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Le chevreuil

Rien ne fait plus d’impression au chasseur sensible que la vue d’un chevreuil blessé se débattant dans les spasmes de l’agonie. C’est un spectacle que nous n’avons jamais pu voir sans en être vivement ému. Quoi de plus gracieux, en effet, que ce joli animal ? Est-il rien de plus élégant, de plus léger, de plus rapide dans la course ? De tous les animaux qui peuplent nos forêts, le chevreuil est le plus joli.

Il a la tête bien proportionnée et expressive, les oreilles grandes et velues en dedans, le cou long et élevé, les jambes minces et fines avec, sous la première jointure de devant, un bourrelet couvert de poils. Il a le dessus du corps, les épaules, les flancs, les cuisses d’une couleur fauve foncé ou roux clair ; le dessus de la tête, le chanfrein et la face extérieure des oreilles d’un fauve brunâtre plus ou moins foncé ; le menton blanc ; le reste du corps et les jambes d’un fauve plus clair, presque blanchâtre sous les aisselles, le ventre et les grassets. Il porte aux fesses un disque blanc qui le fait voir de loin lorsqu’il fuit sous bois. Il n’a pas de queue, ou, du moins, elle est représentée par un petit bouquet de poils rudes.

Il porte des bois, mais ils n’atteignent pas la taille de ceux du cerf, tout au plus portent-ils trois ou quatre petits andouillers ; c’est cependant par les bois, par les meules et les perlures que l’on juge de l’âge du chevreuil.

La femelle n’a pas de bois, elle est moins jolie, elle a le cou moins fort.

Le chevreuil est sensible au froid et aux intempéries, et il est sujet à plusieurs maladies mortelles, et notamment à la diarrhée, à la consomption et à la pourriture du foie. Il est craintif sans être trop méfiant et curieux.

Il est monogame et ne quitte pas sa femelle ; seule, la mort sépare ces époux parfaits.

La chevrette porte cinq mois et demi et met bas au mois d’avril ou au commencement de mai. À cette époque, elle se sépare du mâle ou brocard et choisit une retraite sûre et bien cachée, où elle donne naissance à deux faons généralement de sexe différent. Ces faons, comme ceux des cerfs, portent la livrée, c’est-à-dire qu’ils sont mouchetés de blanc. La chevrette veille sur ses petits avec un soin jaloux.

Il n’est pas d’animal de mœurs plus douces que le chevreuil ; il se cantonne dans un petit rayon où il est très sédentaire et il conserve souvent ses faons pendant un ou deux ans.

La sensibilité du chevreuil aux intempéries donne d’utiles indications au chasseur qui le recherche. Par un temps sec et chaud, on est sûr de le trouver dans les parties basses et ombrées. Par la pluie, sous les grands arbres susceptibles de l’abriter ; aussitôt que le soleil reparaît, il choisit le lieu le plus sec et le plus exposé à ses rayons. En somme, il s’attache au lieu qu’il a choisi, et, s’il y trouve une nourriture dont s’accommode sa délicatesse, il est bien difficile de le lui faire abandonner.

On tue, en France, un grand nombre de chevreuils, car ils y sont fort abondants ; on les chasse soit en battues, soit aux chiens courants, à tir, soit à courre.

C’est la chasse en battues qui en détruit le plus grand nombre, et on ne saurait donner à ce sujet aucune indication, tout dépendant de la nature des lieux et de l’intelligence de l’organisation. Il s’agit, avant tout, de bien connaître le pays et de placer des tireurs aux bons endroits. Ceux-ci n’ont, après cela, qu’à ouvrir l’œil et à se dépêcher lorsqu’ils voient venir dans leur direction un chevreuil. Ils ne doivent pas oublier que cet animal est rapide et qu’il a tôt fait de tourner rond et de leur fausser compagnie. À part cela, ce n’est pas un tir difficile, car la bête est grosse et elle n’a pas la vie dure : un coup de 2 ou 0 l’abat facilement. La chasse aux chiens courants demande de bons chiens, car le chevreuil est fort rusé, mais, comme il s’éloigne difficilement de son canton, s’il n’est pas mené trop vigoureusement, il ruse sans sortir de l’enceinte, tourne, rabat et croise ses voies, et donne souvent l’occasion de le tirer.

Les meilleurs chiens pour ce genre de travail sont les bassets ou les briquets, et, parmi les briquets, les franc-comtois ou chiens de porcelaine jouissent de la réputation d’être d’excellents chiens de chevreuil.

La chasse à courre est naturellement plus compliquée, c’est une des plus belles et des plus difficiles de la vénerie, car, lorsque le chevreuil se sent sérieusement menacé avec une meute sérieuse et des veneurs décidés à ses trousses, il sort de son sac une foule de ruses. Cette chasse exige une connaissance parfaite du courre et de très bons chiens. Mais, si le chevreuil donne un courre difficile, la chevrette le surpasse encore : il n’est pas de ruses auxquelles elle n’ait recours pour se tirer d’affaire, et souvent elle y réussit, même devant un excellent équipage.

J. B. S.

Le Chasseur Français N°607 Avril 1946 Page 132