Nous savons tous que, lorsqu’on remplit de cidre un tonneau,
au bout d’un certain temps, plus ou moins long suivant les circonstances, il
s’est produit un vide. Il y a eu perte de liquide et c’est ce que l’on a
convenu d’appeler la « consume » du tonneau.
Cette perte est due à l’évaporation qui s’opère lentement et
d’une façon continue à travers les pores du bois. La température, l’état
hygrométrique de l’air, la nature et le volume du fût, l’âge du cidre agissent
sur la rapidité de la consume. Plus la température est élevée, plus
l’évaporation est rapide : elle est maximum en août et minimum en janvier.
Dans une cave fraîche et humide, elle est très faible.
Théoriquement, entre deux tonneaux de bois identiques, de
même épaisseur, de même force, maintenus un temps égal dans la même cave, le
plus petit perdra proportionnellement plus par évaporation que le gros, parce
que, relativement à son volume, sa surface est plus grande. En effet :
- pour une barrique de 225 litres, la surface est d’environ
2 m2 11, soit 0 m2 94 par hectolitre ;
- pour un fut de 6 hectolitres, la surface est d’environ
4 mètres carrés, soit 0 m2 66 par hectolitre ;
- pour un fût de 30 hectolitres, la surface est d’environ
11 m2 86, soit 0 m2 39 par hectolitre.
Le cidre nouveau évapore beaucoup plus vite que le cidre
vieux, peut-être parce qu’il est plus chargé de gaz carbonique, lequel
entraîne, en se dégageant, plus de vapeur d’eau, aux dépens du liquide. La
Régie accorde comme perte de consume, 8 p. 100 du volume total.
Inconvénient de l’évaporation.
— Par suite de l’évaporation, il se forme un vide à la
surface même du liquide. Ce vide se remplit d’air, aliment essentiel de
certains germes aux ferments répandus dans les cidres. Les fleurs du cidre, les
ferments du vinaigre se développent rapidement et l’on ne tarde pas à
apercevoir à la surface du liquide un voile blanchâtre dû à l’un ou à l’autre
de ces parasites. Le cidre devient plat ou acide.
Par insouciance ou inertie, on ne prête aucune attention à
cet accident, et on ne s’en préoccupe que lorsque le mal est irrémédiable.
Le remède est cependant bien simple et préventif. Il
consiste à « ouiller » souvent le tonneau, en comblant le vide
produit par l’évaporation ou à remplacer l’air de ce vide par un gaz nuisible
aux ferments.
On peut opérer avec de l’eau à la condition qu’il n’y ait
pas beaucoup de manquant et que cette eau soit propre, c’est-à-dire non
seulement limpide, mais exempte de germes de mauvaises maladies. On peut
employer aussi du cidre en le choisissant bien pareil à celui du fût. Le mieux
est de conserver à la sortie du pressoir, une ou deux bonbonnes ou deux
bouteilles de cinq litres dont le contenu servira à faire le plein. Le cidre se
conservera en bon état et ne nuira pas à celui qu’on ouillera.
Lorsque le cidre est nouveau, il faut ouiller tous les
quinze jours ; ensuite les ouillages s’espacent de plus en plus.
Moyens de diminuer l’évaporation.
— Comme l’on n’a pas toujours du cidre à sa
disposition, on a cherché à empêcher tout au moins à diminuer l’évaporation au
minimum, en recourant à des moyens mécaniques pour rendre les récipients aussi
imperméables que possible, en bouchant les pores du bois et les interstices
entre les douves. C’est ainsi que le suiffage, le paraffinage, et le vernissage
ont été recommandés par des praticiens qui, d’après leur déclaration en ont
obtenu de bons résultats, mais sans en fournir, que nous sachions, la preuve
expérimentale.
Toutefois, à vrai dire, étant donné les progrès réalisés
depuis quelques années dans la nature des récipients destinés au logement du
cidre, le moyen le plus efficace de réduire au minimum la perte du cidre par
évaporation réside :
1° Pour sa consommation de quelque durée, dans l’emploi de
citernes en ciment armé, avec plaques de verre à joints inattaquables qui possèdent
une complète imperméabilité ;
2° Pour son transfert, dans l’usage des fûts en acier,
garnis intérieurement d’une chemise en aluminium pur et fermés par une bonde
d’aluminium vissée. Ces fûts présentent un double intérêt à cause de leur
utilisation possible pour le transport des alcools concentrés produits,
aujourd’hui, dans la plupart des cidreries industrielles.
Pour éviter les ouillages tout en évitant l’accès de l’air
et le départ du gaz carbonique, on peut munir le tonneau d’une bonde spéciale
permettant l’évacuation de ce gaz tout en empêchant l’air d’arriver.
Pendant la vidange du tonneau, on peut éviter le contact de
l’air avec la nappe du liquide en utilisant l’huile de vaseline à raison de 3 à
4 litres environ par mètre carré de surface, ce qui permet l’obtention d’une
couche de 4 à 5 millimètres d’épaisseur empêchant complètement l’accès de
l’air.
LANEUVILLE.
|