra-hâtifs, le précoce de Croissy, le demi-long blanc, race Marteau. Quelques variétés de pois nains et hâtifs. Un peu de pourpier et de cresson alénois.

Dans tous vos semis de plein air ou sous châssis, mêlez quelques graines de radis, qui, toujours sont bons à récolter avant d’être gênants.

Profitez de vos vieilles couches et utilisez vos châssis pour repiquer de jeunes plants, si vous en avez de trop, vous les donnerez ou les vendrez ; vous savez comme ils sont rares et chers au printemps ; ils seront les bienvenus.

Marcel EBEL,

Meilleur ouvrier de France, Horticulture 1933.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 93