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La photographie archéologique

Les églises.

Que le touriste soit croyant, sympathisant ou profane, il résiste rarement à l’attrait qu’exercent sur lui les églises, non pas strictement considérées du point de vue archéologique ou sur le plan religieux, mais comme témoignages éloquents des aspirations d’époques révolues qu’elles ont pour but de perpétuer. À cet égard, le plus humble des temples campagnards peut nous émouvoir et nous charmer, tout comme les plus beaux chefs-d’œuvre de l’architecture sacrée.

    Je sais une église au fond d’un hameau
    Dont le fin clocher se mire dans l’eau.

Bien qu’il puisse être considéré comme purement émotif, cet intérêt captivant qu’éveillent en nous les églises en général peut être stimulé et renforcé par les particularités que présentent beaucoup de ces monuments ; nous pourrions en citer un grand nombre d’exemples remarquables, et chacun de nos lecteurs est dans le même cas. Il est indiscutable que, de l’avis de tous, l’archéologie religieuse est véritablement la clé de voûte de l’art à travers les siècles.

Mais, pour être complet, l’exposé des motifs — ainsi dirait-on en style parlementaire — nous entraînerait au delà des limites que nous devons nous imposer et nous ferait perdre de vue l’essentiel de notre sujet. Coupons court et bornons-nous à énoncer, suivant l’ordre logique des opérations, quelques conseils puisés dans la littérature assez abondante consacrée à la question.

Pour mettre de l’ordre dans notre exposé, il nous faut établir une distinction entre la photographie extérieure des édifices (plein air) et la photographie exécutée dans leur enceinte fermée ; parlons d’abord de la première.

Sauf dans le cas où le manque de recul impose l’usage d’objectifs « grands angulaires » (ou à court foyer) et des chambres noires munies de mouvement de décentrement facultatif de la planchette et d’un système de bascule, la photographie extérieure des édifices religieux peut être abordée sans matériel spécial si l’on se borne à en fixer un aspect d’ensemble. Toutefois, le choix du point de station et de sa hauteur au-dessus du sol prend une importance considérable en ce qui concerne la possibilité de mettre en valeur telle ou telle partie du sujet qui présente un intérêt particulier. Si ce morceau de choix constitue à lui seul un motif remarquable, on peut être amené à en faire ce qu’on nomme un « gros plan », et, dans ce cas, on est conduit à utiliser un appareil de format moyen, que l’on installe à distance convenable sur un pied stable.

C’est ainsi que, par des moyens usuels, mais avec une certaine intuition de ce qui satisfait les savants et les connaisseurs, on peut constituer un musée iconographique extrêmement précieux, parce qu’il garantit une exactitude indiscutable dans les proportions, ce qui n’existe pas toujours au même degré dans les œuvres des peintres et des dessinateurs. Mais il faut aussi que l’inclinaison ou la convergence des lignes verticales en soit suffisamment bannie pour que la fâcheuse sensation d’écroulement ne s’y manifeste pas, et cela seul suffit à différencier les productions d’un initié de celles du débutant en photographie archéologique, qu’il s’agisse d’extérieurs ou d’intérieurs.

Cette deuxième catégorie de productions pose des problèmes supplémentaires, tout d’abord en ce qui concerne l’appropriation du matériel et le choix des surfaces sensibles ; ensuite, la détermination du temps de pose, en accord avec la tonalité des valeurs, la coloration des vitraux, la saison et l’heure, exige un examen sérieux. L’amateur qui ne se livre qu’occasionnellement à la photographie des intérieurs ne fera pas la dépense d’un matériel spécial ; il s’accommodera au mieux de l’appareil touriste ou à deux fins de modèle courant, surtout s’il ne s’éloigne pas trop des considérations qui conditionnent l’appareil du spécialiste. Pour celui-ci, toujours supporté par un pied stable, il est recommandé : de toujours recourir à la bascule et au décentrement autant que cela est nécessaire pour éviter les déformations perspectives ; d’employer des objectifs de foyer relativement court, afin d’assurer une bonne mise en plaque avec une netteté satisfaisante. Le but proposé est de réaliser un ensemble homogène, où des appuis sont ménagés aux voûtes, où la notion d’espace est suffisamment respectée, où la solidité de l’ensemble est assurée, ce qui s’obtient quand la ligne verticale la plus rapprochée de l’opérateur a sa base un peu au-dessus du bord inférieur de l’image. Ajoutons que l’influence de l’éclairage sur le caractère de l’œuvre dépend de son incidence autant que de son orientation.

Il serait superflu d’insister sur ce point que l’usage de plaques orthochromatiques de sensibilité appropriée s’impose inéluctablement ; un écran ou filtre coloré bien choisi doit compléter la correction de l’influence inégale des couleurs sur la surface sensible. Le calcul des temps de pose exige une étude assez serrée des conditions de l’opération ; il doit considérer la nécessité d’obtenir des détails et un modèle élémentaire dans les parties les moins favorisées par coloration propre et par l’éloignement des verrières. La saison et l’heure ne sont pas non plus indifférentes ; elles doivent cesser devant des accents de repos, de méditation, de recueillement, ce qui n’exclut pas une certaine puissance d’évocation.

Lorsque des personnages sont susceptibles de se déplacer dans le champ de l’objectif, on évite les traînées que causerait leur mobilité en utilisant une ouverture très réduite et en compensant la diminution de l’intensité de l’éclairage par une augmentation convenable du temps de pose. (La loi du carré des ouvertures fournit à ce sujet l’indication désirable.) Au besoin, on interromprait momentanément l’exposition en interceptant le faisceau lumineux au moyen d’un écran opaque quelconque, si un groupe s’avisait de stationner dans le champ. L’industrie propre de l’opérateur trouve enfin matière à s’exercer quand il s’agit de faire appel à la lumière artificielle, pour photographier des cryptes souterrains et autres locaux où ne pénètre pas la lumière du jour.

L’accès des édifices classés est libre dans le cadre des heures d’ouverture ; moyennant une modique redevance, l’amateur est admis à y photographier à sa guise, en dehors, bien entendu, des moments où il serait susceptible de troubler le recueillement des fidèles au cours des cérémonies du culte. Il est d’ailleurs de bonne éducation de se présenter au desservant (ou à l’un de ses représentants) pour l’informer de ses intentions ; on trouve généralement près de lui un accueil bienveillant, car, pour mettre en valeur les beautés de son église, il énumère avec complaisance les enseignements historiques ou archéologiques concernant les parties les plus remarquables de l’édifice. On trouve enfin, auprès de la personne préposée à son entretien, une aide précieuse lorsqu’il y a lieu d’improviser avec des moyens de fortune une plate-forme ou un léger échafaudage, afin de surélever l’appareil et de dominer des obstacles encombrant ou restreignant le champ.

Jacques BÉRYL.

Le Chasseur Français N°606 Février 1942 Page 124