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L’œillette et sa culture

L’œillette appartient au genre de plantes de la famille des Papavéracées, dont deux espèces sont cultivées.

L’œillette, ou oliette, et le pavot somnifère, ou grand pavot, dont certaines variétés sont cultivées dans les jardins. La culture de l’œillette, ou oliette, appelée aussi pavot des champs, a pour objet principal d’en obtenir de l’huile, huile très saine, d’un goût fort agréable, d’un usage général et fort répandu comme aliment. Longtemps elle a été prohibée comme nuisible à la santé, on prétendait que, parce qu’on extrait l’opium des capsules des tiges et des feuilles des pavots, l’huile que l’on extrait de ses graines doit avoir, comme l’opium, une vertu somnifère ou narcotique, mais l’expérience a démontré le contraire.

Le marc ou tourteau d’œillette est une excellente nourriture pour les bestiaux, surtout pour les vaches, les cochons, et aussi pour les oiseaux de basse-cour, sans que jamais ils en soient incommodés.

L’œillette est une plante annuelle de 0m,70 à 1m,30 à larges feuilles. Multiplication de graines semées en terre douce. L’œillette grise, par suite de la multiplicité assez grande de ses fleurs et de ses graines, est généralement cultivée dans nos départements du Nord pour la production de l’huile. L’époque des semis d’œillette varie selon les contrées et les habitudes locales, du commencement de l’automne au commencement du printemps.

Cette plante ayant peu à craindre de l’effet des gelées de notre climat dans le Midi, peut y être semée en septembre. Le semis de septembre pourrait être étendu du Midi au Centre.

Dans le Nord de la France, on peut semer l’œillette depuis la fin de février jusqu’à fin mars. L’époque de février est la meilleure quand le sol peut-être convenablement préparé à cette époque. L’œillette, étant une plante pivotante, demande une terre profondément labourée, où sa racine puisse pénétrer sans peine. Comme sa végétation est rapide, il faut que cette terre soit fertilisée par des engrais ; comme sa semence est fine, il faut que le sol soit bien divisé et ameubli avant que la graine lui soit confiée. Avant de semer, on passe donc la herse à différentes reprises, jusqu’à ce que la terre soit parfaitement unie ; on sème ensuite à la volée et clair, et, si l’on est assez heureux pour qu’il survienne une pluie douce, la graine s’enfonce d’elle-même et, sans autre soin, lève au bout de peu de jours. Cet ensemencement se fait quand le climat le permet. Généralement, on répand la semence à la volée, 2 kilos à 2 kilos et demi à l’hectare. On termine l’opération en faisant passer le rouleau. Une fois levée, l’œillette demande d’autres soins, elle doit être sarclée ; par un premier binage, on éclaircit les plants trop confus ; un second sarclage se fait lorsque les tiges commencent à s’élancer, alors on ne laisse que les pieds nécessaires, à une distance l’un de l’autre de 0m,35 environ. Le produit brut de l’œillette est excellent, mais les frais de culture sont élevés. Les sarclages et les binages, qu’on est obligé d’opérer à la main, élèvent considérablement la dépense.

Le semis en lignes avec un semoir, ou la culture par rangées, la diminue en simplifiant les travaux à la main, et il augmente même la récolte. La maturité de la graine s’annonce par la couleur jaunissante des capsules et par les ouvertures qui se forment au-dessous de leur couronne. On procède alors à la récolte de différentes manières. Elle se fait fin juillet ou en août, suivant les climats. Le plus souvent, on coupe les têtes sans les incliner, afin qu’il ne s’échappe aucune quantité de la graine, et on les jette au fur et à mesure dans des sacs, mais cette opération est longue et ne peut avoir lieu que dans une petite exploitation.

Mais cette récolte de la graine d’œillette se fait de différentes manières, suivant les contrées. Dans le département de l’Aisne, dès que la maturité s’annonce par la couleur grisâtre que prennent les capsules, on arrache les plantes ou on les casse avec, le pied contre terre. On les lie par poignées, sans les incliner et on les réunit debout par petits faisceaux. On les laisse ainsi plusieurs jours, pour laisser achever la maturité ; dès qu’on les considère comme suffisamment mûres, on revient à ces faisceaux et l’on secoue les tiges sur des draps étendus au pied des faisceaux, pour y faire tomber la graine. Dans certains pays, on égraine les têtes d’œillette une à une à la veillée, après avoir coupé le sommet des capsules.

Dans d’autres, on réunit les tiges par poignées et on frappe deux de ces poignées l’une contre l’autre.

Un cultivateur qui a cultivé avec succès l’œillette dans le Saint-Quentinois pendant un certain nombre d’années, la faisait battre dans des cuves à lessive, que l’on transportait dans les champs d’un faisceau à l’autre ; on frappait les poignées avec de petits bâtons à 35 centimètres des capsules. Toute la graine n’étant pas obtenue de ce premier battage, huit ou dix jours après on procédait à un second, si c’était nécessaire et avantageux ; Enfin, on a essayé le battage au fléau avec succès et l’on est facilement parvenu à éloigner les menus débris des capsules par la ventilation. Cette méthode expéditive offre d’autant moins d’inconvénients que l’on peut au besoin achever de nettoyer la graine avant de l’envoyer au moulin ou à l’usine, dans un crible percé de trous assez fins pour ne laisser passer qu’elle. Dans certaines contrées, on établit la moyenne de la production de l’œillette à 15 hectolitres à l’hectare, dans d’autres à 14. Dans le Nord, on compte généralement 18 à 20 hectolitres. La graine d’œillette donne en huile environ 28 litres par hectolitre.

Aussitôt la récolte, la graine est portée au grenier, où on l’étend avec soin sur une épaisseur de 7 à 8 centimètres seulement, et on la remue fréquemment, jusqu’à complète dessiccation.

Les tiges d’œillette peuvent être employées à plus d’un usage. Elles servent à chauffer le four ou à faire de la litière ; on peut aussi les brûler sur le champ qui les a produites et en répandre les cendres comme engrais ; elles font d’excellents pieds de meules.

Pour en terminer, nous dirons que l’œillette, ou oliette, appelée pavot des champs, a produit par la sélection et la culture l’œillette ou pavot des jardins, papaver, paveracée, plante annuelle de 0m,70 à 1m,30 de hauteur, à larges feuilles amplexicaules, l’une de nos plus belles plantes d’ornement. Il en existe des variétés doubles de toutes les couleurs, hors le bleu et le jaune, et disons que cette variété se multiplie de graines semées en place dans tous les terrains. Les semis d’automne fleurissent en juin et juillet ; celui de février et mars un peu plus tard. Suivant la forme ou la disposition des pétales, les diverses variétés de l’œillette, ou pavot des jardins, ont été réparties en deux classes : en pétales entiers ou à fleurs de pivoine et à pétales frangés. Ces deux classes renferment des plantes de coloris très variés, depuis le blanc jusqu’au cramoisi et au violet foncé. et dont la presque totalité se reproduit de semis.

Louis TESTART.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 102